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Analyse de la note Coquelicot : les promesses d’aujourd’hui préparent les renoncements de demain

PS et Ecolo ont donc déposé une note contenant leurs lignes directrices en 25 points pour la Région wallonne et en 18 points pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, comme base d’une déclaration gouvernementale. « Après analyse approfondie de ces textes par nos instances et après consultation avec notre groupe parlementaire, nous arrivons à la conclusion que la rupture annoncée en mots par le PS et Ecolo ne se traduit ni en actes ni en chiffres », réagit Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB.

Dimanche 7 juillet 2019

« En pratique, la politique qui s'annonce est celle de la continuité et du statu quo. Aucun budget ni aucuns chiffres n'accompagnent le document soumis, et ceci afin de cacher les conséquences pratiques de la non-remise en cause du cadre austéritaire imposé par l'Union européenne et le niveau fédéral. C’est pourtant ce cadre qu’il faut bousculer plutôt que de l’accepter pour former une coalition. Pour le PTB, ce n’est qu’à cette condition que les aspirations exprimées par la majorité des citoyens et rappelées par la société civile lors du processus de consultation du PS et d’Ecolo pourront être rencontrées », déclare Germain Mugemangango, chef de groupe PTB au Parlement wallon.

« La continuité s’exprime également dans le fait que PS et Ecolo indiquent vouloir maintenir la politique économique suivie depuis trente ans. On confirme les pôles de compétitivité et le Plan Marshall (sous un nouveau nom). On annonce même qu’on va mettre en œuvre les recommandations du Conseil de l'industrie (qui regroupe les dirigeants des grandes multinationales actives en Wallonie). Or cette politique d'octroyer toujours plus de cadeaux aux multinationales a globalement échoué », poursuit Germain Mugemangango.

La note Coquelicot est taillée sur mesure pour convaincre le cdH (et non le PTB) de participer à un gouvernement.

En réalité, le texte proposé par le PS et Ecolo ressemble à la Déclaration de Politique Régionale de l’Olivier PS-Ecolo-cdH qui a dirigé la Wallonie entre 2009 et 2014. Elle est taillée sur mesure pour convaincre le cdH de participer à un gouvernement.

Or, le bilan de l'Olivier est celui du renoncement et des promesses non tenues. L’Olivier avait promis 6 000 nouveaux logements sociaux, mais il a fini la législature avec 2 078 logements en moins. Alors que l’Olivier promettait de garantir un coût modéré des tarifs de la TEC, le ticket a ainsi augmenté de 45 %, passant de 1,30 euro à 1,90 euro. « Cette note contient déjà ou bien l’annonce des promesses non tenues ou bien le fait que la majorité de la population sera priée de casquer », souligne dès lors Germain Mugemangango.

« Nous n’allons donc pas soutenir ces lignes directrices comme base d’un futur gouvernement qui serait le remake de l’Olivier. Nous n’allons également pas le soutenir de l’extérieur. Car cette dernière formule reviendrait en réalité à signer un chèque blanc puisque, si le PS ou Ecolo ne respectaient pas leurs engagements, le PTB n’aurait aucun moyen de les sanctionner étant donné que la Wallonie a des gouvernements de législature », explique Raoul Hedebouw. « Le fait que nous ne soutiendrons pas l’intronisation d’un gouvernement sur base du cadre qui est proposé n’exclut par contre évidemment pas notre soutien à certains décrets, au cas par cas, quand ils iront dans le bon sens », précise le porte-parole national du PTB.

Des promesses sociales qui butent sur le carcan budgétaire européen et fédéral, une politique économique globalement inchangée

Les lignes directrices d’une Déclaration de politique gouvernementale pour la Wallonie promettent « un projet qui concrétise des politiques de rupture destinées à (re)positionner la Wallonie dans un monde en mutation » (Lignes directrices Wallonie, p. 1). L’examen approfondi du projet démontre au contraire que la rupture n’est malheureusement ici qu’un mot sans contenu réel. Bien sûr beaucoup de points traduisent des attentes fortes, portées aussi par la société civile et plus largement la population. Mais malheureusement, dès qu'il s'agit d'aller au-delà des déclarations d'intentions, la traduction pratique aboutit à continuer la politique menée actuellement.

1. Aucune remise en question de la politique mise en place ces 30 dernières années

Le texte proposé par le PS et Ecolo ressemble en réalité à la Déclaration de Politique Régionale de l’Olivier PS-Ecolo-cdH qui a dirigé la Wallonie entre 2009 et 2014. Or, pour le PTB, la situation sociale exige un bilan critique du passé. En Wallonie, la pauvreté touche un enfant sur quatre, un enfant sur dix à la fin de sa scolarité ne sait pas bien lire et calculer dans la vie quotidienne, le taux de chômage des jeunes est de 22 %, les factures d'électricité explosent (une augmentation de 50 % en cinq ans), il y a 40 000 personnes qui attendent un logement social, les soins de santé deviennent difficilement accessibles.

Le PS et Ecolo veulent en fait continuer la ligne politique appliquée par le gouvernement de l’Olivier en 2009.

On ne peut pas réduire ce désastre social à la seule présence du MR au gouvernement. De 2004 à 2017, celui-ci n’était d’ailleurs simplement pas au gouvernement wallon. Pendant 30 ans, ce sont donc bien des partis qui se disent « de gauche » ou progressistes qui ont appliqué une politique de droite.

En soi, tout le monde peut faire des erreurs, mais il serait logique que la non-répétition de ces « erreurs » soit l’objet d’engagements fermes dans un accord de gouvernement. L’absence de remise en question des politiques du passé dans cette note confirme ce qui a été constaté par les représentants du PTB à la table des négociations : le PS et Ecolo veulent en fait continuer la ligne politique appliquée par le gouvernement de l’Olivier. Pour le PTB, ce n’est pas une option de cautionner une telle politique.

2. L'Olivier n'avait pas donné les fruits promis, le Coquelicot risque de vite faner

En 2009, l'Olivier, la configuration « la plus progressiste » de Wallonie pour reprendre le qualificatif de Paul Magnette, un gouvernement PS-Ecolo-cdH, avait promis de produire de beaux fruits. Pourtant, après cinq ans de cet Olivier, aucun fruit n'est apparu et la situation des Wallons a empiré.

Le bilan de l'Olivier est celui du renoncement et des promesses non tenues.

En 2009, le gouvernement de l’Olivier promettait 6 000 logements publics (Accord de gouvernement 2009, p. 89). Cinq ans plus tard, le résultat était 2 078 logements en moins. En 2009, il promettait la réduction des factures d'énergie verte. Cinq ans plus tard, la facture est passée de 650 euros à 810 euros. En 2009, il promettait une amélioration de l'offre des TEC et un coût modéré du ticket de bus. Le résultat cinq ans plus tard était moins de bus, moins d'arrêts, le ticket 40 % plus cher et la suppression de la gratuité pour les plus de 65 ans.

Le 11 juillet 2009, Elio Di Rupo pour le PS, Jean-Michel Javaux pour Ecolo et Joëlle Milquet pour le cdH, annoncent un accord pour la constitution de l’Olivier en Wallonie.

Le 11 juillet 2009, Elio Di Rupo pour le PS, Jean-Michel Javaux pour Ecolo et Joëlle Milquet pour le cdH, annoncent un accord pour la constitution de l’Olivier en Wallonie.

La raison de ce désastre ? PS et Ecolo ont appliqué les budgets d'austérité imposés par l'Union Européenne (voir le bilan de l’Olivier). Or aujourd’hui, le texte présenté n’indique pas une rupture avec l’obéissance à ces traités. Ce qui veut dire que toutes les belles intentions vont une nouvelle fois buter sur ces traités.

On ajoutera que l’Olivier annonçait aussi une révolution éthique, et notamment le fait que « les émoluments liés aux mandats dérivés de ces fonctions seront rétrocédés à l’institution » (Accord de majorité 2009, p. 235). Il annonçait aussi « l’application du plafond de rémunération équivalent à 150 % de l’indemnité parlementaire aux mêmes administrateurs et commissaires » (Accord de majorité 2009, p. 236). Qu’ont-ils fait de ces promesses ? Publifin nous l’a appris. Les émoluments des mandats dérivés n’ont absolument pas été reversés aux institutions. Le jour même de l'annonce de l'accord PS-Ecolo, on apprenait qu’au mépris de toutes les règles éthiques, Muriel Targnion (PS), bourgmestre de Verviers, présidente de Publifin, siégera comme « conseillère » dans la filiale Luminus de la multinationale française EDF pour la somme de 30 000 euros par an. Quelle crédibilité ont encore ces multiples déclarations depuis plus de dix ans contre les parvenus qui ne semblent avoir aucune effet sérieux ? 

3. Des promesses à réaliser avec quel budget ? Le Coquelicot n'y répond pas et n'avance aucune rupture dans le concret avec le carcan européen

On trouve dans le texte du cartel Coquelicot beaucoup de déclarations d’intentions semblables à celles avancées par l'Olivier. En matière de développement des transports publics, d’investissement dans les maisons de repos, d’aide aux personnes ayant un handicap,…

Dans les Lignes directrices d’une Déclaration de politique gouvernementale pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, PS et Ecolo parlent à de très nombreux endroits de « maintenir », « approfondir », « poursuivre », « amplifier » ce qui existe déjà ou est déjà mis en place en matière d’enseignement1. Comment mettre fin au fait qu’un enfant sur dix finit son parcours scolaire sans savoir lire et compter convenablement en poursuivant globalement la même politique et en ne modifiant les choses qu’à la marge ?

Ainsi, pour lutter contre les inégalités scolaires, une diminution de la taille des classes devrait permettre à un maximum d’élèves de réussir leur scolarité. Cette question est abordée dans le texte, mais le Coquelicot parle de « définir de nouvelles balises qui permettront de réduire la taille de certaines classes, et en priorité la classe d’accueil ». Fort bien, mais combien d'élèves par classe? Quelles classes ? Avec quel budget supplémentaire ?

La Wallonie est en déficit d’1,3 milliard d’euros et a une dette de 21 milliards d’euros. Tout cela pour un budget total de 13 milliards d'euros. La Fédération Wallonie-Bruxelles n’a quasi aucune marge en raison de la loi de financement : sa dette est en train d’exploser. Elle était de 3 milliards en 1999, de 8 milliards maintenant et sera de près de 12 milliards dans 5 ans.

Si on accepte ces carcans, les déclarations ne pourront pas être réalisées. Ce sera l'austérité programmée. Comme en 2009.

Pourtant, aucune piste sérieuse pour sortir des carcans budgétaires n’est avancée pour sortir de cette situation. Or si on accepte ces carcans, les déclarations ne pourront pas être réalisées. Ce sera l'austérité programmée. Comme en 2009.

Le document wallon se termine d’ailleurs dès son introduction par une phrase qui annonce déjà les renoncements de demain : « Le Gouvernement portera à l’échelle européenne une rupture avec les normes budgétaires actuelles pour permettre de comptabiliser les investissements du plan de transition hors des soldes budgétaires. La réalisation des mesures sera programmée en fonction des moyens disponibles et des possibilités de réorientation budgétaire. » (Lignes directrices Wallonie, p. 3)

Autrement dit, on demandera à l'Union européenne la permission de sortir du carcan budgétaire mais, si on ne l'obtient pas, on se contentera de ce qu'on aura… D’ailleurs, Elio Di Rupo prévient déjà : « Nous devrons à un moment donné avoir un examen du budget vérité dans le cadre du débat sur la déclaration de politique générale. » (Interview dans L’Écho, 6 juillet 2019). Les promesses aujourd’hui, le « budget vérité » demain. On assiste déjà à une répétition de ce qu’on a vécu avec les gouvernements précédents.

En effet, les pouvoirs publics sont pris dans l’étau des règles budgétaires et comptables européennes (Pacte de stabilité et de croissance, normes comptables dite « SEC 2010 ») qui les empêchent d’investir dans l’énergie, le logement, les transports,... Avec ces normes, chaque investissement doit être comptabilisé dans sa totalité au moment du lancement, ce qui est évidemment impossible. D’autant qu’avec le traité budgétaire européen (le « TSCG », approuvé par le PS et Ecolo en Région wallonne et bruxelloise), il est dorénavant interdit d’avoir un déficit annuel au-delà de 3 % et une dette globale de plus de 60 %.

Les pouvoirs publics sont donc bloqués, ils ne peuvent pas faire d’investissements publics quand bien même ceux-ci seraient rentables à terme. C’est comme si on disait à quelqu’un que, s’il veut acheter une maison, il est obligé de mettre la totalité de l’argent sur la table ... Les seuls moyens qu'il reste alors aux pouvoirs publics pour quand même dégager l'argent nécessaire pour investir est de pratiquer l'austérité ou d'avoir recours aux PPP – les fameux partenariats public-privé. Ce dernier est un mécanisme très coûteux pour les pouvoirs publics car les multinationales qui avancent l’argent en profitent évidemment pour se sucrer au passage.

Tenant compte de la situation financière de la Wallonie et des restrictions européennes, des chercheurs de l'Université de Namur qui ont étudié la question ne voient que trois pistes possibles : (1) Demander de l’argent au niveau fédéral. Ce qui implique que ce niveau trouve d’autres sources de financement. (2) Se résoudre à organiser l’austérité et à économiser dans les dépenses actuelles pour investir ailleurs. (3) Investir via des PPP. Donc, si on ne remet pas en question le cadre austéritaire européen, on ira chercher l’argent dans les poches des travailleurs.

Si on ne remet pas en question le cadre austéritaire européen, on ira chercher l’argent dans les poches des travailleurs.


Les Lignes directrices du Coquelicot promettent de « porter à l’échelle européenne » « une rupture avec les normes budgétaires actuelles pour permettre de comptabiliser ces investissements hors des soldes budgétaires ». Que signifie concrètement les mots « porter à l'échelle européenne » ? Cela fait des années que des message de ce type sont « portés à l’échelle européenne » pour mieux être rejetés par ces institutions taillées sur mesure par les multinationales européennes. Concrètement donc : en attendant ce changement au niveau européen (avec Charles Michel en président du Conseil !), le Coquelicot appliquera donc les diktats européens sans désobéir. On fera comme avant : dire une chose en paroles mais appliquer tout autre chose en réalité.

Il s'agit d'un point crucial qui a d’ailleurs mené à la fin des discussions entre le PS et le PTB : le refus d'Elio Di Rupo de désobéir aux règles européennes (qu’il a approuvées comme Premier ministre) et de le mettre dans un accord de gouvernement. Sans cette volonté, une condition essentielle pour mener une politique de gauche de rupture n’est pas remplie.

Un point crucial qui a mené à la fin des discussions entre le PS et le PTB a été le refus d'Elio Di Rupo de désobéir aux règles européennes.

Un point crucial qui a mené à la fin des discussions entre le PS et le PTB a été le refus d'Elio Di Rupo de désobéir aux règles européennes.

D’autant plus que ce carcan européen est doublé du carcan fédéral qui organise la régionalisation. Carcan qui a été voté par tous les partis traditionnels (parfois avec les partis écologistes) et qui bloque aussi la plupart des possibilités de refinancement. « Régionaliser sert à faire des économies », disait début des années 1990 le ministre du Budget, Hugo Schiltz, leader de la Volksunie. On l'a vu dans l'enseignement dans les années 1990, et cela reste valable avec le budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui n'offre aucune réelle marge pour des politiques nouvelles. Le carcan fédéral est aussi un moyen d’imposer l’austérité aux différentes étages. On régionalise des compétences sans transférer les moyens nécessaires. On le voit encore avec la loi de financement modifiée elle aussi dans le cadre de la 6e réforme de l’État qui va diminuer drastiquement le budget wallon à partir de 2024. Ce carcan fédéral fait aussi que les seuls instruments fiscaux possibles pour toucher le grand capital se trouvent aussi au fédéral (impôt des sociétés, impôt sur la fortune,…). Or c’est ce levier fiscal qu’il faut activer pour dégager des moyens afin d'investir pour une politique de gauche aujourd’hui.

PS et Ecolo n’ont pris aucun engagement concernant la fin des partenariats publics-privés

C’est pour ces raisons que PS et Ecolo n’ont pris aucun engagement concernant la fin des partenariats publics-privés dans leurs lignes directrices. Alors que l’exigence d’arrêter cette politique à la fois coûteuse et anti-démocratique, reprise notamment dans les mémorandums des organisations syndicales, était portée par le PTB dans les discussions avec le PS.

Pour le PTB, le marché locatif privé doit être contrebalancé par un large secteur locatif public et social.

Logement : en réalité, encore moins d'ambition qu'en 2009 et de fausses solutions qui vont empirer les choses

Répondre à la crise du logement est un des défis les plus importants de la prochaine législature. Les lignes directrices PS-Ecolo n’offrent pas de perspective de résolution du problème.

Il y a 40 000 familles qui ont besoin d’un logement social. Un logement social est bien un logement dont le loyer est calculé en fonction des revenus et non pas en fonction de la valeur du logement sur le marché. La FGTB wallonne réclamait dans son mémorandum la construction de 40 000 logements sociaux pour la prochaine législature. Le document transmis évoque la volonté d’arriver à 10 % de « logements à loyer modéré ».

Un tel objectif est bien en deçà des promesses (non tenues) tenues par l’Olivier. En 2009, la Déclaration de politique régionale avançait le chiffre de 6000 logements publics à construire (objectif qui n’a pas été respecté). Aujourd’hui, il n’y a même plus de chiffres concrets. En 2009, on parlait de 10 % de logements publics (objectif qui n’a pas été respecté puisqu’on est à 6 % de logements publics aujourd'hui). Aujourd’hui, on ne parle même plus de logements publics mais de « logements à loyer modéré ».

D’autre part, jusqu’à présent, le chiffre de 10 % était utilisé pour évoquer la nécessité dans les communes d’avoir 10 % de logements sociaux. Dans le document qui est soumis, il y a un beau mélange de différents outils qui mettent dans le même tiroir des mécanismes totalement publics (sans trop savoir quel en sera le public-cible) et des initiatives privées ou semi-privées. Comment de telles initiatives peuvent-elles répondre aux 40 000 personnes qui sont actuellement sur les listes d’attente d’un logement social ?

Le document propose aussi la mise en place d’une allocation-loyer pour les ménages à petit revenu en attente d‘un logement social. Mais, malgré ce qui est dit, une telle allocation risque de contribuer à l’augmentation des loyers dans un marché locatif non-régulé. Or, concernant la régulation du marché, là aussi c’est flou : le document parle de « renforcer les outils pour lutter contre les loyers abusifs à partir de la grille des loyers existante. A cette fin, le Gouvernement créera un service de médiation qui pourra être saisi par les locataires. Le locataire pourra aussi saisir le juge de paix. » (Lignes directrices Wallonie, p. 16). Il est difficile de voir ce qui change par rapport à ce qui est possible actuellement. Au lieu de parler explicitement d’une véritable régulation du marché locatif avec une grille contraignante de tous les loyers, on parle simplement d’un instrument de lutter contre les « loyers abusifs ». Quand un loyer devient-il abusif ?

Pour le PTB, le marché locatif privé doit être contrebalancé par un large secteur locatif public qui peut de la sorte aider à réguler le secteur dans son ensemble et ainsi répondre aux besoins sociaux en matière de logement. Seuls les pouvoirs publics ont la capacité de prendre ce défi en main. Pas le secteur privé.

Le Coquelicot tente de noyer le poisson mais en réalité, dans la déclaration, il s'agit bien d’abandonner l'objectif de 10 % de logements sociaux et de renoncer à une vraie régulation du marché locatif.

4. Une politique économique globalement inchangée, sous la direction du Conseil de l'industrie des multinationales

« Avec ce plan de transition sociale et écologique qui prendra la succession du plan Marshall, on ne travaille pas à la marge, mais au cœur de toutes les politiques », affirme Jean-Marc Nollet (interview dans L’Écho, 6 juillet 2019).

En réalité, au-delà des belles déclarations, c'est la continuité de la politique suivie qui est annoncée. Ainsi, la politique industrielle défendue par le PS et Ecolo est introduite dans la note pour la Région wallonne comme suit : « Afin de renforcer le redéploiement de l’industrie wallonne pérenne et durable, le Gouvernement mettra en œuvre les recommandations du Conseil de l’industrie » (Lignes directrices Wallonie, p. 8).

La Déclaration s’aligne sur les demandes des CEO des grandes entreprises wallonnes

Ce Conseil de l'industrie est composé des dirigeants de multinationales importantes (GSK, UCB, Alstom, Google…). Dès l’introduction, leurs « recommandations » précisent « les conditions de réussite pour garantir un climat favorable à l’industrie », notamment :

  • « Garantir des règles de concurrence loyale au sein de l’Union européenne et avec le reste du monde ;
  • Adapter le marché du travail aux nouvelles réalités économiques ;
  • Maintenir la compétitivité coûts de nos entreprises en garantissant des coûts du travail comparables à nos partenaires commerciaux ;
  • Maintenir un climat social serein ;
  • Garantir une politique économique stable. »

Avec donc notamment des recommandations qui visent à limiter la fiscalité sur les entreprises et à limiter le droit de grève (Rapport du Conseil de l’industrie pour renforcer la politique industrielle de la Wallonie, 30 juin 2017). Ce sont des recommandations classiques néolibérales dignes de la Commission européenne.

À ce niveau, la Déclaration s’aligne sur les demandes des CEO des grandes entreprises wallonnes.

En réalité, la politique économique menée depuis le Contrat d’avenir en 1994, puis, à partir de 2005, via les plans Marshall 1, Marshall 2.vert et Marshall 4.0, n’est pas remise en cause. Depuis 25 ans, la politique de la Région consiste essentiellement à offrir des aides et subsides au privé, en partant des besoins de rentabilité des grandes entreprises pour définir les secteurs à développer.
C’est toute la logique des 6 pôles de compétitivité (la pharmacie, la biotechnologie, l’aéronautique, la logistique,…) – tous très liés aux multinationales – dont la note PS-Ecolo annonce dans son axe 3 le maintien intégral. Le pôle « Logistic » est dominé par Alstom, le pôle « Skywin » a 15 multinationales parmi ses membres, le pôle « GreenWin » (chimie et économie circulaire) comprend 27 multinationales partenaires, le pôle « Biowin » (Biopharma) compte 11 multinationales et son président n’est autre que le chef R&D de la multinationale GSK. Et il y a encore les pôles « Wagralim » (agro-industrie) et MecaTech (activité manufacturière et 4.0).

La logique des ces plans économiques wallons est toujours la même : concentrer les moyens publics dans certains secteurs réputés porteurs et de tourner l’économie Wallonne vers l’exportation. En gros, la même politique néolibérale de mise en concurrence d'une région avec l'autre que pratiquent la plupart des régions européennes.

« il n’y a rien qui change. À 95%, c’est de la continuité », disait Magnette.

La stratégie économique est d’ailleurs restée la même entre les deux derniers gouvernements. Paul Magnette lui-même le disait au lendemain de la chute de son gouvernement : à propos de la Déclaration de politique régionale MR-cdH, « il n’y a rien qui change. À 95%, c’est de la continuité. »

Cette politique économique a pourtant montré toutes ses limites. Et, au lieu d’utiliser cet argent pour des investissements publics, la Région wallonne soutient l'initiative industrielle privée non seulement via le Plan Marshall mais aussi via son bras financier qui est la Sogepa (Société wallonne de gestion et de participation). En 2017, la Sogepa intervenait dans des entreprises via des prêts ou des participations auprès de 123 entreprises. Elle détient des participations pour un montant de 460 millions d'euros d'argent public2. Est-ce que cet argent est investi pour répondre aux besoins de la population ? Est-ce que cet argent protège l’emploi des Wallonnes et des Wallons ? Pas vraiment, comme on l'a vu récemment dans la gestion du dossier NMLK-Clabecq où, malgré une forte participation publique dans une entreprise dominée par une multinationale qui réalise des centaines de millions d’euros de bénéfice, un plan de 300 pertes d'emplois a été avalisé.

Avec cette politique économique, seules les multinationales sont gagnantes.


Cette politique économique de chouchoutage des grandes entreprises privées est inefficace. Le gouvernement PS-cdH avait prévu en 2014 un soutien public de 2,4 milliards sur la législature. Le gouvernement suivant évoquait même un montant de 2,9 milliards d’euros dévolu au plan Marshall. Il s'agit donc d'une politique particulièrement coûteuse pour les finances publiques wallonnes. Pourtant, même l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) a déjà pointé dans différents rapports d’évaluation sur les précédents plans Marshall que ces milliards n’ont conduit qu’à très peu d’emplois et encore à moins de créations d’entreprises. Les investissements réalisés par les groupes privés auraient été réalisés même sans subsides et aides financières publiques à la clé.

Le caractère inefficace de cette politique se manifeste aussi dans le fait que la Wallonie ne résorbe en rien son retard économique. Malgré ces plans économiques, la part de la Wallonie dans le PIB belge diminue même. La Wallonie a aujourd’hui un PIB par habitant inférieur à celui du Portugal ou de la Tchéquie.

Dans cette course, seules les multinationales sont gagnantes. Elles vont se servir là où elles peuvent encaisser le plus de subsides Cette politique entraîne les pouvoirs publics dans une spirale qui tirent les finances publiques vers le bas sans aucun réel retour économique.

A part un changement de nom, il n’y a donc pas de remise en cause de cette logique dans le chef du PS et d’Ecolo. De plus, ces pôles étant complètement imbriqués dans la logique des multinationales de profit à court terme, on voit mal comment cette logique peut être compatible avec un plan de transition sociale et écologique.

Photo : Bastien Konfourier/Flickr

Photo : Bastien Konfourier/Flickr

Nous avons besoin d’une politique énergétique dirigée par le public avec des sociétés publiques productrices d’énergie

Une vraie transition environnementale demande une planification écologique qui se détache du marché

Le texte parle de faire de la Wallonie une « région pionnière dans l’énergie renouvelable ». On promet de « soutenir les coopératives actives dans les économies d’énergie, la production renouvelable et les moyens de stockage à l’échelle d’une communauté », puis de veiller « à la poursuite de l’installation de panneaux solaires sur les toits et encourager les opérateurs publics et les entreprises privées à réaliser des installations photovoltaïques de grande dimension. » (Lignes directrices Wallonie, p. 21).

Mais comment parler de transition énergétique sans remettre en cause la mainmise sur la production des géants de l’énergie Electrabel et Luminus ? Une telle transition ne peut pas se faire seulement avec des coopératives locales. Et encore moins avec des subsides verts à des entreprises privées. En Flandre, cette méthode des subsides a tellement dérapé que le gouvernement flamand a été jusqu’à faire payer chaque ménage 100 euros de plus par an pour compenser les subsides alloués aux entreprises privées.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une politique énergétique dirigée par le public avec des sociétés publiques productrices d’énergie, qui écartent ces grands groupes multinationaux qui mettent constamment les bâtons dans la roue d’une transition écologique sérieuse.

La nomination d'une haute responsable du PS comme « conseillère » de Luminus (pour 30 000 euros par an) montre bien qu'il n'y a pas là non plus de volonté de rupture.Sur ce point, la note PS/Ecolo sur les priorités wallonnes prend la mauvaise direction. Elle part du point de vue que l’on peut compter sur les capitaux privés pour prendre les bonnes décisions dans le secteur de l’énergie au plan climatique et social.

L’alliance Emploi-Environnement qu’elle prévoit s’appuiera entre autres sur les entreprises privées. Pour son plan rénovation/isolation, elle compte mettre en place un mécanisme qui s’appuiera entre autres sur des financements privés. La Wallonie aimerait augmenter sa production d’énergie renouvelable dans la perspective de l’abandon du nucléaire d’ici 2025, mais compte entre autres sur les entreprises privées pour installer les surfaces de panneaux photovoltaïques nécessaires.

Si la rénovation et l’isolation de logements, si l’installation de vastes capacités de production d’énergie renouvelable intéressaient le privé à l’échelle qui est nécessaire, ce serait déjà fait. Seule une initiative publique d’envergure peut réaliser l’objectif d’abandonner l’énergie fossile, de rénover le bâti pour économiser l’énergie et de rendre l’énergie moins coûteuse.

Pourquoi ne pas soutenir l'échec programmé du Coquelicot et ce que devrait être une vraie politique de gauche

Dans ces conditions, sans rupture avec les carcans et sans changement de politique économique, toutes les intentions même louables du texte présenté par le Coquelicot vont échouer et vont mener cet attelage à appliquer une politique contraire à un programme de gauche comme on l'a trop souvent vu dans le passé en Wallonie mais aussi en Belgique et ailleurs en Europe.

Si le PTB permettait l’installation d’un gouvernement wallon minoritaire PS-Ecolo, il signerait un chèque en blanc pour 5 ans

Nous ne pouvons pas non plus soutenir cette déclaration de l'extérieur, en installant le gouvernement Coquelicot et en espérant ne voter que ce qui nous convient. Non, cette formule reviendrait en réalité à signer un chèque en blanc nous obligeant à voter des budgets d'austérité et à maintenir un attelage qui ferait le contraire de ce qu'il a promis. Car – et ce n'est pas un détail – contrairement à d'autres endroits (comme l’Espagne ou le Portugal), si le PTB décidait d’appuyer de l’extérieur un gouvernement wallon, constitutionnellement, il ne pourrait pas faire tomber ce gouvernement. Il est impossible d’avoir des élections anticipées au niveau régional. Ainsi, si le PS et Ecolo ne respectaient pas leurs engagements, la seule façon qu’aurait le PTB de faire tomber le gouvernement wallon serait donc d’en proposer un autre avec… le MR et le cdH. Ce qui est évidemment impossible. Autant dire que si le PTB permettait l’installation d’un gouvernement wallon minoritaire PS-Ecolo, il signerait un chèque en blanc pour 5 ans.

Il n'est pas envisageable d'être dans un gouvernement sans pouvoir y mener un vrai changement. Étant donné que ce n’est pas possible, à choisir entre être « pieds et poings liés » dans un gouvernement qui se dit de gauche mais qui appliquera en réalité l'austérité et être dans l'opposition (tout en votant évidemment les bonnes mesures progressistes proposées), nous choisissons cette dernière option.

Quelle serait alors une véritable politique de gauche ?

Une politique vraiment de gauche implique une politique de réelle rupture. Cela passe au moins par trois conditions:
(1) rompre avec les carcans budgétaires européens pour permettre d’avoir des moyens publics et rompre avec les règles européennes en matière de libéralisation,
(2) développer une politique d’investissement public ambitieuse répondant aux besoins sociaux et environnementaux et permettant de développer l’économie dans une tout autre orientation que celle des plans Marshall successifs,
(3) avoir une pression forte de la population, des citoyens, des syndicats et des associations pour imposer ces changements par en bas.

Pour obtenir des changements véritables, des marges doivent être trouvées car il faudra des investissements conséquents. Cela nécessite de sortir des carcans budgétaires ; d’avoir la possibilité d’aller chercher des milliards pour investir dans la société, comme nous l'avons avancé dans notre plan d'Avenir. Plan dans lequel nous proposons un budget annuel de 1 milliard pour le logement social, 500 millions pour les transports publics, 1,6 milliard pour refinancer l'enseignement, ...

Pourquoi ? La Belgique et singulièrement la Région Wallonne sont dans une situation de sous-investissement dramatique dans les infrastructures publics. On parle ainsi d’une « dette cachée » car, si vous n’investissez plus, un jour cela vous explose à la figure et vous êtes obligés de trouver des moyens dans l’urgence. Cette « dette cachée du sous-investissement » est encore plus grande si on tient compte des défis écologiques qui sont devant nous. Il est donc nécessaire de se lancer dans un large plan d’investissement public.

Primo, pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux et garder le contrôle citoyen et collectif des infrastructures publiques. C'est le contraire d'une politique d'investissements qui détermine où on met les moyens en fonction des besoins de rentabilité de grandes entreprises privées.

Secundo, parce que ces investissements sont rentables sur le plan économique. Les études montrent que pour 1 euro investi, il y a un effet retour de 1,5 à 2 euros pour les pouvoirs publics. Ainsi, si on isole tous les logements, on crée des emplois dans la construction et on récupère l’argent par les économies d’énergie avec un effet retour fiscal intéressant tant pour l’État fédéral que pour la Région wallonne.

Pour fournir les liquidités, nous avons besoin d’une banque d’investissement pour les priorités sociales et écologiques. Une banque fédérale à l’image de la KFW allemande (Kreditanstalt für Wiederaufbau, une banque d’investissements sociale et écologique qui est entièrement aux mains des pouvoirs publics).

Cela nécessite de travailler avec le niveau fédéral. Pourquoi ? Parce que, si nous voulons contester les carcans de l’Union européenne, il faut le faire aussi avec l’État fédéral et créer une dynamique commune. Sinon, c’est l’État fédéral et les autres Régions qui seront mobilisés contre la seule Wallonie. Car si la Région wallonne, en tant qu’entité fédérée, sort des clous européens, c’est L’État fédéral qui devra en répondre devant les institutions européennes. En effet, l’Union européenne ne contrôle pas les budgets des Régions mais celui des États. D’où l’importance d’avoir un rapport de force favorable dans ce débat pour que l’État fédéral prenne son courage à deux mains et refuse d’obéir à ces règles européennes qui nous étouffent. Or tous les partis traditionnels, y compris le PS et Ecolo, nous refusent même le droit de participer aux discussions au niveau fédéral. Comment pourrions-nous accepter d'être dans un gouvernement régional qui devrait appliquer l'austérité décidée au-dessus de nous ?

La coopération avec le niveau fédéral est également importante parce qu'une banque publique d’investissement sera beaucoup plus solide au niveau fédéral, parce qu’elle pourra mobiliser l’épargne et avoir une garantie d’État forte. Mais aussi parce que, pour la financer, il est indispensable d’avoir les outils fiscaux (pour imposer les grandes fortunes, faire payer les multinationales,...) qui n’existent qu’au niveau fédéral.

C’est aussi au niveau fédéral que se trouve l’essentiel des outils fiscaux pour faire payer la classe des plus riches de notre pays : fiscalité sur les grands patrimoines et sur les multinationales.

Développer le rapport de forces au Parlement mais aussi dans la rue

Avec ou sans le PTB, sans ces ruptures au niveau des carcans d'austérité et de la politique économique, il n’y aura pas de véritable politique de gauche.

Soutenir le gouvernement PS-Ecolo équivaudrait à donner un chèque en blanc à une politique qui va, une fois de plus, échouer à changer réellement les choses. Le soutenir voudrait aussi dire, dans ces conditions, priver la population d’une véritable opposition de gauche capable de soutenir les mobilisations. Un tel soutien amènerait dans les prochaines années une immense déception pour tout ce qui veut être à gauche. Comme on le voit en France, en Grèce ou en Allemagne. Où la participation au gouvernement de partis de la gauche authentique sans réelle rupture mène à de graves désillusions.

Soutenir un gouvernement PS-Ecolo voudrait dire, dans ces conditions, priver la population d’une véritable opposition de gauche.

D’une part, la participation du parti de gauche radicale enlève une force importante à l’opposition parlementaire. D’autre part, le fait d’avoir le parti de la gauche authentique dans son gouvernement désarme en grande partie les mouvements sociaux, associatifs ou syndicaux qui représentent la résistance extra-parlementaire.

C’est pourquoi le PTB ne veut pas suivre le chemin de Syriza en Grèce qui a appliqué une politique d’austérité et est sanctionné par la population. Il ne veut pas suivre l’exemple d’autres forces de la gauche radicale qui, embarquées dans des expériences comme la gauche plurielle en France, ont désarmé le mouvement social qui a combattu les vagues de privatisation et de libéralisation.

Si nous faisions cela, nous consoliderions dans la société le courant TINA - There Is No Alternative, il n’y a pas d’alternative - (« même un parti de gauche radicale n'arrive à rien changer ») mais nous mènerions aussi à la paralysie de la résistance extra-parlementaire.

Être au gouvernement est-il indispensable pour changer les choses ? Oui et non. Oui, si on a la possibilité d’imposer sa marque et un vrai changement. Non, si, comme dans le système politique en Belgique avec les coalitions, le premier parti, dominant, peut diluer tellement votre programme que vous en venez à le trahir. Et que vous ne pouvez rien faire… en étant au gouvernement.

Les forces traditionnelles qui existent dans cette Belgique de consensus font tout pour normaliser les partis différents qui sortent un peu des sentiers battus. C’est d’ailleurs ce qui a cassé en partie Ecolo quand il est entré dans un gouvernement et n’a pas fait la différence. Cette normalisation menant au consensus mou qui existe dans tous les partis traditionnels belges fait que tout le monde se ressemble. C’est ce qui fait la compatibilité entre le PS, le MR, le cdH et Ecolo.

Avec ses 14 %, le PTB n’est pas encore assez fort pour imposer un vrai changement dans le gouvernement. En face, les dirigeants actuels du PS et d'Ecolo (Di Rupo a participé à la direction de nombreux gouvernements de ces trente dernières années ou Nollet qui a imprimé la tournure centriste d'Ecolo et a fait approuver le traité d'austérité européen en 2014 par son parti) ne sont pas prêts à remettre en cause les carcans dans lesquels ils sont enfermés.

Dans cette situation, nous serons plus efficaces dans l’opposition au Parlement et dans la rue que pieds et poings liés, paralysés dans un gouvernement qui n’aurait qu’une étiquette de gauche sans changement de politique.

De plus, un changement véritable passe aussi par des mobilisations populaires. Car rompre les carcans, aller chercher l’argent chez les plus riches, développer une politique économique radicalement différente impliquera une résistance des forces du statu quo.

Dans le passé, ce sont les mouvements sociaux et syndicaux puissants qui ont imposé aux partis de gauche traditionnels de sortir du cadre établi et de voter des lois qui étaient auparavant impensables. C'est quelque chose qui a manifestement complètement été oublié par Paul Magnette ou Jean-Marc Nollet. « Le Gouvernement relancera la concertation sociale. Il valorisera le modèle mosan qui repose sur une concertation forte entre interlocuteurs sociaux, gage d’une paix sociale dont la Wallonie a besoin », peut-on lire dans le texte écrit par les deux partis qu’ils dirigent. Mais de quelle concertation parle-t-on ? Celle qui vise à ce que le monde du travail « accompagne » le recul social ? Ou celle où le monde du travail fait valoir son rapport de force pour faire progresser la société dans un sens plus social ? La Wallonie n'a pas d'abord besoin de paix sociale, elle a besoin d'une véritable politique sociale. Et si telle n'est pas la volonté du gouvernement, la Wallonie aura besoin de luttes sociales. Ces luttes qui ont permis de bâtir la sécu, les libertés syndicales, d’arracher les congés payés, la réduction collective du temps de travail, le droit à l'instruction, le suffrage universel,...

Les congés payés, la journée des 8 heures et autres acquis des grèves de 1936 n’ont pas été obtenus par l’existence d’un gouvernement de gauche privilégiant le « modèle mosan » mais par la puissance d’une grève générale qui a bousculé l’establishment et mis les forces patronales sur la défensive.

Une présence au Parlement, ou même au gouvernement d’un parti comme le PTB ne peut apporter de réels changements sans l’organisation d’un puissant rapport de force sur le terrain.

Le cadre imposé aujourd'hui, c'est celui du TSCG et de l'ensemble des traités européens. C’est ce cadre qu’il faut bousculer plutôt que de l’accepter pour former une coalition. Pour le PTB, ce n’est qu’à cette condition que les aspirations exprimées par la majorité des citoyens et rappelées par la société civile lors du processus de consultation du PS et d’Ecolo pourront être rencontrées. Nous ne soutiendrons donc pas l’intronisation d’un gouvernement sur base du cadre qui est proposé. Ce qui n’exclut évidemment pas notre soutien à certaines lois, au cas par cas, quand elles iront dans le bon sens.