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Pactiser avec les nationalistes flamands et scinder les soins santé est une (grave) erreur

S’il y a une leçon à tirer de la gestion de la crise du coronavirus en Belgique, c’est que le morcellement des compétences et la régionalisation des soins de santé ne fonctionne pas. Cela a été un handicap important qui a contribué à la débâcle de notre pays dans la lutte contre le virus. Aujourd’hui, Paul Magnette et Bart De Wever envisagent pourtant de régionaliser complètement les soins de santé. Comme s’ils ne tiraient aucune leçon de la crise. Ou bien qu’ils avaient un autre agenda. Voici pourquoi nous devons les en empêcher.

Lundi 10 août 2020

S’il y a une leçon à tirer de la gestion de la crise du coronavirus en Belgique, c’est que le morcellement des compétences et la régionalisation des soins de santé ne fonctionne pas. Cela a été un handicap important qui a contribué à la débâcle de notre pays dans la lutte contre le virus. Aujourd’hui, Paul Magnette et Bart De Wever envisagent pourtant de régionaliser complètement les soins de santé. Comme s’ils ne tiraient aucune leçon de la crise. Ou bien qu’ils avaient un autre agenda. Voici pourquoi nous devons et nous pouvons les en empêcher.

Le coronavirus a pu profiter de l’absence de commandement unifié en Belgique

Tout le monde le sait maintenant : notre pays compte pas moins de 9 ministres de la Santé. Un record. Surtout que, contrairement aux autres États fédéraux, il n’y a pas de règle qui permette de décider en cas de conflit de compétence.

Durant la crise, il a été unanimement reconnu que ce morcellement est un frein pour une réponse rapide et efficace. Il a fallu d’interminables réunions de concertation entre les niveaux de pouvoir pour aboutir à des décisions. Le virus a pu à son aise profiter de l’absence de commandement unifié.

La crise a révélé les absurdités et l’inefficacité des compétences régionalisées. Les soins à domicile, par exemple, sont une compétence fédérale. Mais si les infirmières à domicile veulent donner un coup de main dans les maisons de repos et de soins (qui, elles, dépendent des Régions), on se demande qui paie la facture. Si un centre de triage veut acheter un container, ce sont les Régions qui sont compétentes. Mais s’il veut en louer un, il doit s’adresser au fédéral. Etc.

Maisons de repos et suivi des contacts : les Régions ont foiré sur toute la ligne

« Wat we zelf doen, doen we beter » (« ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux »). C’est un des slogans préférés des nationalistes flamands. Pourtant rien n’est moins vrai, le niveau régional n’a rien eu a envier au fédéral durant cette crise. On peut même dire qu’il a foiré sur toute la ligne.

C’est dans les maisons de repos – de la compétence des Régions – que le feu de l’épidémie s’est répandu le plus et a fait des ravages. C’est là que sont mortes deux tiers des personnes décédées du coronavirus en Belgique. Plus de 6 000 personnes âgées. Alors que beaucoup de morts auraient pu être évitées.

Au nord comme au sud du pays, le secteur est sous-financé depuis des années. Le personnel est en sous-effectif et surchargé. Il tirait déjà la sonnette d’alarme avant la crise. Et quand le virus est apparu dans les maisons de repos, celles-ci ont été abandonnées à leur sort. Elles ont manqué de tout : de matériel de protection, de personnel, de formation et de tests. Les ministres en charge dans les différentes Régions ont mis plusieurs semaines à réagir. Le testing massif n’a commencé dans les maisons de repos qu’à la mi-avril, et encore, souvent de façon chaotique.

Le résultat n’est pas meilleur pour le suivi des contacts.1 Malgré les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) début mars, il n’y a toujours pas aujourd’hui de système vraiment efficace mis en place en Belgique. Au lieu d’impliquer les médecins de terrains en première ligne, les gouvernements régionaux ont choisi des call centers commerciaux anonymes et centralisés. Il s’agit clairement d’incompétence, et nous le payons cher aujourd’hui en voyant les courbes augmenter à nouveau.

Dispersion des moyens et idéologie néolibérale

Il y a au moins deux facteurs qui expliquent cette mauvaise gestion au niveau régional. Le premier, c’est la dispersion des moyens. Depuis la régionalisation, chaque Région doit avoir sa propre administration, prendre ses propres décisions et définir sa propre politique. C’est un grand gaspillage de moyens et d’efficacité.

Le deuxième facteur, c’est l’idéologie néolibérale qui a présidé à la mise en place de ces nouvelles structures régionales. Bart Eeckhout, rédacteur en chef du quotidien De Morgen, l’expliquait le 1er août dernier dans les colonnes de son journal : « Dans le sillage du durcissement du (néo-)libéralisme économique des années 1980, soufflait le vent du “New Public Management” (nouvelle gestion publique, NdlR). L´État devait subir une cure d’austérité et être plus efficace, comme une entreprise privée. Les administrations ont été “privatisées” : elles ont reçu leur propre patron, leur propre budget et leurs propres objectifs.

Toute l’administration en Flandre a été construite sur ce modèle. L’Agence de soins de santé du gouvernement flamand, qui est sous le feu des projecteurs dans cette crise, est un produit typique de ce modèle. Elle démontre – malheureusement à un prix tragique – la grande faiblesse de la “New Public Management”. »

Toute scission plus approfondie renforcera ces deux facteurs.

L’accord PS/N-VA pour la scission des soins de santé est absurde, coûteux et inefficace

Comment De Wever et Magnette en sont donc arrivés à vouloir scinder complètement les soins de santé ? La scission ne va rien résoudre, cela va au contraire aggraver le problème. Comme le dit le politologue anversois Dave Sinardet sur Twitter : « Le gouvernement flamand été incapable de développer l’arme pour empêcher une deuxième vague (le suivi des contacts, NdlR). Wat we zelf doen, doen we gewoon niet (ce que nous faisons-mêmes, nous ne le faisons pas, NdlR). Et entre-temps, le PS et la N-VA font un accord pour fragmenter encore plus les soins et les transférer à ce niveau défaillant. » Cela va pousser à rendre le système plus absurde, plus coûteux et plus inefficace.

Dans une carte blanche, une série d’experts renommés (dont les scientifiques Marc Van Ranst, Emmanuel André et Yves Coppieters) ainsi que tous les syndicats du secteur des soins de santé plaident clairement au contraire pour une refédéralisation complète : « La crise du coronavirus nous a appris que le morcellement des compétences est un handicap. Il est étrange de plaider maintenant pour encore plus de morcellement (…) le gouvernement fédéral est le plus approprié pour prendre en main les soins de santé. »2

Pas en notre nom

De Wever et Magnette n’ont pas non plus de mandat démocratique pour cette scission. Au contraire. Les enquêtes d’opinions récentes montrent qu’il n’y a pas de majorité pour cela. Ni en Flandre, ni en Wallonie, ni à Bruxelles. Plus de 6 Belges sur 10 ont dit qu’ils étaient favorables à refédéraliser les soins de santé.

Même un grand nombre des électeurs de la N-VA et du Vlaams Belang ne sont pas pour la scission. Et pour le PS, cela reviendrait à trahir ses électeurs et son propre programme, dans lequel il dit qu’il est contre une nouvelle réforme de l’État.

En réalité, la scission des soins de santé vise surtout à satisfaire la N-VA et le Voka (organisation patronale flamande) qui veulent mettre le pied dans la porte d’une scission plus complète de la sécurité sociale et du pays. Pour casser la solidarité et imposer un recul pour l’ensemble des travailleurs du pays. C’est incroyable que les socialistes soient prêts à les suivre. C’est une grave erreur que nous devons et que nous pouvons encore empêcher.

 

1. Système qui doit permettre, en contactant rapidement chaque nouvelle personne infectée à la fois de remonter à la source de l’infection et de suivre les contacts, de casser la chaîne de transmission • 2. L’Echo et De Tijd, 20 juin 2020