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Le verdict est tombé : la solidarité n'est pas un crime

Il y a trois ans et demi, l’État a poursuivi quatre personnes qui avaient hébergé des migrants ainsi que les migrants eux-mêmes. Les hébergeurs ont été accusés de trafic d’être humains. Ce mercredi, leur acquittement a été confirmé. Quant aux migrants, la Cour a réduit leur peine à des sanctions minimales et du sursis. Elle a également parlé de « non-sens » concernant certaines poursuites. Il s’agit d’un jugement très important pour les mouvements de solidarité en Belgique, une victoire obtenue grâce à une impressionnante mobilisation citoyenne.

Vendredi 28 mai 2021

Zakia est l’une des victimes de ce qu’on appellera « le procès de la solidarité ». Le 20 octobre 2017, sa vie bascule dans la terreur. A 5 heures du matin, la police frappe. Elle est menottée sous les yeux de son enfant, emmenée manu militari, interrogée pendant des heures, puis détenue « préventivement »... pendant deux mois. Son crime ? Avoir hébergé et aidé des réfugiés. Elle risque des années de prison. Alors qu’elle est belge, qu’elle vit à Bruxelles avec son enfant, qu’elle travaille en tant qu’assistante sociale, la justice considère qu’elle présente un risque de fuite, au vu sa double nationalité.

Même cas de figure pour Walid, traité de manière encore plus dure : il est enfermé « préventivement » pendant huit mois. Myriam et Anouk, deux journalistes, échappent à la détention, mais doivent aussi endurer le calvaire social et psychologique de trois longues années de poursuites et d’acharnement judiciaire.

À leurs côtés sur le banc des accusés, il y avait Alaa, Hassan, Hussein, Mahmoud, Mohammad, Mustapha et Youssef. Des migrants qui, eux, ont été enfermés pendant bien plus longtemps encore. La Cour a estimé que certains d’entre eux avaient commis des infractions en participant au business des passeurs. Mais ce n’était que dans le but de pouvoir financer leur propre passage. Et surtout, la Cour a reconnu qu’ils étaient aussi victimes du réseau de trafic ainsi que des politiques migratoires très restrictives qui entravent les droits à l’exil.

Le jugement de la cour d’appel n’est pas seulement important pour les victimes et leurs avocats engagés. Il l’est aussi pour les mouvements citoyens comme Solidarity is not a crime ou la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés qui se sont battus et mobilisés pour obtenir cette victoire. Héberger des migrants et faire preuve de solidarité n’est pas un délit. Migrer non plus. Les victimes ont maintenant l’occasion de se reconstruire et le mouvement de solidarité pourra se concentrer sur de nouveaux combats.

Un procès politique et une enquête menée à charge

L’avocat d’une des inculpés, Maître Alexis Deswaef, a déclaré dans la presse : « Je comprends qu’on parle de procès politique, parce qu’influencés par un discours du ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, du secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Theo Francken, qui criminalise les migrants, les hébergeurs citoyens solidaires, des procureurs zélés, le doigt sur la couture du pantalon, s’estiment devoir donner suite à cela par des poursuites téméraires et vexatoires. »

Les faits parlent d’eux mêmes. Zakia a été arrêtée avec un renfort de moyens absolument démesurés et non nécessaires. Sa détention « en préventive » ainsi que celle de Walid pendant de longs mois n’est pas plus justifiée. Le parquet essayera même de mettre en doute la validité du titre de séjour de Walid, alors qu'il habite à Bruxelles depuis plus de 15 ans. Au terme de l'enquête, l’inspectrice dira à Zakia : « Bon vent, mais que je ne vous surprenne pas à participer à une manifestation contre Theo Francken. » Une menace à peine voilée et qui porte atteinte à la liberté d'opinion et de manifestation.

Lors du procès en première instance, le parquet demande lui-même l'acquittement d'Anouk. Le tribunal décidera d’acquitter les quatre hébergeurs. Pourtant, coup de théâtre : le dernier jour du délai, le parquet décide de quand même aller en appel de la décision, envers et contre tout. Lors de la première séance du procès en appel, nouveau coup de théâtre : le Procureur général annonce en audience qu'il demande la confirmation des acquittements d'Anouk et de Walid. Il est pourtant interdit de demander en appel le même verdict qui a déjà été donné lors du premier procès. Un acharnement absurde que la Cour d’appel qualifiera elle-même de « non-sens ».

D’autres procès similaires ont toujours lieu actuellement mais sont moins connus. Les avocats et les associations qui défendent les droits démocratiques dénoncent qu’à travers ces différents procès, la justice est administrée de manière grossière. Les éléments censés attester de l'infraction de traite (notamment le but de lucre) sont considérés comme réunis a priori, sans preuve. La complexité et la lourdeur des dossiers (des heures d'écoutes et de traduction, entre autres) font que de nombreuses personnes ne peuvent pas se défendre correctement. Avec des conséquences dramatiques sur leurs vies, comme de la prison, des déportations, des amendes colossales, etc.

Dans un contexte de ressources judiciaires limitées, consacrer autant de moyens, vu les infractions dont il est question dans ces procès et ces enquêtes concernant de simples migrants, est un énorme gaspillage. Ces priorités sont tout à fait critiquables au regard du manque de moyens mis pour lutter contre les violences faites aux femmes, la criminalité organisée ou la grande fraude fiscale, par exemple, qui ont pourtant de graves conséquences humaines et sociétales.

La violence de l’enquête, de l’enfermement et des procès ont même fini par faire douter Zakia de la légitimité de son action. « Mais alors ils auront gagné », s’est-elle dit. Sa détermination est donc intacte, et elle continue d’encourager la solidarité : « N’ayez pas peur d’être bénévole, d’être un compagnon de la solidarité, d’être hébergeur. Je ne veux pas que les gens, en écoutant notre histoire, prennent peur. Au contraire. Et c’est surtout l’organisation de cette solidarité, de ce volontariat qui compte. C’est notre force. »