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Refinancement du rail : sur une mauvaise voie, la Vivaldi doit revoir sa copie

Georges Gilkinet, ministre Ecolo de la Mobilité, annonce triomphalement un refinancement record du chemin de fer belge de 3 milliards d'euros. Pourtant, depuis cette annonce, les messages de mécontentement de la part des cheminots, syndicats et usagers du rail se multiplient. Même les CEO d’Infrabel et SNCB ne semblent pas satisfaits. Comment expliquer ces réactions ? Décryptage.

Lundi 31 octobre 2022

« C'est un tournant historique pour le rail. 3 milliards supplémentaires pour faire rouler plus de trains, plus tôt le matin, plus tard le soir. Pour renforcer le réseau. Le train est essentiel pour notre économie et pour le climat. » Georges Gilkinet, vice-Premier ministre et ministre de la Mobilité, se félicite sur Twitter ce 14 Octobre 2022.

Au terme d'une réunion entre les membres du gouvernement Vivaldi, le ministre Ecolo annonce donc un refinancement « historique » du rail : 3 milliards d'euros sur les 10 prochaines années. Ça paraît trop beau pour être vrai. Et pour cause...

Les organisations syndicales, des journalistes et le PTB creusent le dossier. D'où viennent ces milliards ? Quand seront-ils accordés ? Dans quelles conditions ?

Première surprise : les seuls euros prévus dans l'accord budgétaire sont les 115 millions pour 2023 et les 100 millions pour 2024. 215 millions à se partager entre SNCB et Infrabel.

Pour donner une idée du décalage, Infrabel, à elle seule, réclamait 300 millions par an pendant 10 ans.

Aggravation de la dette

Autre mesure prévue, la possibilité, pour Infrabel, de contracter un prêt d'1 milliard d'euros via la Banque européenne d'investissement (BEI)... mais pas avant 2025. De plus, des voix s’élèvent pour dénoncer ce dispositif de prêt qui va aggraver la dette de la société et de l’État et dont la charge sera pour le compte d’Infrabel.

Reste donc 1 785 000 000 euros promis, mais pas budgétisés. Un chiffre avancé sans aucune garantie, donc.

Dans moins de deux ans, les élections déboucheront sur un nouveau gouvernement. Ce nouveau gouvernement sera libre de revenir sur n'importe quel accord conclu avant lui. L'accord « historique » du ministre Gilkinet s'avère être en réalité une promesse faite aux cheminots et aux voyageurs mais sans doner de garantie.

Une chose qui est, par contre, bien ancrée dans le projet de budget du ministre Gilkinet, c'est la demande « à la SNCB et Infrabel de poursuivre la trajectoire engagée d'augmentation de la productivité et d'optimisation du déploiement des conducteurs de train, par exemple par le biais d’une adaptation de la réglementation en matière d’exploitation ». Autrement dit, les cheminots vont devoir faire encore plus avec moins de moyens. Alors que, comme expliqué lors de la grève du 5 octobre dernier, ils sont à bout.

Trop peu, trop tard

L'accord autour du budget n'offre aucune garantie, mais c'est en plus totalement insuffisant.

Cela fait des années que le rail souffre d'un désinvestissement chronique. Le gouvernement Michel (2014-2018) a diminué la dotation de la SNCB et d'Infrabel de 5 milliards d'euros et aucune mesure n'a été prise pour compenser ce déficit.

Aujourd’hui, le service est loin d'être optimal : 1 train sur 10 est en retard (sans compter les annulations), 35 000 trains supprimés faute de personnel, 44 guichets fermés en 2021, etc.

Et pour les cheminots, des conditions de travail qui se déteriorent à grande vitesse. En 5 ans, ce sont pas moins de 5 000 emplois qui ont disparu, une productivité qui a augmenté de 20 %, sous-effectif à tous les étages...

Le chemin de fer, les cheminots et les voyageurs méritent mieux que ça.

Lʼexplosion des coûts de lʼénergie ignorée

Avant le conclave budgétaire, SNCB et Infrabel réclamaient 3,4 milliards d'euros sur 10 ans. Avec comme objectif d’augmenter l’offre de 10 % avec 2 000 cheminots en moins sur cette période. Mais aujourd'hui, ce n'est même pas ce scénario qui est évoqué. La proposition actuellement sur la table ne tient compte ni des besoins des chemins de fer, ni de l’augmentation de la facture d’énergie (évolution du cout de l’électricté : 141 millions dʼeuros en 2021, 223 millions en 2022 et 432 millions en 2023). Un véritable scénario catastrophe.

Ce mercredi 26 octobre, Sophie Dutordoir, CEO de la SNCB, était auditionnée au Parlement fédéral. Son constat est clair : la SNCB va devoir diminuer ses ambitions. Pour 2023 et 2024 la CEO parle d’un trou de 808 millions pour la SNCB et de 583 millions pour Infrabel.
Deux jours plus tard, la SNCB annonçait l’augmentation de ses tarifs de près de 10 % dès février 2023. On parle aujourd’hui de la suppression partielle du plan de transport 2023 : certains trains supplémentaires prévus pour 2023 seraient tout simplement supprimés.

Le CEO d’Infrabel pour sa part, n'exclut pas la fermeture de certaines lignes, faute de moyens pour les entretenir.

Conditions de travail dégradées

Pour les cheminots non plus, ce projet de budget ne présage rien de bon. Ces dernières années, les conditions de travail se sont terriblement dégradées. Le ministre Gilkinet ne donne pas les moyens aux chemins de fer pour les améliorer. Pire, il y a un vrai risque de voir la situation empirer pour les cheminots.

D'abord via les « adaptations de réglementation » prévues pour augmenter l'effort de productivité comme écrit noir sur blanc dans le projet du ministre.

Ensuite, sans budget pour un recrutement ambitieux, le sous-effectif dans les différentes filières continuera à miner l'équilibre vie professionnelle/ vie privée des cheminots. Sans budget supplémentaire, il ne faut pas espérer d’arrivées supplémentaires.

Enfin, comme solution alternative, le spectre du one-man-car (ces trains sans accompagnateurs) pourrait faire son retour. Tout comme l'ouverture à la concurrence (évoquée dans l’accord de gouvernement).

Il est temps dʼécouter les travailleurs du rail

Les voyageurs et les cheminots méritent mieux que ces deux scénarios. CSC Transcom et la CGSP Cheminots ne cessent de le répéter depuis de longues années : pour faire rouler plus de trains, il faut refinancer les chemins de fer et engager davantage de cheminots. Un message qui était au coeur de la grève du 5 octobre et qui le sera de nouveau lors de la grève générale du 9 novembre prochain.

Pour le PTB, il est grand temps d'écouter les représentants des travailleurs du rail. L'urgence climatique d'un côté et les prix de l'énergie de l'autre. Les trains sont la solution à ces deux crises. Pour cela, le parti de gauche propose d'injecter 5 milliards dʼeuros par an dans le chemin de fer.

Le ministre Gilkinet et la Vivaldi mènent le chemin de fer droit dans le mur. Cheminots, voyageurs, SNCB, Infrabel... Tout le monde attendait une bouffée d’air frais sur le rail après des années d’apnée. Le gouvernement étouffe les derniers espoirs de celles et ceux qui veulent faire du train le moyen de transport du futur.

Impossible, avec le budget proposé, d’ajouter du personnel dans les gares, d’ouvrir de nouvelles gares, accueillantes...

Impossible, avec le budget proposé, de garantir aux cheminots de meilleures conditions de travail, de recruter de nouveaux cheminots, les moyens d’assurer leur mission de service public...

Impossible, avec le budget proposé, de faire du chemin de fer la colonne vertébrale de la mobilité du pays. La Vivaldi doit revoir sa copie.

Mettre la pression maintenant

Le budget sera officiellement voté mi-décembre. Après ça, il sera plus difficile, mais pas impossible, de faire reculer le gouvernement (comme en 2018, lors du retrait de la pension à points). Le PTB n'abandonnera pas le rail. Que le budget soit voté ou pas, le parti de gauche se mobilisera pour imposer un refinancement ambitieux du chemin de fer. Il est plus que temps.