Oui, il y a des alternatives à la politique de casse sociale du gouvernement De Wever-Bouchez
« Il n’y a pas d’alternative, il n’y a pas plus d’argent » : Bart De Wever prétend que sa politique de casse sociale est inévitable. C’est l’argument qu’il utilise sans cesse pour justifier l’attaque de notre système de pension et de protection sociale. C’est ce qu’il dit aussi aujourd’hui pour défendre une hausse de la TVA et un saut d’index. Pourtant, rien n’est plus faux. Il y a des alternatives : il y a de l’argent – et même beaucoup – dans notre pays et il est tout à fait possible de financer nos pensions et notre sécurité sociale. C’est une question de choix politique.
Par Charlie Le Paige
Trois mesures pour aller chercher l’argent là où il est :
- Commencer à remettre à plat les cadeaux aux entreprises (3 milliards)
- Lever le tabou de la taxation des super-riches et des niches fiscales pour les multinationales (jusqu’à 10 milliards)
- Remettre en cause toute une série d’investissements militaires pour les injecter dans les pensions (4 milliards)
Avec ces 3 axes, on pourrait donc dégager jusqu’à 17 milliards d’euros pour financer la sécurité sociale et dégager des moyens pour un plan d’investissement public.
1. Remettre à plat les cadeaux aux entreprises (3 milliards)
Le gouvernement offre chaque année des milliards de cadeaux aux entreprises. Une étude récente de la Banque nationale vient de montrer que les subsides aux entreprises sont plus élevés chez nous que dans les pays alentours. La Belgique consacre 2,5 fois plus de moyens que les Pays-Bas pour les subsides aux entreprises. Selon cette étude, les subsides accordés aux entreprises ont doublé depuis 2000 en Belgique – aucun autre pays voisin ne nous arrive à la cheville. Cette augmentation est principalement due à l’explosion des subsides salariaux aux entreprises.
Les subsides salariaux, sous forme de réductions de cotisations sociales et de réductions d’impôts représentent des milliards de cadeaux accordés aux entreprises. Au total, c’est 15 milliards d’euros en 2025 au niveau fédéral selon les chiffres du Bureau du Plan. A cause de tous ces cadeaux, la part des salaires dans l’ensemble des richesses produites (la valeur ajoutée) a fortement baissé. Ce montant va passer à plus de 18 milliards d’ici la fin de la législature en 2029.
Rien que le tax shift du gouvernement Michel-De Wever en 2016 avec la baisse des cotisations patronales de 32,4 à 25% (voir cadre ci-dessous) représente aujourd’hui un cadeau aux entreprises de 8,6 milliards (près de 10 milliards en 2029).
En remettant en question ne fut-ce qu’une partie de ces cadeaux, on pourrait dégager des milliards pour le financement de la sécurité sociale. Quelques exemples qui pourrait rapporter plus de 3 milliards :
- Remettre en cause la baisse des cotisations sociales du tax shift du gouvernement Michel. Les cotisations sociales font partie du salaire des travailleurs, elles servent à financer la sécurité sociale, nos pensions, nos soins de santé. Rien qu’en commençant par récupérer un quart de cet argent, on pourrait dégager plus de 2 milliards par an.
- Supprimer la réduction de cotisation pour les très hauts salaires : c’est une mesure que vient de prendre le gouvernement Arizona pour 2 000 personnes qui ont des très hauts salaires (plus de 28 000 euros bruts/mois). C’est une mesure absurde, sur-mesure pour les salaires de PDG et les grandes entreprises et qui creuse le trou dans la sécu (au moment même où ils disent qu’il n’y a pas d’argent). Cela montre bien le caractère de classe de ce gouvernement. C’est 150 millions d’économies.
- Revoir l’exonération de précompte pour le travail de nuit : suite aux mesures prises en 2016, l’État subsidie aujourd’hui environ 20 % du salaire d’un travailleur de nuit – soit un jour sur cinq. Cela fait en sorte que dans toute une série de cas le travail de nuit revient même moins cher au patron que le travail de jour. En divisant par deux ce subside, on pourrait économiser près de 1 milliard par an.
- Revoir la réduction de cotisation pour le premier engagement illimitée dans le temps : cela représente 500 millions d’économies. Le but était soi-disant d’aider à créer de l’emploi, c’est une mesure qui a été jugée inefficace et coûteuse par la Cour des comptes et le Bureau du Plan.
2. Lever le tabou de la taxation des super-riches et des niches fiscales pour les multinationales (jusqu’à 10 milliards)
Si la Belgique est un enfer fiscal pour les travailleurs et les familles, elle reste un paradis fiscal pour les plus riches et les grandes entreprises. Deux mesures pour commencer à y remédier :
- Taxer les millionnaires. 2 % sur le 1 %. Nous proposons d’introduire une telle taxe des millionnaires de 2 % sur les fortunes nettes supérieures à 5 millions d’euros (et de 3 % sur les fortunes supérieures à 10 millions d’euros). C’est une taxe ciblée, qui vise uniquement le 1% ; ambitieuse, qui permet de dégager des moyens ; et efficace, sans niche fiscale qui permet aux plus riches de l’éviter. Contrairement à ce que prétend la droite, la fuite des capitaux serait très faible (c’est aussi ce que confirment les études du Bureau du plan et des exemples européens). Une telle mesure rapporterait 8 milliards d’euros par an
[Toute l’analyse de la taxe ici]
99 % de la population ne paie pas cette taxe. Et avec cet argent, on peut alors investir pour financer des pensions décentes, financer un enseignement de qualité, ainsi que des investissements publics notamment dans l’énergie, la recherche ou les infrastructures. Ces investissements auront aussi un effet positif à moyen-terme sur l’économie et les finances publiques.
- En finir avec la niche fiscale de l’exonération des plus-values pour les grandes entreprises. L’exonération de l’impôt sur les plus-values constitue une échappatoire fiscale qui permet à de nombreuses grandes entreprises et holdings d’éviter de payer des impôts sur les (millions de) bénéfices qu’ils réalisent lorsqu’ils vendent des actions. Elle est taillée sur mesure pour les multinationales et les holdings financiers des grandes familles, car les petites entreprises ne peuvent pas ou à peine bénéficier de cette exonération. C’est via ce mécanismes que les grandes familles fortunées belges peuvent d’ailleurs échapper facilement à la proposition d’impôt sur les plus-values du gouvernement Arizona.
Cette niche coûte environ 4 milliards d’euros de perte fiscale à l’État par an. Elle n’existe pas dans de nombreux pays. En instaurant une taxe sur les plus-values sur les entreprises comme elle existe au Canada, on pourrait récupérer 2 milliards.
3. Remettre en cause toute une série d’investissements militaires pour les injecter dans les pensions (4 milliards)
De Wever et Bouchez disent en permanence qu’il n’y a pas d’argent pour les pensions, pas d’argent pour la santé, par d’argent pour les services publics, mais pour les budgets militaires par contre il semble qu’il n’y ait pas de limite. Ce gouvernement a décidé d’augmenter les budgets militaires et d’investir 34 milliards d’euros supplémentaires dans l’achat d’armes d’ici 2034.1 Ils sont en train de couper dans nos pensions pour financer l’achat de leurs nouveaux F-35, véhicules de combat et frégates.
Pire, au sommet de l’Otan, Bart De Wever s’est engagé au nom de la Belgique à appliquer la norme Trump, qui oblige à investir encore plus de milliards supplémentaires dans les budgets militaires.2
- Nous nous opposons à cette augmentation gigantesque de budget qui à est la fois antisociale et dangereuse pour la paix. En renonçant à l’achat de nouveaux F-35 et à l’augmentation du budget actuelle, on pourrait économiser 4 milliards par an.
Augmentation des dépenses justifiée ?
Rappelons au passage que les pays membres européens de l’Otan dépensent déjà aujourd’hui ensemble 454 milliards de dollars par an. C’est le deuxième plus gros budget au monde après celui de leur allié américain. L’augmentation des dépenses est souvent justifiée au nom de de la soi-disant menace Russe, mais celle-ci a un budget de 149 milliards de dollars – trois fois moins que les pays européens. Les pays européens possèdent du coup quatre fois plus de navires de guerre, trois fois plus de chars de combat, de véhicules blindés et d’artillerie, deux fois plus d’avions de chasse que la Russie.
Nous voulons rationaliser les budgets dans le cadre d’une vision réellement défensive de l’armée. Nous nous opposons à une norme de l’Otan avec un pourcentage fixe du PIB à investir et qui pousse à la militarisation. Nous voulons partir des besoins pour une armée qui sert à se défendre, pas à aller mener des guerres impérialistes aux quatre coins du monde.
Conclusion : Oui, il y a des alternatives !
Ce ne sont que quelques mesures, mais elle permettrait déjà de rapporter 17 milliards d’euros. Il y en a de nombreuses autres possibles, comme l’abolition des privilèges en politique, la lutte contre la grande fraude fiscale (évaluée à 30 milliards par an), la taxation des surprofits des secteurs énergétiques et bancaires ou l’application du modèle Kiwi pour économiser sur Big Pharma.
Tout cela montre bien que c’est une question de choix politique, une question de classe. Le projet de société du gouvernement De Wever-Bouchez est au service des super-riches et des multinationales. Ils font le choix de faire payer les pensionnés, les travailleurs et les malades afin de protéger les multi-millionnaires. Ils font le choix de casser la sécurité sociale pour financer leurs F-35 et leur politique de militarisation.
Nous faisons un tout autre choix. Celui de garantir à tous et toutes une pension digne. D’augmenter notre pouvoir d’achat. D’oser aller chercher l’argent là où il est. Nous faisons le choix de la paix. Et de lutter pour une société solidaire, par et pour les gens, avec des investissements dans notre industrie, la sécurité sociale et la paix.
Le tax shift du gouvernement Michel-De Wever : ils ont consciemment creusé le trou dans la sécu pour faire un cadeau aux actionnaires
Près de 10 milliards d’euros de cadeaux aux entreprises en 2029 : c’est le résultat du tax shift appliqué par le gouvernement Michel-De Wever en 2016. Celui-ci prévoyait la baisse des cotisations sociales pour les employeurs.3 Il a creusé un énorme trou dans les finances de la sécurité sociale.
Rappelons que les cotisations sont une partie du salaire différé des travailleurs qui sert à payer notre pension, nos soins de santé, etc. Le gouvernement a ainsi fait un énorme cadeau aux entreprises, qui ont pu faire gonfler leurs profits de plusieurs milliards par an.
Ce tax shift était volontairement non-financé, c’est ce que De Wever a reconnu lui-même dans une interview en 2016 : « Le tax shift n'est pas suffisamment financé. On a délibérément choisi de ne pas tout prendre en compte. À terme, cela impose une logique d'économies infernale, et on en revient donc aux dépenses publiques là où elles se trouvent encore : la sécurité sociale. »
Le gouvernement de l’époque, où étaient déjà représentés la N-VA, le MR et le CD&V, a donc volontairement creusé le déficit en faisant des milliards de cadeau aux actionnaires, afin justement de pouvoir exiger encore des nouvelles économies de plusieurs milliards sur les pensions et la sécurité sociale aujourd’hui.
1. Ils sont passés de 7,9 milliards d’euros ou 1,3% du PIB en 2024 à 12,8 milliards d’euros ou 2% du PIB en 2025 (+4,9 milliards d’euros par an), et ils sont engagés à aller à 2,5% pour 2034. Selon les estimations de la Défense en tenant compte d’une croissance annuelle de notre PIB, cela représenterait 21,279 milliards euros au total en 2034
2. La norme Trump prévoit 5% du PIB dont 3,5% uniquement pour les budgets militaires d’ici 2035. Concrètement pour la Belgique, ces 3,5% en 2035 représenterait 30 milliards
3. Baisse des cotisations patronales de 32,4 à 25%