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Macron a ouvert la voie pour Le Pen, mais l'espoir vient d'en bas

Le deuxième tour de la présidentielle française s’annonce serré. L’extrême droite n’a jamais été aussi proche de l’emporter. Les politiques néolibérales et le mépris de classe qui ont caractérisé le mandat de Macron n’ont pas été un barrage, mais un marchepied pour l’extrême-droite. Les partis traditionnels socialiste, républicain et écologiste se sont effondrés. La véritable l’alternative à l’extrémisme du marché macronien et à l’extrémisme nationaliste de Le Pen viendra de celles et ceux, très nombreux, qui ont soutenu Mélenchon et son programme de gauche authentique.

Vendredi 15 avril 2022

Avec 27,8 % pour Macron et 23,1 % pour Le Pen, le deuxième tour est un mauvais remake de celui de 2017. À la différence près que Macron n’a plus le bénéfice du doute. Le bilan social catastrophique de son mandat constitue un repoussoir de taille pour les électeurs de Mélenchon, qu’il tente de séduire maladroitement dans l’entre-deux tours. S’il est aujourd’hui envisageable que Le Pen gagne ce second tour, Macron lui-même en porte une responsabilité énorme.

Mélenchon réédite l’exploit

La surprise vient de Mélenchon, qui décroche près de 22 % des voix. Plusieurs points au-dessus de ce que lui prédisaient les meilleurs sondages. Il améliore même de 3 % son résultat de 2017. Mélenchon est le candidat favori des 18-34 ans, qui ont voté à plus de 30 % pour lui. Dans de nombreuses banlieues populaires, il obtient même plus de 50 % des voix, témoignant d’un large soutien de la classe travailleuse, notamment immigrée. Et, dans des grandes villes comme Lille, Montpellier ou Toulouse, il dépasse les 35%.

Ce qui séduit les jeunes, c’est la radicalité de son programme. Un programme de gauche authentique avec des mesures choc sur le salaire minimum, le climat, le blocage des prix, l’emploi des jeunes, l’égalité hommes/femmes, le retour à la pension à 60 ans, une fiscalité qui fasse contribuer davantage les riches, la lutte contre l’islamophobie et le racisme, contre la guerre... Des mesures simples et efficaces, qui contrastent avec celles, sans ambition, proposées par les socialistes ou les verts.

Cette réussite de La France Insoumise met aussi en exergue la faillite et la crise profonde que traversent les partis traditionnels. Après avoir vampirisé le PS en 2017, Macron réalise la même opération sur son flanc droit. La candidate de la droite traditionnelle, Valérie Pécresse, n’obtient même pas 5 % des voix. Le PS et les verts (EELV) récoltent à eux deux moins de 7 %, moins du tiers de ce que Mélenchon a engrangé. Sur la fin de la campagne, la sociale-démocratie avait même fait de Mélenchon son principal adversaire...

Depuis plus de 20 ans, la gauche traditionnelle promet beaucoup et fait le contraire quand elle est au pouvoir. Elle paie ainsi cash ses accointances avec le néolibéralisme qui appauvrit et épuise les travailleurs et enrichit les actionnaires. Déjà en 2002, le socialiste Lionel Jospin avait été sanctionné pour sa politique libérale. Mais ce déclin ne semble pas appeler à un examen de conscience des partis traditionnels, qui, en 2017 comme en 2022, mettent la faute de la non qualification de la gauche au deuxième tour sur le dos de Mélenchon au lieu d’analyser leurs propres manquements.

Les partis belges font le même constat. Pour le président du PS, Paul Magnette, ce serait la faute à Mélenchon, « qui a refusé toute primaire [et qui] porte une responsabilité particulière » 1. Pourtant, c’est justement la radicalité du programme de Mélenchon qui lui a permis d’aller regagner de nombreux abstentionnistes et de décrocher plus d’une voix sur cinq. Un programme commun, adouci avec les propositions molles social-libérales d’Hidalgo et Jadot, n’aurait justement pas suscité un tel enthousiasme des classes populaires.

Macron a déroulé le tapis rouge pour Le Pen

Le start-up boy, le banquier de Rothschild, le « ni de gauche ni de droite » censé apporter le renouveau s’est révélé être le Président des riches. Il n’a pas déçu les puissants qui l’ont porté au pouvoir : suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), mise en place du d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, qui revient à une baisse d’impôt, ou encore aides faramineuses à la grande industrie…

En pleine crise du coronavirus, en 2020, sept milliards sont injectés chez Air France, cinq autres chez Renault. « Il faut sauver les fleurons de l’industrie française » claironnait-on. La même année, ces mêmes entreprises annoncent des milliers de pertes d’emplois. Même le quotidien patronal Les Echos ne pouvait s’empêcher de titrer : « Comment expliquer les suppressions d'emplois malgré l'aide de l'Etat? »2

Alors qu’il arrosait les patrons, Macron faisait les poches de la classe travailleuses. Aujourd’hui, 10 millions de Français sont pauvres. Ils doivent faire des choix insupportables. Se nourrir ou se chauffer ? Se soigner ou se déplacer ? 6,5 millions de ménages modestes qui reçoivent une aide au logement ont vu leur allocation réduite. Les taxes sur les carburants qu’il a augmentées ont durement touché les travailleurs et engendré la colère des gilets jaunes. Il a tout fait pour libéraliser et démanteler la SNCF. Il a supprimé 17 600 lits d’hôpitaux durant son mandat et a poursuivi la casse de l’hôpital malgré la pandémie. Il s’est moqué des chômeurs en leur suggérant de traverser la rue pour trouver un emploi alors qu’il y a 13 demandeurs d’emploi pour chaque emploi vacant.3 Et il a le culot aujourd’hui de vouloir encore imposer le recul de la pension à 65 ans, une mesure dont 77 % de Français ne veulent pas.

À chaque fois que Macron a voulu passer en force, il s’est heurté à d’importants mouvements sociaux : contre la casse des retraites, contre le démantèlement de la SNCF, contre la vie chère (gilets jaunes). Et à chaque fois, Macron a réagi avec violence et mépris. Il a éborgné et arraché les mains des gilets jaunes. Il a nassé et gazé des dizaines de milliers de manifestants. Il a constamment minimisé les abus des CRS, une violence policière pourtant dénoncée par Amnesty International et condamnée par la Cour Européenne des droits de l’Homme.

Pendant ce temps-là, il donnait de plus en plus de place (et d’argent) à ses amis de la multinationale de la consultance, le cabinet de conseil McKinsey. Plus d’un milliard d’euros ont été payés à l’entreprise rien qu’en 2021. Ce cabinet coûteux vend toujours les mêmes recettes, à commencer par les coupes dans les services publics, et pratique abondamment l’optimisation fiscale pour ne payer aucun impôt en France.

Ajoutez à cela le choix délibéré de Macron de mener le débat sur le terrain identitaire et du racisme, et vous obtenez le cocktail idéal pour faire grandir l’extrême droite. Ce choix se manifeste par le silence complice de Macron lorsque les tentes des migrants sont lacérées à Calais. Ou lorsque son ministre Darmanin trouve Marine Le Pen « molle » sur les questions d’islam radical. Ou encore quand il demande à Eric Zemmour, plusieurs fois condamné pour racisme et grand défenseur de la « théorie du grand remplacement », de lui rédiger une note sur l’immigration.

Macron a ainsi pavé la voie de l’extrême-droite à tous les niveaux. Elle n’a tout simplement jamais été aussi haut lors d’une élection présidentielle sous la 5e République (23 % pour Le Pen et 7 % pour Zemmour). Près d’un électeur sur trois.Voilà le bilan d’Emmanuel Macron. Comme ailleurs en Europe et dans le monde, l'extrémisme nationaliste est le revers de l'extrémisme du marché.

Derrière le prétendu programme social de Le Pen, le vrai visage de l’extrême droite

Dans cette campagne, Marine Le Pen se présente comme le rempart pour protéger le pouvoir d’achat des Français. Elle surfe sur la colère énorme qui existe contre la politique antisociale de Macron. Contrairement à Éric Zemmour, incapable d’aligner deux phrases cohérentes quand on l’interroge sur ses politiques sociales, Le Pen a su habilement reprendre à son compte des demandes sociales populaires comme une baisse des taxes sur les carburants et l’énergie, et même une proposition de taxe temporaire sur les entreprises pétrolières et énergétiques. Mais ces mesures ne sont pas structurelles. À regarder de près, son programme n’est pas du tout si social, et son orientation économique générale est carrément néolibérale.

Tout comme Macron, Le Pen s’oppose ainsi catégoriquement à l’augmentation du salaire minimum (SMIC), elle refuse de rétablir l’impôt sur la fortune et veut des baisses d’impôt pour les grandes entreprises. Elle veut aussi davantage exonérer d’impôts les successions immobilières de plus de 300 000 euros et les grosses donations. Des mesures qui n’améliorent en aucun cas le pouvoir d’achat des travailleurs.

«Dans le domaine économique, le rôle de l’État est avant tout de créer un environnement favorable au développement des entreprises, poumons de notre économie sur tout le territoire, c’est précisément ce que j’attends par la mise en place d’un État stratège. ». Voici comment elle résume sa vision économique dans son programme. « Cette phrase n’est pas anodine, écrit le journaliste Romaric Godin dans Mediapart4, elle est pratiquement une profession de foi néolibérale: l’État n’est pas «interventionniste», il est facilitateur du bon fonctionnement du marché et soutient la compétitivité des entreprises. La vision d’ensemble de l’économie reste donc fortement ancrée dans le cadre de l’ordre social existant : les entreprises d’abord, l’État en soutien (…). »

En outre, poursuit Romaric Godin, « Marine Le Pen a repris la demande expresse du patronat français de réduire les impôts de production. Elle va même très loin sur ce chemin en proposant d’en finir avec la cotisation foncière des entreprises, mais aussi en exonérant de cotisation sociale de solidarité les entreprises qui relocaliseraient (...).5 Économiquement, son programme ne s’éloigne donc pas vraiment de celui de Macron.

Ensuite, les mesures sociales qu’elles met en avant doivent surtout être mises en regard de ses politiques de « préférence nationale », ouvertement racistes. Elle veut réserver les aides sociales aux Français uniquement. Elle veut assurer une priorité nationale à l’accès au logement social et à l’emploi. Elle veut bannir le voile de l’espace public. Tout son projet politique est basé sur la remise en cause de l’égalité entre les individus, la division et le racisme.

En outre, Le Pen n’a jamais soutenu ni les syndicats ni le mouvement social. La participation au pouvoir du RN dans certaines communes françaises a déjà montré que les attaques aux droits et libertés démocratiques s’intensifieront. En plus, elle défend fermement le principe de légitime défense pour les policiers, ceux-là même qui ont éborgné les gilets jaunes au LBD. C’est le vrai visage de l’extrême-droite, une politique au service du grand capital maquillée sous une fausse démagogie sociale et qui s’appuie sur le racisme et la violence.

L’espoir vient des jeunes et de la percée de la gauche authentique

Le duel Macron-Le Pen est l’un des pires scénarios imaginables. Et il n’est pas une coïncidence. « Macron appelle à voter contre Marine Le Pen. Mais toute sa stratégie ces deux dernières années a été de légitimer tous les sujets d'extrême droite et d'espérer un second tour contre elle. Le résultat de sa stratégie est qu'elle est totalement normalisée et pourrait maintenant gagner », explique ainsi le chercheur en sciences sociales Daniel Zamora. Cette stratégie a bénéficié du soutien actif d’une partie de l’establishment, notamment au niveau médiatique. Ce n’est pas un hasard si, par exemple, sur le plateau de Cyril Hanouna (de la chaîne C8 du milliardaire Bolloré), 53 % du temps politique a été consacré à l’extrême droite.6

Il s’en est fallu de peu pour que Mélenchon et l’Union populaire arrivent à venir perturber ce plan. Pour le deuxième tour, leur message est clair : « Pas une seule voix à Marine Le Pen » a répété à quatre reprises Jean-Luc Mélenchon le soir du premier tour. « Le choix voulu par Macron et le système politique français oblige à choisir entre deux maux (...) L’un et l’autre ne sont pas équivalents. Marine Le Pen ajoute au projet de maltraitance sociale qu’elle partage avec Emmanuel Macron un ferment dangereux d’exclusion ethnique et religieuse. Un peuple peut être détruit par ce type de division. » explique-t-il.

Mélenchon a terminé son discours en s’adressant aux jeunes avec optimisme : « Vous n'êtes ni faibles ni sans moyens. Vous êtes en état de mener cette bataille, et la suivante, et la suivante ! » « Faites mieux ! » a-t-il conclu, plein d’espoir. Et il a raison d’en avoir. Car la jeunesse et les travailleurs qui se sont mobilisés durant la campagne dynamique de Mélenchon peuvent faire des émules et être la base d’un mouvement capable de construire un barrage contre l'extrême droite et le racisme, mais aussi contre la politique libérale d'austérité qui, partout aujourd’hui en Europe et dans le monde, crée le terreau de l'extrême droite. Un mouvement capable d’imposer les thèmes sociaux et écologiques, d’impliquer, politiser et enthousiasmer les gens pour qu'ils prennent eux-mêmes leur sort en mains et pour construire un contre-pouvoir à partir d'en bas.

1 SudPresse, 12 avril 2 https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/renault-air-france-comment-expliquer-les-suppressions-d-emplois-malgre-l-aide-de-l-etat_2128639.html
3 https://www.liberation.fr/economie/il-y-a-treize-fois-plus-de-chomeurs-que-demplois-vacants-en-france-20210922_TOHGPIVLV5FABAP5NI5XH6GW3A/ 4 https://www.mediapart.fr/journal/france/290322/non-le-programme-economique-de-marine-le-pen-n-est-pas-de-gauche?utm_source=global&utm_medium=social&utm_campaign=SharingApp&xtor=CS3-5&s=08 5 Mediapart, Ibidem 6 https://www.huffingtonpost.fr/entry/cyril-hanouna-sur-c8-53-du-temps-politique-est-consacre-a-lextreme-droite_fr_61f90aa4e4b02de5f51dd19d