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Répression des gilets jaunes : a-t-on encore le droit de manifester ?

D'après la porte-parole de la police de Bruxelles, « il n'y avait jamais eu autant de manifestants arrêtés à Bruxelles » ce samedi 8 décembre. 450 gillets jaunes au total, presque la moitié des présents. Tous sont désormais fichés, après avoir été privés de liberté et avoir subi une violence totalement disproportionnée. Pour le PTB, c'est la contestation de la politique du gouvernement qu'on veut étouffer.

Mercredi 12 décembre 2018

« Alors, vous allez recevoir sur votre gueule »

C'est ce samedi 8 décembre, vers 12 h, qu'un cortège de gilets jaunes s'est créé sur Bruxelles. L'appel à manifester avait été lancé une semaine plus tôt. La marche débute dans le calme mais très vite les manifestants sont privés de tout mouvement. Plusieurs rangs de policiers ultra-équipés, accompagnés de quatre autopompes, de chiens et d'un régiment de cavalerie, vont entourer les participants, y compris des personnes âgées, des handicapés et des mineurs. Ils sont maintenus comme dans une prison à ciel ouvert pendant plusieurs heures. Le commissaire de police Pierre Vandersmissen, chargé du maintien de l'ordre à la ville de Bruxelles, va au contact des gilets jaunes : « vous êtes tous arrêtés administrativement, sortez vos papiers. » Devant l'émoi, il précise : « Ce n'est pas moi qui décide. Ce sont les injonctions ». Quand un manifestant lui exprime son indignation, le commissaire répond : « alors, vous allez recevoir sur votre gueule ».

Un manifestant, Daniel, témoigne : « Quatre heures durant, les forces de l'ordre vont violemment extraire du groupe des dizaines de personnes pour les interpeller. Les autres, avant de pouvoir partir, se verront une à une photographiées et leurs identités relevées. Les manifestants qui paraissent s'en offusquer sont gazés au spray au poivre. » Charlie Lepaige, militant du PTB, est également présent : « j'ai vu beaucoup de gens choqués, et même une série de policiers qui ont eux-mêmes avoué ne pas comprendre la logique des ordres qu'ils recevaient ».

Vers 16 heures, il commence à pleuvoir à grosses gouttes. « Peu importe, il nous faut encore attendre bien plus d'une heure pour pouvoir quitter les lieux après avoir, toutes et tous, été palpés, photographiés et fichés », poursuit Daniel. « Ultime humiliation : ceux qui souhaitent rentrer chez eux doivent d'abord montrer patte blanche et sont forcés de déposer leurs gilets jaunes aux pieds des policiers. » Certains verront leur arrestation se poursuivre aux casernes d'Etterbeek, dans les écuries des chevaux de cavalerie. Entassés dans le froid et dans la boue, femmes et hommes mélangés, ils seront encore maintenus là pendant des heures, « comme du bétail » (voir la vidéo sur ces conditions de détention ici).

Casser la résistance sociale ?

L'intervention policière était totalement disproportionnée. Pour le PTB, tant le gouvernement et son ministre de l'Intérieur que le Bourgmestre de la ville de Bruxelles doivent rendre des comptes. Raoul Hedebouw dénonce « un gouvernement extrêmement répressif qui est prêt à aller très loin pour essayer de casser le mouvement social. Un gouvernement qui n’hésite pas à intimider et à déployer la violence quand il constate que la révolte gronde et que la résistance sociale s’organise. » Le porte-parole du PTB a intderpellé le nouveau ministre de l'Intérieur, Pieter De Crem, à la Chambre.

Mathilde El Bakri, cheffe de file du PTB à la ville de Bruxelles, fera de même avec le bourgmestre Philippe Close. Car c'est bien le droit de manifester qui a été attaqué samedi dernier ainsi que la volonté de casser le mouvement des gilets jaunes en voulant les intimider et les dissuader de revenir manifester.

Qui pourra dorénavant endosser la responsabilité d'une manifestation ?

Le PTB a constaté en effet plusieurs violations graves de nos droits démocratiques. En premier lieu sur le droit de manifester même. Le droit de s'assembler paisiblement est un droit fondamental dans une société démocratique. On reproche aux gilets jaunes d'avoir manifesté sans autorisation. Cela justifierait même la « tolérance zéro » décrétée par le bourgmestre Close. Rien n'est moins vrai. « Même dans des cas où on n’a pas eu le temps de demander l’autorisation, il y a une obligation pour la police et les autorités de tolérer une manifestation, même si elle n’a pas eu d’autorisation et à condition que celle-ci reste pacifique », explique Mathieu Beys, juriste et auteur du livre : « Quels droits face à la police ? ».

Ce dernier précise également : « Comme la liberté de manifester pacifiquement est un droit fondamental, il ne faut pas non plus que cette procédure d’autorisation aboutisse à une négation totale de ce droit. » Or, les conditions qu'impose la ville de Bruxelles pour manifester sont devenues telles que cela revient à rendre impossible tout rassemblement citoyen spontané. Pour rappel, lors d'une précédente demande d'autorisation de manifester, un gilet jaune s'était vu imposer notamment l'obligation d'organiser personnellement un service d'ordre d'une personne pour 50 manifestants. Ce faisant, on lui faisait endosser la responsabilité du moindre incident survenu lors de la manifestation.

De quoi dissuader et intimider

La tendance de faire endosser la responsabilité d'un incident aux organisateurs d'une manifestation a été au coeur de l'indignation suscitée par la condamnation de Bruno Verlaeckt, le président de la FGTB d'Anvers, le 29 juin dernier. Ce dernier a en effet été condamné pour « entrave méchante à la circulation » commise lors d'une action de grève. Non pas comme auteur individuel mais comme organisateur de l'action de grève. « Jusqu’ici, jamais un délégué ou un organisateur de manifestation n’avait été condamné pour des actes commis lors de cette manifestation. Et c'est logique. Cela voudrait dire que l’organisateur serait responsable des actes de chacun des participants à cette manifestation. De quoi dissuader et intimider toute personne d’organiser un jour un événement. En condamnant Bruno Verlaeckt, le tribunal n’a donc pas condamné l’individu mais l’organisateur et, derrière lui, l’organisation. En condamnant l'organisateur, on vise plus largement tous les potentiels organisateurs d'actions de ce pays. En ce sens, cet aspect du jugement concerne également tous les démocrates. Pas seulement les syndicalistes. », écrivions-nous à l'époque.

Usage disproportionné de la force

Le rôle des autorités n'est pas de dissuader mais au contraire de garantir le droit de manifestation et de veiller à leur bon déroulement. Or, nous avons assisté dans les rues de Bruxelles à une répression totalement disproportionnée de la manifestation des gilets jaunes.

D'abord avec des fouilles systématiques et des arrestations préventives totalement illégales. Basées sur le simple fait de porter un gilet jaune et sans qu'il y ait le moindre fait pouvant laisser penser qu'un trouble à l’ordre public allait être commis.

Ensuite, ce n'est pas parce qu'un manifestant isolé se montre violent que la police est en droit de s'attaquer à tout le monde, d'user de la force de manière disproportionnée, d'arrêter et de ficher systématiquement tous les participants ainsi que de les maintenir de longues heures dans des conditions dégradantes (dans le froid et la boue des écuries).

Manifestement, les forces de police avaient reçu des ordres d'agir violemment. Il n'y avait aucune justification à un tel usage de la force sauf vouloir intimider les gilets jaunes présents et les dissuader de revenir manifester. Si le mouvement des gilets jaunes a démarré sur des questions sociales, il devra maintenant aussi remettre en question la limitation des droits démocratiques qu'on lui impose.