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Une Taxe Corona sur les multimillionnaires : une nécessité parfaitement réalisable

Environ 80 % de la population souhaite un impôt sur la fortune, selon un sondage paru en novembre dernier. Pourtant, la proposition du PTB d’imposer une Taxe Corona aux multimillionnaires a été rejetée par les partis traditionnels. « Utopique », « irréalisable », etc. ont-ils répondu, y compris du côté d’Ecolo ainsi que des verts et des socialistes du nord du pays. Mais leurs « arguments » ne tiennent pas.

Vendredi 29 mai 2020

« Les 1 % les plus riches ont aussi été très fortement touchés par la crise du coronavirus », a déclaré Theo Francken (N-VA), tentant ainsi d’expliquer pourquoi son parti s’oppose à une Taxe Corona sur les multimillionnaires, devant les caméras de l’émission télévisée flamande Villa Politica.

Cela ne doit effectivement pas être très agréable de voir sa fortune passer de 1,5 milliard à 1,4 milliard d’euros, ou de ne pas pouvoir se rendre sur son yacht de luxe à Saint-Tropez. Sans parler de la pelouse du terrain de golf qu’il faudrait tondre d’urgence… Mais il y en a aussi qui sortent gagnants de cette crise. La famille de millionnaires Colruyt, par exemple, voit ses gains grandir fortement, tout comme les actions que détient Marc Coucke dans le secteur pharmaceutique prennent de la valeur. « Aidez les riches, ils n’ont pas la vie facile », chantait la star néerlandophone de la chanson populaire Raymond van het Groenenwoud. Mais lui, il était ironique. Theo Francken, en revanche, était très sérieux.

Que des partis tels que la N-VA ou le MR voient d’un mauvais œil une redistribution des richesses n’a rien d’étonnant. Leur aversion pour un impôt sur la fortune est profondément ancrée dans leur ADN. L’abstention d’Ecolo, Groen ou du sp.a à une Taxe Corona sur les multimillionnaires est par contre beaucoup plus surprenante.

Comment ça, « pas réalisable » ?

Argument 1.

« Ce n’est pas une proposition sérieuse » a lancé le député socialiste Joris Vandenbroucke à Peter Mertens, président du PTB, au Parlement. Une critique que le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, a reprise dans l’émission télévisée De Zevende Dag dimanche dernier : « Ce n’est pas une proposition bien réfléchie. » Mais notre Taxe Corona sur les multimillionnaires n’a rien d’un petit amendement écrit en vitesse sur un coin de table. Il s’agit d’une proposition de loi détaillée, longue de 40 pages, comportant 69 articles. Elle a été élaborée avec beaucoup de soin, de sérieux et de zèle par des fiscalistes et juristes spécialisés, sous la direction du député PTB, Marco Van Hees, dont l’expertise dans ce domaine est reconnue même par ses adversaires. Ce n’est pas un travail bâclé, c’est de la haute précision.

Argument 2.

Selon Joris Vandenbroucke, une Taxe Corona sur les multimillionnaires est également « parfaitement irréalisable », car « il faudrait mettre sur pied un nouveau service au ministère des Finances, pour collecter cette taxe ». Mais c’est évidemment le cas pour n’importe quel nouvel impôt, y compris pour la « taxe sur les comptes-titres » que propose le sp.a lui-même. Cela n’a en outre rien de très spécial. Comme cela figure noir sur blanc dans la proposition du PTB, il est aussi possible de simplement intégrer un tel service dans un département existant du ministère des Finances. Bref, beaucoup de bruit pour rien.

Argument 3.

Dans notre proposition, les multimillionnaires doivent faire leur propre déclaration et calculer eux-mêmes la valeur de leurs avoirs. Ça aussi, ce serait « parfaitement irréalisable » selon le sp.a. Pourtant la France a conservé exactement le même système pendant près de trente ans, de 1989 à 2017, ce qui lui a rapporté des milliards. Ce système est resté en place jusqu’à ce que le président et ami des riches Emmanuel Macron abolisse l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dès son arrivée au pouvoir en 2017. La quasi-totalité des impôts en Belgique sont d’ailleurs calculés sur la base de déclarations volontaires, y compris de patrimoine, dans le cadre des droits de succession, par exemple. Cela ne doit quand même pas être si difficile, si ? C’est justement pour ce genre de choses que les super-riches emploient des comptables et des gestionnaires de patrimoines…

Argument 4.

Sans cadastre des fortunes, il est impossible de savoir quel patrimoine possèdent les super-riches, dit-on encore au sp.a. Cependant, le chef du groupe parlementaire PS Ahmed Laaouej a défendu à juste titre, au sein de la Commission, qu’un cadastre des fortunes n’était absolument pas nécessaire. En cas de soupçon de fraude, les agents du fisc peuvent toujours mener des enquêtes ciblées, comme pour n’importe quel autre impôt. Un cadastre des fortunes est un outil pour faciliter le contrôle. Et il suffit de lire la proposition du PTB pour voir d’ailleurs que les mesures nécessaires sont exigées pour établir un tel cadastre des fortunes. Ce n’est vraiment pas aussi difficile que le prétendent nos détracteurs. C’est même « assez simple », selon Luc Coene, ancien gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB). Et on ne peut pas vraiment soupçonner Luc Coene d’être un militant du PTB.

La taxe sur les comptes-titres, une taxe qui rate la cible

Le sp.a, soutenu par Groen et Ecolo, présente la « taxe sur les comptes-titres » comme une alternative « immédiatement réalisable » à la Taxe Corona sur les multimillionnaires. La taxe sur les comptes-titres, introduite par le gouvernement de la coalition suédoise, et abolie à nouveau en 2019, perçoit 0,15 % sur les « comptes-titres » – actions, obligations, etc. – excédant un seuil d’un demi-million d’euros. Selon le sp.a, une telle taxe peut rapporter jusqu’à 500 millions d’euros, si on en augmente légèrement le taux.

Parce que chaque petit geste compte, et parce que la gauche doit faire front pour défendre chaque proposition qui va dans le sens de davantage de justice fiscale, nous avons voté pour la proposition du sp.a au Parlement. Mais appelons un chat un chat. Une taxe sur les comptes-titres ne pourra jamais remplacer un impôt sur la fortune à part entière. Une Taxe Corona unique de 5 % sur les fortunes supérieures à 3 millions d’euros rapporte 15 milliards d’euros, soit trente fois plus qu’un retour de la taxe sur les comptes-titres du gouvernement Michel.

Et surtout, les super-riches ne la paieront pas. En effet, les actions qui ne sont pas détenues sur un compte-titres ne sont pas prises en compte dans le calcul de cette taxe. Les biens immobiliers, les parcs automobiles et les placements dans des œuvres d’art restent aussi hors d’atteinte. Par conséquent, les conseillers fiscaux auront tôt fait de se servir avidement de toute une série de failles pour limiter les effets de cette taxe.. Ceux qui peuvent se permettre de payer les coûteux services de gestionnaires de fortunes peuvent facilement échapper à cette taxe. Les détenteurs de très grands patrimoines sont assez malins pour ne pas placer la majeure partie de leur fortune sur un simple compte-titres. Par exemple, lorsque la taxe sur les comptes-titres était encore en vigueur, un actionnaire qui avait 600 000 euros d’actions GBL (la société cotée en bourse de feu le baron Albert Frère) sur son compte-titres en était redevable. Par contre, le baron Frère lui-même, qui disposait d’un patrimoine de 6 milliards d’euros (dix mille fois plus, donc), ne devait rien payer du tout sur ses actions GBL, puisqu’elles n’étaient pas sur un compte-titres.

La taxe sur les comptes-titres rate la cible, les super-riches restent hors de sa portée. Cette critique est d’ailleurs partagée par la FGTB, qui préconise plutôt un impôt sur la fortune à part entière.

Il est temps de choisir son camp

« Fini le temps des excuses, les super-riches doivent faire un effort », a déclaré en avril l’ancien président du sp.a John Crombez, dans le magazine Humo. Il a tout à fait raison. Christian Leysen, homme d’affaires et politicien libéral peut bien trouver qu’un impôt sur la fortune serait monstrueux, une fantaisie uniquement réalisable dans un « paradis communiste », plusieurs sondages d’opinions ont montré qu’environ 75 à 80 % des belges y sont plus que favorables. Et cet engouement pour un véritable impôt sur la fortune grandit dans toute la société. Des universitaires tels que Thomas Piketty et Paul De Grauwe en font le plaidoyer depuis bien plus longtemps. Les syndicats FGTB et CSC sont également en faveur de l’introduction d’une telle taxe. Et l’idée fait également son chemin à l’étranger, que ce soit chez Bernie Sanders, en Espagne ou même en Allemagne, au SPD qui est, quelle ironie, un parti proche du sp.a.

Une Taxe Corona sur les multimillionnaires ne toucherait que la petite couche supérieure des grandes fortunes. Elle est inattaquable sur le plan juridique, et parfaitement réalisable. Si nous ne voulons pas que les héros du coronavirus, qui font tourner le pays aujourd’hui, paient la facture de cette crise, un impôt sur la fortune à part entière est indispensable. Ce n’est pas le moment de s’adonner à des jeux politiques, la gauche doit avancer unie. Il n’est pas encore trop tard. Début juin, notre proposition sera à nouveau discutée au sein de la Commission Finances. Tout le monde devra alors choisir son camp. Il n’est plus temps de trouver des excuses. Il est temps de faire preuve de courage politique.

 

(Tom De Meester est porte-parole du PTB et député flamand)