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Agriculture

La logique du profit de l’industrie agro-alimentaire et des banques fait obstacle à une agriculture durable. Nous optons résolument pour une politique agricole centrée sur l'agriculteur. Une politique qui lui permet de vendre des produits de qualité à bon prix. Une politique d’investissements publics soutenant les techniques qui réduisent l'impact sur l'environnement et répondent aux défis de la crise climatique.

L'agriculture est en crise. En cause, l'augmentation constante de la taille des exploitations, due aux banques qui réservent leurs prêts à des investissements destinés à agrandir les exploitations. D'autre part, la politique agricole commune européenne favorise les grandes exploitations via des subventions et la concurrence sur le marché mondial. Ces facteurs font que les agriculteurs ont de plus en plus de mal à survivre financièrement. En même temps, le secteur de l'agriculture se heurte à ses limites écologiques. Comme d'autres, il contribue au changement climatique, mais en souffre aussi tout particulièrement. Depuis des années, la crise de l'azote flotte comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des agriculteurs. L'intensification et l'industrialisation constantes de l'élevage font qu'une trop grande quantité d'azote se retrouve dans nos espaces naturels et nos cours d'eau.

En 40 ans, 70 % des exploitations agricoles belges ont disparu. Sur la même période, la superficie moyenne par exploitation a triplé, passant de 12,5 à 38 hectares. Le nombre de tracteurs et de machines a également fortement augmenté. Il y a donc eu une tendance radicale à l'expansion et à l'intensification. En effet, l'emploi dans le secteur a diminué : entre 1980 et 2016, la main-d'œuvre a diminué de 62 %.

Cette tendance à l'expansion n'a pas entraîné pour les agriculteurs d'augmentations de revenus proportionnelles. Au contraire, les prix de leurs produits sont restés relativement inchangés, alors que les autres coûts ont doublé, voire triplé. Le travail d'un agriculteur lui rapporte environ la moitié de ce que gagnent les salariés des autres secteurs. Les agriculteurs vont donc produire davantage à plus grande échelle pour générer des revenus suffisants. La richesse produite se déplace des producteurs vers le secteur financier et les monopoles de l'industrie agroalimentaires ou encore les supermarchés. L'utilisation des terres agricoles augmente, ce qui se traduit par des prix plus élevés. Cette politique agricole profite principalement aux grandes entreprises de distribution et aux géants de l'industrie agroalimentaire tels que Cargill, Bayer-Monsanto, Nestlé, etc. Greenpeace a calculé qu'en 2021 et 2022, les plus grandes entreprises agroalimentaires ont versé 53,5 milliards de dollars de dividendes à leurs actionnaires.

Nous mettons en place une politique agricole équitable centrée sur l'agriculteur. L'agriculteur obtient un prix juste pour son produit, qui est de qualité et respectueux de l'environnement. Pour cela, nous soutenons les agriculteurs contre les monopoles de l'agroalimentaire et de la distribution.

En effet, les monopoles ont un pouvoir considérable sur le marché agricole. À chaque maillon de la chaîne de production, les agriculteurs sont en position de faiblesse pour négocier avec les multinationales. Depuis la fusion du géant allemand de la chimie Bayer avec l'américain Monsanto, trois entreprises seulement détiennent 64 % de la production mondiale d'insecticides et d'herbicides et cinq entreprises contrôlent 95 % des semences brevetées. Elles peuvent pratiquer des prix élevés pour leurs pesticides ou leurs semences, car l'agriculteur n'a guère d'autres solutions. Cinq entreprises contrôlent plus de 70 % du commerce mondial des récoltes. Ces entreprises réalisent de gros profits en achetant les récoltes à bas prix à l'agriculteur puis en les revendant à des entreprises de transformation alimentaire ou au secteur de la distribution en réalisant d'énormes marges bénéficiaires. En Europe, les dix plus grandes chaînes de supermarchés empochent plus de 50 % des ventes de produits alimentaires. Ces géants ne déterminent pas seulement les prix, mais aussi la manière dont les agriculteurs sont autorisés à produire.

Nous voulons doter l'Observatoire des prix de plus de moyens et de responsabilités. Cet institut du gouvernement fédéral surveille les forces du marché, les prix et les marges bénéficiaires dans la chaîne de production de nos aliments. En lui donnant plus de moyens et de responsabilités, nous pourrons mieux comprendre la répartition des bénéfices. L'Observatoire des prix formulera des recommandations au gouvernement et au parlement pour qu'ils interviennent dans l'établissement des prix afin que les producteurs reçoivent une rémunération équitable pour leur travail. Ainsi, une plus grande partie de la valeur ajoutée reviendra aux agriculteurs au lieu d'aller dans les poches des actionnaires de l'agroalimentaire et des supermarchés.

Nous assurerons à l'agriculteur un revenu stable qui ne sera pas soumis aux aléas du marché. Cela pourra se faire en constituant des stocks stratégiques, comme c'est le cas en France. En période de surproduction, le gouvernement constituera des réserves de matières premières en achetant une partie des récoltes des agriculteurs. Par exemple, lors d'une bonne année de production céréalière, le gouvernement pourra acheter et stocker les céréales excédentaires. S'il y a pénurie une autre année, le gouvernement pourra remettre ces stocks sur le marché. De cette manière, le prix restera stable, pour les agriculteurs et les consommateurs, et leurs revenus aussi.

Le PTB veut que les agriculteurs puissent vivre de la vente de leurs produits.

Nous encourageons les techniques agroécologiques. L'utilisation de techniques de fertilisation et de protection biologiques diminue déjà la dépendance des agriculteurs par rapport aux produits de l'industrie agricole. Dans le même temps, agriculteurs et consommateurs doivent redevenir plus proches. Les agriculteurs cherchent à retrouver leur place dans l'économie locale. Par exemple, via les groupes d’achats solidaires de l’agriculture paysanne (GASAP), l'agriculteur peut bénéficier d'une garantie de revenu et le consommateur d'un accès à la nourriture. Dans une ferme GASAP, le client achète, au début de la saison, le droit d'aller chercher des aliments auprès de l'agriculteur pendant un an. Nous misons également sur le circuit court. Via des magasins à la ferme, des marchés de producteurs et d'autres types de marchés, des fermes en auto-cueillette ou des commerçants locaux, l'agriculteur peut toucher les consommateurs sans devoir passer par les grandes entreprises de transformation alimentaire et les supermarchés. En Belgique, 7 285 exploitations agricoles pratiquaient déjà la vente directe en 2020, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2016. Nous encourageons cette tendance car elle permet aux agriculteurs d'augmenter leurs revenus et de renforcer le lien entre le producteur et le consommateur.

Aujourd'hui, les jeunes doivent souvent renoncer à leur désir de se lancer dans l'agriculture parce que les terres sont trop chères, les revenus trop incertains et les investissements trop élevés. Cependant, il est urgent d'attirer les jeunes dans le métier : 55 % des chefs d'exploitation ont aujourd'hui plus de 55 ans et à peine un sur cinq aurait déjà un successeur. Il y a 20 ans, ce chiffre n'était « que » de 40 %. 6 % seulement des agriculteurs ont moins de 35 ans. Cependant, ni le gouvernement ni le marché ne leur garantissent un avenir réellement sûr, avec des règles juridiques allant dans ce sens.

La politique de ces dernières années a consisté à libéraliser toujours plus le marché agricole et à le rendre plus rentable pour les gros investisseurs. Résultat : le marché agricole capitaliste est désormais presque entièrement dérégulé et l'intensification de l'agriculture s'est accélérée. Cette politique a pour conséquence que les banques refusent souvent d'octroyer aux agriculteurs des prêts pour investir dans l'agriculture biologique ou l'agroécologie, parce qu'elles ne considèrent pas ces investissements comme suffisamment rentables. S'ils veulent des prêts, les agriculteurs se voient contraints par les banques à intensifier leurs pratiques et à augmenter la taille de leurs exploitations.

Nous devons sortir l'agriculture de la logique de profit des banques et cela peut se faire au moyen d'investissements publics. Un Fonds de transition va promouvoir les technologies durables et les projets agroécologiques et soutenir les jeunes agriculteurs. En outre, la banque publique d'investissement fournira des crédits bon marché aux agriculteurs afin qu'ils puissent moderniser leurs exploitations. Cette banque publique d'investissement permettra aux agriculteurs de contracter plus facilement des prêts à consacrer à des investissements durables.

Nous mobiliserons également des moyens supplémentaires pour apporter un soutien psychologique aux agriculteurs. Le taux de suicide est très élevé dans le secteur. Nous ne pouvons pas abandonner les agriculteurs à leur sort. Nous renforcerons le service Agricall, une ligne d’écoute et d’accompagnement pour les agriculteurs en difficulté (surendettement et pression des créanciers, difficultés sanitaires, dépression, tensions familiales, isolement, procédures judiciaires, cessation d'activités…).

En Belgique, seul un tiers des terres agricoles appartiennent aux producteurs. Les deux tiers restants sont en fermage (c’est-à-dire louées par les agriculteurs en bail à ferme). Pour les jeunes agriculteurs, l'accès à un terrain est le principal obstacle pour se lancer dans le secteur. Trouver une terre à acheter, ou même à louer, est difficile.

De plus en plus de terres sont soustraites à la production agricole parce que d’autres utilisations sont plus rentables : conversion en zones d’habitats ou en zonings industriels (ce qu’on appelle l’artificialisation des terres), élevage de chevaux… Depuis le début des années 1960, l’Union européenne a ainsi perdu un cinquième de sa surface agricole, soit l’équivalent de onze fois la superficie de la Belgique. En Flandre, un tiers des terres sont aujourd’hui artificialisées et en Wallonie plus de 11 %. Toujours en Wallonie, entre 1985 et 2022, 1 560 hectares de terres agricoles ont été perdues par an, soit chaque année l’équivalent de 2000 terrains de foot. Nous avons besoin de ces terres pour nourrir les gens et les animaux et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous protégerons les terres agricoles et les petites et moyennes entreprises d’agriculteurs. Sauf cas particuliers, nous ne sacrifierons plus les terres agricoles. En réduisant la pression sur les terres agricoles, nous pourrons également produire des aliments de manière moins intensive en termes d'utilisation des sols, ce qui est bon pour la nature et le climat. C'est pourquoi nous considérons le « stop au béton » comme point de départ d'une politique foncière pour l'avenir.

Le rachat des terres pour être destinées à d’autres activités économiques et le placement d’importants capitaux dans le foncier entraînent une spéculation importante sur la terre agricole et accroissent le phénomène de concentration des fermes. À l'exception des Pays-Bas, la Belgique possède les terres agricoles les plus chères d'Europe. En Wallonie, en quarante ans, le prix des terres agricoles a quadruplé. Par ailleurs, une entreprise comme Colruyt a déjà racheté 175 hectares de terres agricoles pour que des agriculteurs sous contrats précaires y produisent à ses conditions. Les terres agricoles deviennent donc de plus en plus rares et chères. Il est urgent que le gouvernement participe plus activement à leur protection. Nous voulons une politique claire en matière de terres agricoles destinées à des institutions publiques si nous voulons faire la transition vers une agriculture durable. Des terres publiques représentent un atout à cet égard. En règle générale, les terres agricoles ne pourront plus être vendues qu'à des agriculteurs.

Nous voulons également créer un institut public de gestion des terres agricoles, à l'instar de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) en France. Cet institut utilise le droit de préemption pour acheter des terres agricoles à vendre et les revendre à des agriculteurs ou à des institutions publiques à un prix avantageux. Ainsi, plus aucune terre agricole ne sera perdue au profit du développement urbanistique et les agriculteurs auront plus facilement accès à des terrains.

L'industrie agroalimentaire fait main basse sur de plus en plus de terres agricoles pour y cultiver (ou y faire cultiver) des plantes destinées à la production de biocarburants (bioéthanol et biodiesel) ou à la fermentation pour la production de biométhane. Par exemple, un tiers de la production wallonne de céréales est destiné à la production d'énergie. De tels projets font flamber les prix des terrains. Maintenant que le cadre législatif européen n'exige plus le mélange de l'essence avec des biocarburants issus de cultures agricoles, nous voulons mettre un terme à cette pratique. Selon le même raisonnement, la biométhanisation devra être limitée aux déchets organiques qui ne peuvent pas être transformés en aliments pour animaux. Il sera totalement exclu de cultiver du maïs à cette fin, comme on le fait aujourd'hui. Enfin, nous nous opposons également à la conversion de parcelles agricoles en véritables champs de panneaux solaires. Nos terres arables, dont la surface est limitée, devront servir à produire de la nourriture pour les humains et les animaux.

Nous voulons aussi construire un droit de fermage permettant aux droits d'usage des agriculteurs actifs de prévaloir sur les droits de propriété des bailleurs et des spéculateurs. Ce droit de fermage garantira aussi la survie de leurs exploitations. Historiquement, les lois sur le fermage ont toujours permis de contrer le déséquilibre entre l'agriculteur et le propriétaire foncier. Cependant, les propriétaires sont de plus en plus réticents à louer leurs terres à un agriculteur. Certains décideurs politiques pensent pouvoir éliminer ce problème en assouplissant le marché foncier et en restreignant les droits des locataires. Ils envisagent donc des politiques permettant d'expulser plus facilement les agriculteurs de leurs terres. Une telle libéralisation ne peut que profiter aux spéculateurs, car un terrain sans agriculteur vaut jusqu'à deux fois plus qu'un terrain avec un agriculteur. Quand on sait que les agriculteurs doivent avoir une carrière de 40 ans avant de pouvoir prendre leur pension, supprimer progressivement leurs droits de fermage n'est pas une bonne idée. Ils réalisent des investissements qui sont amortis sur de nombreuses années. Si des spéculateurs viennent à annuler leur bail, c'est toute leur exploitation qui part en fumée. Il est donc essentiel de protéger les droits d'usage des fermiers. La création d'une institution publique pour la gestion des terres agricoles, comme nous l'évoquons ci-dessus, est une mesure nécessaire à cet effet.

Aujourd'hui, notre planète produit suffisamment de nourriture pour pouvoir nourrir 10 milliards de personnes, mais ces dernières années, de plus en plus de gens souffrent à nouveau de la faim : selon les estimations les plus récentes, elles seraient 828 millions. En outre, selon l'Organisation mondiale de l'alimentation, la FAO, quelque 2,3 milliards de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire modérée ou grave, dont 8 % de la population européenne. Ces chiffres datent de 2021, avant la forte hausse des prix des denrées alimentaires due à la guerre en Ukraine et à la crise de l'énergie. En 2022, 600 000 personnes avaient recours à l'aide alimentaire en Belgique. Il est clair que le modèle capitaliste de l'industrie agroalimentaire ne garantit pas à la population une alimentation saine, abordable et respectueuse de l'environnement. L'objectif de ce secteur n'est pas de nourrir les gens, mais de faire du profit.

Les faiseurs d'opinion libéraux affirment que la crise alimentaire est due à la crise économique ou à la guerre en Ukraine. Les grandes entreprises agroalimentaires ne semblent pourtant jamais innocentes dans cette situation. Elles profitent d’une crise pour augmenter les prix des denrées alimentaires au-delà de l'inflation et réaliser d'importants surprofits. Afin de garantir une alimentation abordable pour tous, nous gèlerons les prix des produits essentiels dans les supermarchés en période de forte inflation, sans que cela n'ait d'incidence sur les revenus des agriculteurs. Test-Achats a proposé ce plan pas plus tard qu'en 2023 et la France a également introduit une telle mesure. Nous la financerons en taxant les grandes entreprises comme ADM, Bunge, Cargill et Dreyfus qui, ensemble, contrôlent jusqu'à 90 % de toutes les récoltes de céréales.

Nous voulons également lutter contre le gaspillage alimentaire en Belgique. Le monde produit suffisamment d'aliments pour nourrir tout le monde, mais une grande partie est perdue à cause du gaspillage alimentaire. Nous voulons contrer cette tendance en Belgique en proposant également des fruits et légumes moins esthétiques, que les entreprises jettent avant même qu'ils n'arrivent dans les magasins. Pour cela, nous nous tournons à nouveau vers la France où l'on peut acheter des « produits moches » dans les supermarchés à prix réduit. Nous voulons également que les prix des aliments sains redeviennent plus accessibles à tout le monde.

Notre alimentation contient une trop grosse part de protéines animales en provenance de l’élevage intensif (non lié au sol). Ceci entraîne d’une part une énorme dépendance des importations de matières premières (destinées à la production d’aliments pour animaux), une importante consommation d’eau ainsi que d’importantes émissions de gaz à effet de serre et de polluants comme l’ammoniaque qui nuisent à la nature. L'élevage d'animaux à si grande échelle augmente également le risque de souffrance animale et d'épidémies. Le gouvernement doit s'efforcer d'améliorer la proportion de protéines végétales et animales dans notre alimentation, par exemple en proposant des plats végétariens dans toutes les cantines, en plus des plats de viande classiques.

En outre, nous voulons donner à l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) plus de moyens financiers et humains pour renforcer les contrôles dans l'industrie agroalimentaire. Elle doit se concentrer davantage sur les grandes entreprises, où les risques sont beaucoup plus élevés en raison de leur taille. Les agriculteurs et le gouvernement sont actuellement trop éloignés l'un de l'autre et le gouvernement doit reprendre ses fonctions d'accompagnement. Pour nous, le gouvernement doit davantage accompagner les agriculteurs dans leur entreprise au lieu de miser uniquement sur les sanctions pour garantir le bien-être des animaux et la protection de l'environnement.

Contrairement à une idée reçue, l’Europe ne nourrit pas le monde et n’est actuellement pas en mesure d’assurer sa souveraineté alimentaire. Elle importe 11 % des calories et 26 % des protéines qu’elle consomme.

Par contre, l’Union européenne occupe bien une place centrale dans le commerce agricole mondial, en étant à la fois première exportatrice et première importatrice mondiale (en valeur monétaire). Mais ce commerce agricole s’accompagne d’impacts sociaux et environnementaux importants. D’un côté les exportations à bas prix de produits excédentaires (viande, lait) concurrencent les produits des petits producteurs dans les pays du Sud. D’un autre côté, la dépendance aux importations de certaines matières agro-industrielles (soja, huile de palme) est liée à des cas d’accaparements de terres et de violations des droits humains des communautés locales. Le coût environnemental du commerce international est énorme.

La guerre en Ukraine a douloureusement démontré notre dépendance à l'égard du marché mondial. Par exemple, la Russie et l'Ukraine fournissent 30 % des céréales et 50 % de l'huile de tournesol en circulation dans le monde. L'Europe était aussi fortement dépendante des importations d'engrais et de combustibles russes. Par conséquent, au second semestre 2021, les prix des engrais ont triplé, ce qui a affecté notre agriculture.

Contre cette pensée libérale du marché (mondial), nous défendons une autre logique : celle de la souveraineté alimentaire, où chaque (sous-)continent et chaque région cherchent à satisfaire leurs propres besoins dans la mesure du possible. Le mouvement paysan international La Via Campesina définit la souveraineté alimentaire comme « le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles ».

Une politique agricole commune revue et corrigée allant à contre-courant des accords de libre-échange. En effet, ces accords constituent une menace pour l'agriculture à petite échelle. Ils ouvrent la voie aux importations de produits agricoles en provenance d'une industrie agroalimentaire qui ne respecte pas les normes environnementales, sanitaires et sociales que nous souhaitons.

Nous rejetterons donc le traité entre l'Union européenne et le Mercosur, ainsi que les accords bilatéraux de l'Europe avec des pays comme le Canada (CETA), l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui visent à faciliter les importations de lait et de viande en provenance de ces pays. Ces traités ont été approuvés par les partis de droite, qui disent aujourd’hui défendre les agriculteurs. Mais aussi par les partis socialistes et écologistes, qui ont par exemple soutenu l’accord de libre-échange de l’Union européenne avec la Nouvelle-Zélande, soit à l’exact opposé du continent européen sur la terre. Il est absurde d'importer de si loin des denrées alimentaires qui peuvent être produites ici. Au contraire, nous réorienterons notre agriculture pour qu'elle se concentre sur la production d'aliments sains et locaux plutôt que sur les exportations et les besoins de l'industrie agroalimentaire.

Dans tous les traités et règlements internationaux, nous ferons valoir l’exception agricole et alimentaire. Nous ferons respecter les mêmes normes environnementales, sanitaires, sociales et de bien-être animal qu’en Belgique. Si nous ne le faisons pas, ces accords compromettront nos propres politiques agricoles, telles que la stratégie « de la ferme à la table ». Certains pesticides ou antibiotiques utilisés dans ces pays lointains ne sont pas autorisés ici, ou des normes différentes s'appliquent en matière de bien-être animal. Il n'est pas question de sacrifier notre agriculture, la qualité de notre alimentation et notre environnement sur l'autel du libre-échange international.

En France, il existe des marchés d'intérêt national régionaux et intercommunaux qui achètent des produits aux producteurs locaux à des prix rémunérateurs. Nous adopterons ce modèle.

L'idéologie néolibérale nous a complètement dépossédés de notre approvisionnement alimentaire qui est de plus en plus sous le contrôle d'une poignée de grandes multinationales. La généralisation des OGM est une des multiples étapes de ce processus.

Le génie génétique permet de modifier directement le génome des êtres vivants. On parle alors d’organismes génétiquement modifiés ou OGM. En soi, cette évolution n’est pas négative. Mais cela devient problématique lorsque la recherche est dans les mains de grands groupes privés, dans le seul but de faire du bénéfice. Elle augmente alors la dépendance des agriculteurs du secteur agroalimentaire et est orientée, par exemple, vers le développement de variétés résistantes à certains pesticides (comme le glyphosate), au lieu de variétés résistantes aux maladies. De nombreuses questions se posent aussi sur les effets écologiques à plus long terme des cultures d’OGM, car ces plantes peuvent se propager hors des champs, se croiser avec des plantes sauvages ou encore affecter les populations d’insectes. Nous prolongerons donc l’actuel moratoire sur la mise en culture d’OGM en Belgique.

La Politique agricole commune (PAC) est une des principales politiques européennes (un tiers du budget européen, presque 400 milliards d’euros) et influence le type d'agriculture que nous aurons : de l’agroécologie pour nourrir les peuples d’Europe ou une agriculture industrielle intensive avec des engrais, des pesticides, etc., orientée vers l’exportation. Avec de la nourriture qualitative et un bon revenu pour les agriculteurs ou à des prix planchers pour être concurrentiel sur le marché mondial. Depuis trois décennies, cette PAC tourne mal : en faveur de l’agrobusiness. 80 % de ses subsides vont vers 20 % des entreprises agricoles, les plus grandes, sans tenir compte de l’activité agricole réelle. Même des entreprises qui ne sont que des propriétaires terriens et ne produisent rien peuvent recevoir des subsides. Il est absurde qu’une grande entreprise telle que Colruyt puissent empocher des subsides européens simplement parce qu'ils ont acheté des terres agricoles.

Depuis les années 1990, l’Union européenne a progressivement procédé à l’ouverture de l'agriculture au marché mondial. Elle a supprimé les quotas avec des prix fixés pour certains produits. Depuis, les prix des produits agricoles en Europe fluctuent selon le marché mondial. Impossible de garantir une rémunération correcte des producteurs.

Le résultat de cette politique n'a donc rien de surprenant. Au cours des 40 dernières années, l'évolution du secteur agricole a été marquée par la disparition des exploitations et la concentration des terres entre les mains de grandes entreprises. 3 % des exploitations agricoles contrôlent 50 % des terres et un quart des exploitations ont déjà disparu dans l'Union européenne au cours de la dernière décennie. Cela représente une exploitation toutes les trois minutes. C'est un combat à mort.

Pourtant, la Commission européenne poursuit la même voie. La majorité des fonds de la nouvelle PAC 2023-2027 continueront à renflouer les caisses des plus grands, malgré la petite touche verte qui y a été ajoutée. Les petits agriculteurs, les plus à même de mettre en œuvre une agriculture plus locale, à taille humaine, qui respecte l'humain et la nature, restent les parents pauvres de cette PAC. Nous voulons que la politique agricole commune soutienne davantage les petites exploitations, par exemple en plafonnant les aides ou en les rendant dégressives en fonction de la superficie.

La répartition du budget de la PAC doit être revue en profondeur, en passant d'une politique d'aide à la surface agricole, qui absorbe 60 % du budget, à une aide à l'emploi. Nous privilégierons donc les petites et moyennes entreprises familiales. En outre, nous renforcerons notre soutien aux jeunes et aux nouveaux agriculteurs.

Depuis 2023, un quart des fonds de la PAC est désormais consacré à des programmes écologiques. Il s'agit de mesures environnementales et climatiques que les agriculteurs peuvent prendre volontairement et pour lesquelles ils peuvent obtenir des subsides, telles que la couverture hivernale, les cultures respectueuses de l'environnement ou les prairies écologiques. Pour encourager davantage leur utilisation, nous voulons augmenter le budget alloué à ces pratiques et réduire l'aide par hectare. Cela permettra d'allouer plus d'argent aux petites exploitations agricoles écologiques et pas seulement aux grandes. Nous voulons également améliorer les conditions écologiques de l'aide à l'hectare afin de garantir une bonne qualité environnementale de base.Nous souscrivons ainsi aux orientations prises par le gouvernement wallon sous la pression des syndicats agricoles, même si elles restent insuffisantes en raison du cadre européen imposé.

Nous réinstaurerons aussi le système de quotas pour les produits laitiers, les œufs, la viande et la volaille. Dans ce système, les quotas sont distribués aux agriculteurs en fonction des prévisions de la demande pour ces produits. Ces quotas empêchent la surproduction et, par conséquent, la chute des prix pour les agriculteurs. Avec ce système, les agriculteurs peuvent également négocier des prix minimums garantis avec celles et ceux qui transforment les produits alimentaires dans ce secteur afin de générer un revenu stable et décent. Le système de quotas a existé en Europe jusqu'en 2015 pour stabiliser le revenu des agriculteurs européens. Il existe toujours au Canada pour les produits laitiers. Depuis l'abolition de ces quotas en Europe, le prix du lait est si bas que de nombreuses exploitations laitières ne parviennent pas à vivre de leur activité, produisent même parfois à perte et sont maintenues en vie grâce à des subsides. Cela convient bien à l'industrie agroalimentaire, mais pas aux agriculteurs. Nous sommes du côté des agriculteurs, pas du secteur agroalimentaire.

La simplification administrative promise n'a pas eu lieu. Les agriculteurs deviennent fous à cause des innombrables règlements qui leur rendent la vie impossible et témoignent souvent d'un manque d'empathie avec la réalité sur le terrain. Au contraire, nous voulons vraiment soutenir le travail des agriculteurs et leur simplifier la tâche afin qu'ils puissent se concentrer sur leur véritable objectif : produire de la bonne nourriture. 

La bureaucratie de la nouvelle PAC, avec les déclarations de surfaces et les demandes d'aides, est extrêmement complexe. En France, le « droit à l'erreur » est officiellement reconnu. Nous le souhaitons également en Belgique. Les déclarations de surfaces doivent pouvoir être corrigées et complétées et les demandes d'aides ajoutées ou retirées sans pénalité.

La double urgence sociale et climatique nécessite un changement radical dans notre agriculture et cette nouvelle PAC n’est pas à la hauteur. D’abord, elle renforce la concurrence entre pays en abandonnant quasiment le caractère commun de la politique. Cette concurrence accrue renforcera des dynamiques négatives et les inégalités pour les agriculteurs partout en Europe. Sur le plan social, ensuite, cette nouvelle PAC n’apporte pas de changement fondamental au système de rémunération à l’hectare qui favorise les plus grosses exploitations et laisse sur le carreau les petits agriculteurs qui font face à la misère et n’arrivent plus à survivre. Sans rémunération correcte, ce désastre social continuera. Les paiements redistributifs très faibles (qui ont pour but d’aider les petites et moyennes entreprises agricoles) et les plafonnements très hauts de la nouvelle PAC n’inverseront pas la tendance. Ils s’apparentent davantage à un emplâtre sur une jambe de bois. Sur le plan environnemental, cette PAC ne démontre pas l’ambition nécessaire, entrant même en contradiction avec les objectifs exprimés par la Commission européenne dans la stratégie « De la ferme à la table ».

La stratégie « De la ferme à la table » est une étape indispensable si nous voulons réduire l’empreinte environnementale et climatique de notre système alimentaire. Cette stratégie contient des appels clairs à l’amélioration de la législation de l’UE en matière de pesticides, d’antibiotiques, de zoonoses, mais aussi d’étiquetage des aliments. Nous avons besoin d’une politique alimentaire commune qui soutienne la production d’aliments de qualité produits avec moins de pesticides, meilleurs pour notre santé et l’environnement, ainsi que des règles strictes pour le respect du bien-être animal. En même temps, elle doit garantir des emplois stables et bien rémunérés. Rien d'étonnant que l'industrie agroalimentaire se soit empressée d'exercer de fortes pressions, dès le début de la crise ukrainienne, pour que cette stratégie soit revue à la baisse. Plus de trois ans après son adoption, les mesures concrètes se font attendre. Un large mouvement de citoyens et d'organisations de la société civile exige donc que les institutions européennes rompent avec les lobbies de l'industrie agroalimentaire et le dogme néolibéral.