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Entretien avec Raoul Hedebouw (2/3) : « Entre le bloc de la Vivaldi, et le bloc des séparatistes et de la haine, le PTB est le bloc de l’opposition de gauche. »

En novembre, Raoul Hedebouw répond à vos questions dans une interview exclusive en trois parties pour le magazine Solidaire. Dans cette deuxième partie, le porte-parole du PTB explique les mesures « sauce suédoise » de la Vivaldi, et le rôle du PTB face au nouveau gouvernement et à l’extrême droite. « On est une gauche qui croit dans l'identité de classe du peuple. Tous ensemble, contre les 1 % les plus riches. »

Vendredi 6 novembre 2020

Livia Lumia et Michaël Verbauwhede

Retrouvez la première partie de notre entretien avec Raoul Hedebouw sur la pandémie de coronavirus :
Entretien avec Raoul Hedebouw (1/3) : « Pour venir à bout du coronavirus, apprenons des autres peuples. »

Après un an sans gouvernement à la tête de la Belgique, début octobre, les négociateurs ont accouché d’un nouveau gouvernement. Pension à 1500 euros, impôt sur la fortune, ministres socialistes, … En apparence, la Vivaldi semble marquer un tournant à gauche. Mais seulement en apparence…

Vous avez été très critique du nouveau gouvernement. Ne faut-il pas lui laisser une chance ?

Raoul Hedebouw. Je pense que M. De Croo avait peur qu'on oublie qu'il continue la Suédoise... On peut le remercier d'avoir mis le frère Michel au gouvernement pour symboliser cette continuité. (Rires) On ne revient sur aucune des grandes mesures de la Suédoise, comme la pension à 67 ans, le tax shift, le saut d’index, le blocage des salaires…

De Croo veut privatiser le rail, mais beaucoup se disent qu’avec un ministre Ecolo, cela n’arrivera pas. La loi de 1996 sur le blocage des salaires n'est pas modifiée, mais certains pensent que comme c'est un ministre socialiste qui va s'en occuper, il y aura moyen de s'arranger... Qui est vraiment aux manettes dans ce gouvernement ?

Raoul Hedebouw. La séquence actuelle est intéressante. Dans les années '90 et 2000, il y avait beaucoup moins de débats idéologiques de ce type-là. Sur le fond, les quatre familles traditionnelles (et la N-VA en plus), sont complètement d'accord d'accompagner les politiques libérales européennes. La loi sur la modération salariale, le PS l'a votée même quand le MR n'était pas au gouvernement : c’était le gouvernement Dehaene, avec les socialistes et les sociaux chrétiens (CD&V et cdH). La compétitivité (« les salaires trop élevés sont le problème ») est intégrée par la gauche traditionnelle comme faisant partie de son ADN.

Et le PTB viendrait perturber cela ?

Raoul Hedebouw. Ce qu'il y a d'intéressant en Belgique, en 2020, c'est que, pour la première fois depuis 30 ans, il y a une opposition à la gauche de la gauche, qui est présente dans l'opinion publique, au Parlement, dans les médias et sur le terrain. Ça, c'est un fait nouveau, qui oblige les partis traditionnels de gauche à tenir une rhétorique qu'ils n'auraient pas tenue dans les années 2000. Ecolo et Groen n'ont pas dû se justifier fortement en 2003, lorsqu'ils ont mis en place la libéralisation des chemins de fer. Parce que le PTB n'était pas assez fort pour imposer son point dans l'opinion publique.

Sur le fond, la gauche traditionnelle n'appliquera pas une vraie politique de gauche, comme durant ces trente dernières années. Mais sur la forme, elle a besoin de se justifier. Et là, ça devient intéressant. Ce débat-là permet de conscientiser toutes les parties du peuple qui veulent se mobiliser pour des avancées sociales.

L'interview continue en-dessous de la vidéo.

Pourtant, quand on écoute les partis traditionnels, on a l’impression qu’ils sont tous d’accord de faire payer les riches...

Raoul Hedebouw. L’impôt sur la fortune, ça n'a fait aucun débat en Belgique depuis 30 ans. Chaque fois qu'il y a des négociations gouvernementales, c'est le point qui tombe à l'eau. Mais cette fois, ils ont besoin d'avoir une sorte de symbole pour répondre à un électorat de gauche (qui dépasse l'électorat du PTB, et je m'en réjouis) qui dit : « il faut aller chercher l'argent chez les plus riches. » Pour la première fois, on a une tentative d'arnaque officielle. On a vraiment vu tous les partis dire qu'il y aura un impôt sur la fortune. « Ne demandez pas trop le comment du pourquoi... Le contenu, c'est secondaire, mais il y en aura un. » On est allé gratter pour savoir de quoi il retournait.

Et de quoi il en retourne, justement ?

Raoul Hedebouw. Ce qu’ils proposent, c'est une rentrée de 300 millions d'euros. En Belgique, le 1 % des plus riches a un patrimoine de 500 milliards. Faites le calcul : 300 millions sur 500 milliards, c'est un rendement de 0,06 %. C'est ridicule. Et ça, personne ne pouvait le nier au niveau de la Vivaldi.

On annonce un déficit de 24 milliards au niveau du budget, avec la crise du covid. Il y a quand même une question simple : où va-t-on chercher l'argent ? Dans les services publics ? Chez les travailleurs en créant des taxes supplémentaires ? Notre taxe des millionnaires est une solution.

Nous avons aujourd’hui un gouvernement avec autant de femmes que d’hommes. Un signe de progrès ?

Raoul Hedebouw. C’est quelque chose de positif. Le fait qu'une femme soit présidente du Parlement aussi. D'ailleurs, nous avons soutenu la candidature d'Éliane Tillieux. Parce que c'est un signal important. Mais j'espère que ça ne va pas rester au niveau des symboles. Pour ça, la question des pensions est importante.

Les fameux 1500 euros de pension… Alors c’est du brut ou du net ?

Raoul Hedebouw. Quand on rencontrait les gens dans la rue qui signaient notre loi d’initiative citoyenne pour les 1500 euros de pension, ils nous disaient : « ce qu'on veut, c'est du net et pas du brut. Et maintenant. » C'est là où le bât blesse. Le gouvernement dit : « Ce sera 1580 euros brut. » Ça, c'est le chiffre sur lequel il y a un accord entre partis politiques. Tout le reste, c'est du blabla. Ça veut dire quoi en net ? 1450 euros.

Ensuite, ils le promettent pour 2024. Or si on prend une inflation de 1,5 à 2 % (selon les projections de la Banque centrale européenne), on va arriver à un équivalent en pouvoir d'achat de 1365 euros. Donc, non, ce n'est pas la même chose.

Et enfin, pour faire le lien avec la question des femmes, la pension à 1500 euros promise par le gouvernement, c'est après 45 ans de carrière. Or 9 femmes sur 10 n'atteignent pas 45 ans de carrière. C'est cette inégalité-là qu'on doit corriger. Mais par un mot là-dessus dans l'accord de la Vivaldi…

Autre dossier important : le retour de la pension à 65 ans...

Raoul Hedebouw. La Vivaldi ne revient pas non plus sur cette mesure de la Suédoise. Or trois semaines avant les élections, des partis qui se revendiquent « de gauche », par la voix d'Elio Di Rupo pour le PS, et de Meryame Kitir pour le sp.a, avaient mis comme point de rupture le retour à la pension à 65 ans… Et puis, rien.

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Rien n’est prévu dans l’accord du gouvernement De Croo en ce qui concerne les possibilités de départ anticipé à la pension pour les métiers pénibles. « Un comble, réagit Raoul Hedebouw, chef du groupe PTB à la Chambre. Nous recevons de nombreux messages de colère sur le sujet. » (Photo Solidaire)

Peut-être ont-ils été confrontés à la logique des rapports de force dans le gouvernement ?

Raoul Hedebouw. Tous les témoignages concordent : le retour à la pension à 65 ans n'a même pas été abordé une seule fois dans les négociations en 500 jours. C'est inacceptable.

Paul Magnette dit quand même que ceux qui font des métiers lourds pourront partir plus tôt...

Raoul Hedebouw. Il utilise le même argument que Daniel Bacquelaine (ex-ministre des pensions, NdlR) : « Tout le monde ne devra pas travailler jusqu'à 67 ans. Il y aura beaucoup d'exceptions. » C'est évident que travailler jusqu'à 67 ans, c'est inacceptable pour les gens. Parce que, devant la mort, nous ne sommes pas égaux. Un travailleur qui n'a pas de diplôme universitaire vit en moyenne 15 à 20 ans de moins que quelqu'un qui a un diplôme universitaire. Mon père, qui est sidérurgiste, par exemple, voit aujourd'hui des collègues partir, avoir des gros problèmes de cœur, etc. On n'est pas égaux devant la mort, dans nos carrières, à l’école…

Mais il y a plus. Dans la Suédoise, il y avait un dossier complémentaire : celui des métiers pénibles. C'est à dire qu'on allait désigner tous ces métiers qui allaient être considérés comme pénibles. Et ce dossier-là est inexistant dans la note de la Vivaldi. Il n'y a aucune garantie de pouvoir mettre en place ces métiers pénibles. Et pour ma part, je pense que la réponse est très claire : à 67 ans, tous les métiers sont pénibles.

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Est-ce que, malgré tout, un gouvernement sans la N-VA, ce n’est pas un soulagement ?

Raoul Hedebouw. Je suis content que le plan du PS et de la N-VA de former un gouvernement n'ait pas abouti. Pourquoi ? Parce que le ciment de cet accord était une régionalisation à outrance de pas mal de compétences dont la justiceles soins de santé, des pans importants de notre sécurité sociale. C'est clair que le PS a été très loin dans l'accord avec la N-VA et que c'était une véritable menace pour la solidarité en Belgique, et pour l'unité de notre pays. Je suis donc content de voir que ce projet-là ait capoté.

Quand le PS est allé négocié avec la N-VA, est-ce que c'était plutôt un choix tactique, en sachant qu'il n'y aurait pas d'accord à ce moment-là, ou est-ce qu'il y a vraiment une volonté du PS d'aller vers la régionalisation ?

Raoul Hedebouw. Il y a eu un réel déclic dans le mauvais sens au niveau de la direction du PS : une acceptation du cadre confédéral dans lequel la N-VA veut nous mener. On était très loin dans les négociations. On n'était pas dans un geste tactique. Cela se greffe sur un fond régionaliste qui existe chez de plus en plus de responsables du PS, notamment Pierre-Yves Dermagne, qui est aujourd'hui Vice-premier ministre fédéral, le leader du PS au gouvernement. Ce n'est quand même pas rien comme signal.

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En juillet, Paul Magnette (PS) évoque le coronavirus et la crise pour justifier l’ouverture de négociations avec la N-VA de Bart De Wever. Avec, à la clef, une réforme de l’État en échange d’un refinancement des soins de santé et de la sécurité sociale. (Photo Belga)

Croire que se replier sur son lopin de terre va permettre de résoudre le difficile problème du rapport de force national et international qu'on doit établir contre la finance et les puissantes forces capitalistes, c'est vraiment une illusion. Aujourd'hui, le capitalisme se structure à l'échelle européenne. Regardez les travailleurs de Ryanair : ils ont obtenu une victoire l'année passée parce qu'ils étaient actifs dans cinq-six sites européens en même temps. La difficulté aujourd'hui, pour nous, la gauche, c'est de rassembler les forces au niveau européen et au niveau national. Et de pouvoir aussi influencer les régions qui sont parfois moins à gauche.

Mais est-ce que la division du pays, ce n’est pas le « sens de l’histoire », comme le défend la N-VA ?

Raoul Hedebouw. En politique, il n'y a pas de sens de l'histoire. En politique, on crée l'histoire. Le jour où on a mis la Sécurité sociale sur pied, c'était contre le sens de l'histoire vu qu'on retirait du marché 25 % du produit intérieur brut. C'était aller à rebours de l'histoire dans la vision libérale. Mais pour nous, c'était aller dans le sens de l'histoire du mouvement populaire. Il n'y a pas un sens de l'histoire « au dessus de la mêlée ». Il y a un sens de classe à l'histoire.

En critiquant le gouvernement, le PTB ne se met-il pas malgré tout dans le même sac que la N-VA et le Vlaams Belang ?

Raoul Hedebouw. Justement, on doit critiquer la Vivaldi. C’est une illusion de croire que la Vivaldi qui va continuer la politique de l’austérité de la Suédoise, va gagner la lutte contre l’extrême droite. Mais en même temps, on n'a rien à voir avec cette opposition séparatiste dont l’explication à tous les problèmes des gens, c'est « les Wallons ». Ou les « immigrés ». Le PTB est l'antidote à ce discours de la haine. On veut rassembler les gens. On est une gauche solidaire. On est une gauche qui croit dans l'identité de classe du peuple. Tous ensemble, contre les 1 % les plus riches. Entre le bloc de la Vivaldi, et le bloc des séparatistes et de la haine, le PTB est le bloc de l’opposition de gauche, de la solidarité.

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Et on va aussi critiquer ce bloc de la haine. La première intervention qu'on a faite au Parlement sur la Vivaldi, c'était pour critiquer la NV-A et le Vlaams Belang, notamment sur le fait qu'ils soutiennent tous la loi sur le gel des salaires. Au Parlement, traditionnellement, les députés interviennent au centre pour critiquer le gouvernement, qui est en face d’eux. Mais ici, pour la première fois depuis un bon bout de temps, on a vu un parti comme le PTB faire des side kicks (coup de pieds latéral, NdlR) à droite (rires). Ça a marqué beaucoup d’observateurs…

Retrouvez la première partie de l’interview exclusive de Raoul Hedebouw sur la pandémie de coronavirus :
Entretien avec Raoul Hedebouw (1/3) : « Pour venir à bout du coronavirus, apprenons des autres peuples. » 

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