En octobre 2018, Manal Toumi et Sah Gulhan ont été élus conseillers de district du PTB, respectivement à Deurne et à Anvers. Avec leur groupe de base, ils mobilisent pour la manifestation contre le racisme du 24 mars. Objectif : envoyer trois bus au départ d’Anvers.
Comment êtes-vous arrivés au PTB ?
Manal Toumi. Cela fait des années que mon papa est fan de Peter Mertens et du PTB. Il y a deux ans, je lui ai dit que, moi aussi, je voulais m’engager, et je suis devenue membre. Un peu plus tard, c’est mon père qui m’a suivie : il est également devenu membre du parti.
Sah Gulhan. Un de mes bons amis, membre du PTB depuis assez longtemps, m’a convaincu de devenir membre. Je disais toujours que la politique ne me passionnait pas et que je trou- vais la position du PTB un peu trop extrême. Finalement, je suis quand-même devenu membre et j’ai rejoint un groupe de base. Peu de temps après, je figurais sur une liste, et j’ai même été élu.
Sah Gulhan (43 ans) est né à Beringen dans le Limbourg. Son père, mineur, a pris sa retraite lorsque les mines ont fermé. Sah est marié et père de deux enfants de 14 et 12 ans. Il est mécanicien-automobile de formation. Il travaille aujourd’hui au port d’Anvers.
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Est-ce qu’il vous arrive aussi d’être personnellement confrontés au racisme ?
Manal Toumi. J’ai fréquenté une école catholique très conservatrice, avec peu de jeunes issus de l’immigration. Il m’est arrivé d’entendre les gens m’interpeller : « Est-ce que ton papa vole aussi des voitures ? » J’avais un professeur de latin dont je ne savais pas s’il ne pouvait simplement pas me sentir ou s’il me ciblait à cause de mes origines. Je faisais partie du conseil de participation, avec deux élèves, deux enseignants – dont mon professeur de latin – et deux parents d’élèves. Pour en finir avec les écoles blanches, chaque école devait accueillir un certain pourcentage d’élèves issus de l’immigration. A cela, l’enseignant a dit : « Si ça arrive, je m’en vais. »
Sah Gulhan. Je vois le racisme et la discrimination, non seulement sur le lieu de travail, mais encore au niveau des demandes d’emploi. Tu participes à une sélection, tes tests sont positifs, mais tu n’es quand-même pas engagé. Je suis Belge et je considère que je suis parfaitement intégré. Là où je travaille, on cherchait de nouveaux travailleurs : j’ai transmis le nom d’un ami, mais il n’a même pas été contacté. Quand j’ai insisté, on lui a téléphoné. Ensuite, on m’a dit : « Sah, si tu présentes quelqu’un, il faut qu’il parle bien le néerlandais. » Mon ami parle mieux néerlandais que moi. J’ai heureusement pu aider un certain nombre de jeunes à trouver du travail, mais trouver du travail lorsqu’on n’est pas d’origine belge reste très difficile.
Seul, tu es impuissant contre le racisme, le gouvernement doit prendre ses responsabilités et vraiment punir le racisme
Pourquoi manifester ce 24 mars ?
Sah Gulhan. Si nous n’éliminons pas le racisme du monde aujourd’hui, nos enfants et petits-enfants subiront toujours la discrimination et les humiliations. Il est grand temps que cela cesse. J’habite dans un quartier où une fusillade mortelle a eu lieu récemment. Parmi les réactions sur Facebook on pouvait lire : « Super, encore un Turc de moins. » Heureusement, il y avait aussi des manifestations de soutien.
Manal Toumi. Seul, on est impuissant contre le racisme. Il faut que l’autorité prenne position et punisse vraiment le racisme. Le racisme se banalise ; si nous continuons à nous organiser, nous obligerons le gouvernement à passer à l’action.
Sah Gulhan. L’autorité participe à la propagation du racisme. Nous en avons assez. Le gouvernement doit prendre des mesures, qu’il le veuille ou non. Now or never, quelque chose doit être fait.
Le PTB insiste sur la dimension structurelle du racisme qui fait partie du système. Qu’en pensez-vous ?
Manal Toumi. Monsieur tout le monde n’y peut rien. Mais le gouvernement bien ! Le gouverne- ment participe au racisme, il l’organise : le manque de politique monte les gens les uns contre les autres.
Sah Gulhan. C’est pour cette raison que des tests anti-discrimination sont très importants. Si vous introduisez une demande d’emploi en utilisant un nom marocain, il arrivera souvent que vous ne soyez pas invité à vous présenter. Si vous portez un nom flamand, vous pouvez déterminer vous-même l’heure à laquelle vous pouvez vous présenter – façon de parler. Il faut que des sanctions sévères soient prises en cas de discrimination, sinon certains employeurs n’apprendront jamais.
Vous voulez emmener trois bus à la manifestation ? Comment y arriver ?
Manal Toumi. Nous faisons appel à des tas de gens, la famille, les cercles d’amis, les collègues, les gens des quartiers où nous sommes actifs. Nous allons faire imprimer des tickets de bus et une affiche.
Sah Gulhan. Différentes communautés doivent faire face à la discrimination et au racisme. Il faut que nous formions un front et que nous combattions ensemble. Nous devons convaincre tout le monde que ce n’est que collectivement que nous pourrons changer les choses. Les travailleurs ont aussi dû lutter tous ensemble pour obtenir les congés payés et la sécurité sociale. Le proverbe dit qu’il faut travailler tous en- semble. Et puis, les manifestations avec le PTB sont toujours pleines d’ambiance. Récemment, j’ai participé à la manifestation pour le climat ; c’est chez le PTB qu’il y avait le plus d’ambiance et de combativité. Le bloc PTB sera donc aussi « the place to be » lors de la manifestation contre le racisme.
« Le racisme est le chemin le plus court vers la casse sociale pour tous »Luk Vandenhoeck |
Eux aussi seront présents le 24 mars
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La manifestation partira le 24 mars à 14 heures de la Gare du Nord à Bruxelles.
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