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Levaux, Thiry, Hansen : portraits des trois pyromanes nommés pour éteindre l’incendie chez Nethys

Trois nouveaux administrateurs ont été choisis pour « remettre de l’ordre » dans l’affaire Nethys. Leur profil et leur parcours les inscrivent pourtant tout à fait dans la lignée de Stéphane Moreau et ses acolytes. Portraits.

Samedi 12 octobre 2019

Levaux, Thiry, Hansen : portraits des trois pyromanes nommés pour éteindre l’incendie chez Nethys

Josiane Dostie, Noé Covolan et Valentin Gillet

La nouvelle est tombée le mardi 8 octobre en soirée : Bernard Thiry, Jean-Pierre Hansen et Laurent Levaux ont été désignés à la tête du conseil d'administration de Nethys par Willy Borsus et Elio Di Rupo. Les trois nouveaux administrateurs ont été choisis pour « remettre de l’ordre » dans l’affaire Nethys et ont été nommés, contre l’avis du PTB, ce vendredi 11 octobre. Mais qui sont ces trois « experts » que la presse présente comme des capitaines d’industrie aux compétences et à l’expertise intéressantes ?

Laurent Levaux : spécialisé en restructuration et vente d’outils publics au privé

Étiqueté MR, proche de Pierre-Yves Jeholet et Jean-Claude Marcourt, ce Liégeois siège sur quota libéral au sein de différents CA d’entreprises publiques, comme bpost, la FN Herstal et Proximus (qui fait comme VOO dans les télécoms et où 1 900 emplois sont en passe d’être supprimés). Il préside le conseil d'administration de la société de services aéroportuaires Aviapartner (rappelons que Nethys est propriétaire à 50 % de l'aéroport de Liège), dont il a précédemment été CEO (2008-2016). Il était jusqu’il y a peu candidat au rachat des éditions de l’Avenir (qui appartiennent actuellement à Nethys) avec un consortium réuni autour d’IPM (le groupe qui possède notamment les journaux La Libre Belgique et La Dernière Heure). L’objectif est de racheter la majorité des parts de l’Avenir à prix cassé. Vice-président de l’Union wallonne des entreprises, sa fortune personnelle est estimée à 39 millions d’euros. Mais c’est aussi le parcours qui l’a amené là qui est instructif.

En 1985, Laurent Levaux devient partenaire chez McKinsey, multinationale bien connue de la consultance (notamment pour Nethys). Il y assurera plusieurs missions de restructuration. McKinsey est particulièrement connu pour son activité de consultance pour les grandes banques internationales et les géants de l’industrie. Ses conseils se traduisent souvent par des restructurations d’entreprises, généralement assorties de réductions d’effectifs.

Dix ans plus tard, ce dernier est nommé administrateur délégué de l’entreprise CMI (celle-là même qui a tenté de racheter Elicio pour 2 euros symboliques). Il sera rejoint par Pierre Meyers (un des ex-membres du CA de Nethys qui vient de démissionner) à partir de 1999. CMI avait beau être une société à capitaux publics, cela n’a pas empêché ses dirigeants de recourir à des sociétés offshores (établies dans des paradis fiscaux) pendant plusieurs années sans le moindre scrupule.

Nommé en 2003 à la tête d’ABX Logistics (filiale de la SNCB), Laurent Levaux la vendra quelques années plus tard pour 10 millions d’euros au fonds d’investissement anglais 3i (alors même qu’une entreprise italienne, Sofipa, envisageait de faire une offre de l’ordre de 300 à 400 millions d’euros). La filiale sort ainsi définitivement de la SNCB au moment où elle réalise des bénéfices, avec la moitié du personnel en moins, soit une perte de 7 000 emplois. 3i, aidé par Monsieur Levaux, qui jouera le rôle de négociateur, en profite pour la revendre la même année à l’entreprise de logistique danoise DSV pour près de 750 millions d'euros.

Probablement pour le remercier, 3i invite dans la foulée Laurent Levaux à reprendre la direction d’Aviapartner, dont le fonds d’investissement est propriétaire. Se met alors en branle un plan de restructuration dont l’homme d’affaires a le secret. Les conditions de travail vont atteindre un niveau de pénibilité insupportable pour les travailleurs : cadences infernales, hyperflexibilité, hausse de la charge de travail, manque de personnel... Pour le dirigeant d’Aviapartner, les grèves qui s’ensuivent sont intolérables. Il passe à l’offensive en mettant en place des primes antigrèves et en demandant l’encadrement du droit de grève. L’instauration d’un service minimum et de sanctions financières en cas de grèves spontanées constitue son principal cheval de bataille.

Depuis 2018, Laurent Levaux préside la Sogepa, l’un des bras financiers de la Région wallonne. Il fait donc partie de ceux qui ont donné le feu vert pour le licenciement de 300 travailleurs chez NLMK Clabecq. On va donc demander au responsable de la suppression de centaines d’emplois en Wallonie de travailler à protéger celui des travailleurs des filiales de Nethys. Autant demander à un pyromane d’éteindre un incendie.

Jean-Pierre Hansen : patron de multinationale et expert en libéralisation

Monsieur Hansen a commencé très tôt les passages du public au privé. Il a démarré comme conseiller du ministre aux Affaires économiques André Oleffe (PSC, l’ancêtre du cdH) en 1974. Juste le temps de remplir son carnet d’adresses. Il s’en va deux ans plus tard dans le secteur de l’électricité et du gaz, où il gagnera ses plus beaux galons de manager expert en libéralisation et en privatisation. De 1992 à 2010, il occupera différents postes de direction au sein d’Electrabel et du groupe Suez.

Comme patron d’Electrabel, Hansen va être un des principaux acteurs de la libéralisation et de la privatisation du secteur de l’énergie en Belgique. D’abord avec la fusion d’Electrabel avec le géant de l'énergie français Suez, puis l’absorption de Suez par GDF, qui deviendra par la suite Engie. C’est à cause d’hommes d’affaires comme lui que nous payons nos factures d’électricité cinq fois plus cher que nos voisins européens.

Tout au long de sa carrière chez Electrabel, il va organiser la vente au privé des actifs publics de l’entreprise et défendre la logique du marché. Dans le journal L’Écho, en 2012, un journaliste lui posait la question suivante : « Vous constatez que le recours au marché n'est pas forcément la seule ni la meilleure solution, mais vous jugez que c'est souvent la plus efficace ? » À quoi il va répondre sans hésitation : « Oui. »

C’est parce qu’il a longtemps été l’homme fort d’Electrabel que le monde politique va faire appel à lui comme administrateur « indépendant » dans des entreprises dont les pouvoirs publics sont actionnaires. Il sera donc par exemple mandaté par la Région wallonne dans le dossier Arcelor Mittal et par l’État belge au sein de KBC, puis aujourd’hui au sein du conseil d’administration de Nethys. Mais est-ce que le dirigeant d’une des plus grosses multinationales d’Europe est le mieux placé pour défendre les travailleurs et les services publics ?

Bernard Thiry : manque de transparence et collusions douteuses avec Stéphane Moreau

Bernard Thiry, proche du Parti socialiste et de Jean-Claude Marcourt (comme les deux autres), est un ancien professeur d’économie à HEC Liège et a également été CEO d’Ethias d’octobre 2008 à fin 2016, ainsi que de NRB. Depuis fin 2018, il dirige RESA, opérateur des réseaux de distribution de gaz et d'électricité en Province de Liège.

On retiendra surtout de son passage chez Ethias l’affaire « Pergola », dans laquelle on retrouvait déjà un certain Stéphane Moreau… Le patron de Nethys s’était alors retrouvé devant la justice parce qu’un arbre situé sur sa propriété était tombé chez un voisin, causant des dégâts importants. Problème : Stéphane Moreau n’était pas assuré. La procédure avait alors révélé que Stéphane Moreau avait signé rapidement après l’incident un contrat antidaté avec Ethias afin de couvrir le sinistre. Bernard Thiry, impliqué dans cette affaire, s’était alors défendu en prétendant qu’il s’agissait là d’une banale décision commerciale…

Finalement blanchi par la justice (par un non-lieu), Bernard Thiry sera tout de même renvoyé par le conseil d’administration d’Ethias, mais pour d’autres raisons.

Au-delà de ces affaires, il est intéressant de constater que NRB, la société autrefois présidée par Bernard Thiry, est aujourd’hui candidat acquéreur de Win, une société informatique stratégique qui gère le stockage des données et qui possède le Wallonie Data Center, ce qui ne manquera pas de semer davantage le doute quant à son indépendance totale. En plus de cela, son expérience dans le monde des assurances à la tête de Nethys peut nous interroger quant à un appétit potentiel de sa part pour Intégrale, filiale de Nethys traitant des assurances…

Quel CA pour Nethys ?

Tout cela n’est guère rassurant concernant la suite des choses. En nommant le même genre de personnes que Stéphane Moreau ou François Fornieri à la tête de Nethys, le gouvernement ne tire pas les leçons du passé. Ce sont des choix qui nous interrogent sur les intentions de la majorité MR-PS-Ecolo. Prévoit-on la vente et la privatisation des composantes de Nethys ? Le gouvernement persiste dans sa vision de la gestion des services publics : soit on les gère comme du privé (à la sauce Moreau), soit on les laisse partir dans le privé.

Dans tous les cas, ce sont les travailleurs qui vont en pâtir. Avec le PTB, nous nous opposons fermement à la privatisation de VOO, Win et Elicio. Nous voulons garder ces entreprises dans le giron public. VOO doit nous permettre d’assurer un service universel pour l’accès à internet, Win doit aider nos institutions publiques à offrir les meilleurs services informatiques possibles à nos citoyens et être garante du bon usage de nos données tandis qu’Elicio, en tant que joyau de technologie verte, doit nous assister dans la transition écologique et la production d’énergie bon marché. Or, pour cela, ces entreprises doivent rester libres du carcan de la course au profit.

Le PTB défend une gestion démocratique et transparente des entreprises publiques dans l'intérêt des travailleurs. Nous voulons un conseil d’administration composé de représentants de la population, des travailleurs, de la société civile et des associations de défense des droits des consommateurs, et pas de représentants du capitalisme. Nous continuerons donc à taper sur la table et à mobiliser les gens pour protéger ces bien publics.