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Réforme du droit pénal sexuel : deux pas en avant, un pas en arrière

Le 17 mars 2022, le Parlement a approuvé une réforme du droit pénal sexuel. Cela fait des années que le mouvement féministe réclame une plus grande attention à la violence sexuelle ainsi qu’une politique plus concrète. #MeToo a rendu la question visible dans le monde entier. Les mobilisations à Ixelles avec #BalanceTonBar et les manifestations du 8 mars ont également contraint le gouvernement à passer à l’action. Le nouveau texte est un pas en avant, mais le chemin à parcourir pour parvenir à une société sans violence sexuelle à l'égard des femmes est encore long.

Jeudi 28 avril 2022

Explications de Maartje De Vries, présidente de Marianne, le mouvement de femmes du PTB, et Sofie Merckx, cheffe de groupe fédérale du PTB.

Une réforme du droit pénal sexuel était-elle nécessaire ?

Sofie Merckx. Certainement. Notre droit pénal sexuel date de 1867. Il est donc complètement dépassé. Prenez, par exemple, « l'attentat à la pudeur ». Le nom seul indique à quel point la loi est dépassée. Pour condamner quelqu’un pour « attentat à la pudeur », vous devez démontrer qu'il y a eu violence ou contrainte. Le fait que la victime n'ait tout simplement pas consenti aux attouchements n'était pas suffisant en soi. Ce droit pénal n'est pas à la hauteur de la réalité de la violence sexuelle dans notre société.

Maartje De Vries. Quatre femmes sur cinq seront victimes de violences sexuelles au cours de leur vie et une sur six aura été violée. Pour les personnes LGBTQI+ ou les personnes handicapées, ces chiffres sont encore plus élevés. Ce sont des chiffres vertigineux. En contrepartie, il y a les chiffres d’une politique défaillante. La confiance dans le système judiciaire est si faible que seulement 4 % des victimes portent plainte. Cela n’a rien de surprenant, vu qu’elles se heurtent alors à l'incompréhension et à des lois qui ne les protègent pas. Pire encore, la moitié des affaires de viol sont rejetées, classées sans suite. C'est ce qui ressort d'une question que notre groupe a posée au ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld).

On parle beaucoup de « consentement ». Qu'entend-on exactement par là ?

Maartje De Vries. Le consentement signifie que les parties concernées donnent leur accord pour l'acte sexuel et c'est le seul critère pour déterminer si un acte sexuel est considéré comme une violence sexuelle ou non. Bien trop souvent, la faute est encore rejetée sur les victimes dans les cas de viols. « La fille était habillée de manière provocante », « quand elle dit A, elle veut dire B » ou « elle n'a pas dit non ». Ce sont des choses que l’on entend souvent. C’est désormais en train de changer. Le droit pénal fait un grand pas en avant : la loi formule au départ une définition du consentement. Les actes sexuels sans consentement sont désormais traités de toute façon comme des violences sexuelles. Le PTB en est très heureux, car c'est aussi la seule façon correcte de comprendre la violence sexuelle. Si ce n'est pas oui, c'est non !

Sofie Merckx. Comme le consentement devient la pierre angulaire du droit pénal sexuel, la définition doit être correcte. C'est pourquoi nous avons soutenu à plusieurs reprises qu'il fallait inclure que le consentement ne peut être le résultat d'une contrainte ou d'une violence psychologique. Nous sommes heureux que cela ait finalement été inclus dans la loi. Mais on aurait pu faire mieux. Le gouvernement aurait pu s'inspirer de l'exemple de l'Espagne. Là-bas, la loi du « seul oui est oui » a été adoptée en 2020. Cette loi a été adoptée sous la pression du mouvement féministe et contient une belle définition du consentement explicite. Cela signifie qu’on ne peut pas simplement présumer du consentement. Ce n'est que lorsque quelqu'un indique clairement sa volonté de participer à des actes sexuels qu’il y a consentement. Nous avons déposé un amendement pour utiliser cette même définition afin qu'il ne s'agisse pas seulement de consentement, mais de consentement explicite. Malheureusement, les partis de la majorité ont voté contre notre proposition.

D'où est venue l'idée de donner une place si centrale au consentement ?

Maartje De Vries. Depuis des années, les mouvements féministes du monde entier réclament une meilleure protection des victimes, un meilleur suivi des auteurs et une adaptation des législations pénales obsolètes. Le fait que le consentement soit désormais au cœur du droit pénal sexuel est uniquement dû aux mobilisations continues du mouvement féministe dans le monde entier. Et celles-ci se font dans des circonstances difficiles. Les femmes qui défendent leurs droits sont souvent victimes d'intimidation et de violence. C’est tout à leur honneur et elles méritent énormément de respect pour leur courage et leur persévérance. C'est leur victoire.

Tous les problèmes seront-ils résolus en donnant ce rôle central au consentement ?

Sofie Merckx. Malheureusement non. Nous constatons que même après cette réforme, les victimes devront faire face à une charge élevée de la preuve. Comment prouver que vous n'étiez pas consentante en l’absence de témoins ? Cela complique également l'enquête judiciaire. Il existe toutefois de nombreuses possibilités d'approfondir la recherche. Nous avons fait plusieurs propositions constructives. Mais le gouvernement Vivaldi n'a pas souhaité y répondre.

L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes et le Conseil supérieur de la Justice nous ont dit que de nombreuses affaires sont bloquées à cause de la parole de l’un contre l’autre. La défense de l'auteur fait tout ce qui est en son pouvoir pour discréditer la déclaration de la victime. Lors de la constitution du dossier, la victime commence souvent par une brève déclaration qui ne sera suivie qu’ensuite d’une déclaration approfondie. En raison du temps écoulé entre les deux déclarations et le traumatisme, les deux ne sont quelquefois pas tout à fait identiques. Il arrive que l’auteur utilise ces divergences entre les deux déclarations pour mettre en doute la déclaration de la victime. Nous avons donc proposé d'étendre le droit à une assistance juridique immédiate aux victimes. La présence d'un avocat lors d'une déclaration devrait permettre de mieux protéger la victime. Aujourd'hui, seuls les suspects ont ce droit. Malheureusement, cette proposition a également été rejetée.

Nous avons aussi fait une proposition pour améliorer l'enquête sur le suspect. Ce projet de loi du gouvernement prévoit que le juge peut demander un examen psychologique du suspect moyennant une justification. C'est important, car la violence sexuelle ne tombe souvent pas du ciel. Un tel avis nous permet d'évaluer les risques pour la société. Nous avons donc proposé que cet avis soit obligatoire pour chaque dossier ouvert. Mais cette proposition a également été balayée. Pourquoi ? Ce serait trop cher. Évidemment, pour vraiment mettre fin à la violence, il faut fournir les moyens nécessaires.

Quel rôle le droit pénal joue-t-il réellement dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes ?

Maartje De Vries. Le droit pénal est en fin de compte ce qui permet de condamner les auteurs d’actes criminels. Mais nous ne devons pas oublier que tant le droit pénal que l'enquête judiciaire arrivent toujours trop tard. Quelqu'un peut être condamné, mais en fin de compte, il a fait une victime. Une victime qui portera toujours en elle le traumatisme et la souffrance. Avec le PTB, nous ne pouvons donc pas nous contenter de bonnes enquêtes et sanctions. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir la violence sexuelle.

Cela n’a rien d’aisé. Mais cela concerne l'ensemble de la société. En effet, la violence sexuelle fait partie de notre société. Elle est encore bien trop banalisée, ridiculisée et normalisée. Par exemple, les déclarations de Jeff Hoeyberghs lors d'une conférence devant l’association des étudiants catholiques du KVHV-Gand en 2019, où il a déclaré : « Les femmes veulent les privilèges de la protection masculine et de l'argent, mais elles ne veulent pas écarter les jambes. » De telles déclarations perpétuent la violence sexuelle. Nous ne pouvons pas tolérer cela. Il est également frappant que la N-VA et le Vlaams Belang aient été les premiers à défendre Hoeyberghs lorsqu'il a été condamné pour ses déclarations.

Il faut investir dans une éducation relationnelle et sexuelle de qualité pour les enfants. Dès le plus jeune âge, nous devons apprendre comment aborder l'intimité, les relations respectueuses et le consentement. En outre, il est nécessaire de déployer des efforts pour sensibiliser l'ensemble de la population. On parle parfois de « zone grise ». Récemment, la série Twee Zomers a fait couler beaucoup d'encre. Dans cette série, un viol collectif est mis en scène et, selon certaines personnes, cette scène se déroule dans la « zone grise ». Mais Wim Van de Voorde de Hulplijn 1712 a déclaré très clairement qu'il ne s'agit nullement de « zone grise », mais de transgression sexuelle d’une grande noirceur. En éduquant correctement les gens sur l'importance du consentement, la lumière peut être faite sur cette zone grise et énormément de souffrances peuvent être évitées.

Enfin, nous avons également besoin d'une tolérance zéro pour le sexisme dans les médias, dans la publicité et dans les espaces publics. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un véritable changement de culture. Cela nécessitera aussi de l'argent et des investissements.

Y a-t-il un manque de moyens ?

Sofie Merckx. Oui. Le Conseil supérieur de la Justice l'a également évoqué lors des auditions au Parlement : « S'il n'y a pas assez d'investissements en personnes et en moyens, cette loi restera un simple symbole. » On peut avoir une bonne loi, mais si les ressources ne sont pas libérées pour sa mise en œuvre, ce ne sont que de belles paroles. En Espagne, de sérieux résultats ont été obtenus dans la lutte contre la violence envers les femmes. D’importants budgets ont été libérés. Ce n'est pas le cas en Belgique. Malheureusement, c'est toujours la limite à laquelle se heurte le gouvernement Vivaldi. C'est pourquoi il est important de poursuivre la lutte contre la violence sexuelle à l'égard des femmes. Nous devons continuer à la mettre à l'ordre du jour politique.