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La lutte contre les violences faites aux femmes doit être une priorité politique

Au début du mois d'août, Jurgen D. se rend à la police : il avoue avoir tué Ilse Uyttersprot, ancienne bourgmestre d'Alost, avec qui il avait une liaison. Cette nouvelle fait l’effet d’une bombe. C’est le treizième féminicide cette année en Belgique. 

Jeudi 20 août 2020

Deux jours plus tard, Varduhi Harutyunyan échappe de justesse à la mort. Elle a été poignardée par son ex-partenaire sur le parking de son lieu de travail. Il s’en est fallu de peu pour que cet événement vienne encore allonger la liste des féminicides commis dans notre pays. Deux actes de violence graves contre des femmes en une semaine : c’est inadmissible. De nombreuses personnalités politiques ont exprimé leur soutien aux proches d’Ilse Uyttersprot. Mais il n’y a toujours aucun vrai débat politique sur la manière de lutter contre les violences faites aux femmes. Tant que la politique ne fera pas de ce sujet une priorité, il y aura de nouvelles victimes. 

Appeler le féminicide par son nom

« Un meurtre survenu dans la sphère relationnelle », c'est ainsi que le bourgmestre d'Alost Christoph D'Haese (N-VA) a qualifié les faits. Quant à l'avocate de Jurgen D., elle refuse même de parler d’assassinat, invoquant l’absence de préméditation et le fait que l’homme ait tout à coup « pété les plombs ». Elle essaie même de susciter de la sympathie à l’égard de l'auteur du crime. 

Le Conseil des femmes a très vite appelé un chat un chat : ce meurtre est un féminicide, et c’est le treizième cette année en Belgique. Ce n'est ni un crime passionnel, ni une folie passagère. Il s'agit d'un homme qui a délibérément et violemment assassiné une femme. Si nous voulons prendre le problème au sérieux, nous devons aussi le nommer correctement : il s’agit bien d’un féminicide. Tout autre terme atténue les faits. Une autre victime de Jurgen D. explique d’ailleurs dans les médias : « Le meurtre d'Ilse n’est pas un cas isolé. Ce n’est pas un moment où l’auteur du crime a vu rouge, comme le prétend son avocate. Ça fait vingt ans que ça dure, qu’il maltraite les femmes, en étant parfaitement conscient de ce qu’il fait. Il y a eu quantité de signes avant-coureurs avant le drame. J’en suis profondément convaincue. »

Vingt ans de violence et une issue fatale

En effet, le passé de Jurgen D. révèle une série d'actes de violence et d'intimidation à l'encontre des femmes. Il était connu pour cela. Il était charmant le premier mois, avant de montrer son visage démoniaque. Il a été condamné à deux reprises pour violences conjugales avec, à chaque fois, une peine légère. En 1997, il a été condamné à une amende d'environ 250 euros pour coups et blessures. En 2014, il a été mis à l'épreuve pendant six ans et sommé de suivre une thérapie pour traiter son agressivité, toujours pour coups et blessures, tentatives de strangulation et harcèlement. Tout cela ne l’a pas empêché, pendant vingt ans, de détruire une vie après l'autre sur son chemin. 

Il y a une certaine impunité autour des violences infligées aux femmes. D’une part, très peu de faits parviennent à la police et à la justice. D’autre part, parmi ceux-ci, très peu aboutissent à une condamnation. Lorsqu’une condamnation a lieu, elle est souvent assortie de peines légères. Cela génère un sentiment d'impuissance chez les victimes et d'impunité chez les auteurs. 

Il est donc extrêmement important que le pouvoir judiciaire et la police développent leurs connaissances et leur compréhension de ces questions. L'éducation et la formation jouent un rôle crucial. À cet égard, un grand pas en avant vient d'être fait. Dorénavant, tous les magistrats devront suivre une formation obligatoire sur les violences sexuelles et intrafamiliales : pour mieux accueillir la victime, pour mieux comprendre les situations complexes, ... Mais les forces de police et les autres intervenants d'urgence ont également besoin d'une formation similaire. Enfin, il doit y avoir des personnes spécialisées au sein de la police et du système judiciaire pour traiter de manière adéquate les cas de violence envers les femmes.  

Pour venir à bout du problème, il faut également s’attaquer au risque de récidive. Souvent, les délinquants n’en sont pas à leur coup d’essai. La thérapie de l’agresseur a un rôle à jouer. Il faut toutefois aussi procéder à une bonne analyse des risques propres à l'auteur des faits. Des investissements et des efforts supplémentaires sont nécessaires pour y parvenir. 

Protéger les victimes

Plusieurs femmes qui ont eu la malchance de croiser le chemin de Jurgen D. ont témoigné de leurs expériences. Certaines d'entre elles n'ont pas déposé plainte par crainte de représailles. Cela montre, une fois de plus, que les femmes qui souhaitent chercher et trouver de l'aide rencontrent d’énormes obstacles. La crainte de la réaction de l’auteur des faits en est un. La peur que cela ne fasse qu’aggraver la situation aussi. Mais il y a également la peur de ne pas être crue. Souvent, les victimes ne savent pas à qui s’adresser. Dans le cas de la violence entre partenaires, il faut aussi tenir compte de la complexité de la relation, la victime entretenant souvent un lien émotionnel avec l'auteur des violences. 

Toutes les victimes doivent pouvoir trouver de l’aide facilement. La ligne d'assistance téléphonique 1712 (ligne de contact pour les victimes de violences faites aux femmes) est encore trop peu connue. Par ailleurs, actuellement, la ligne n’est accessible que pendant les heures de bureau. Cela pose problème. Pendant le confinement, le code « masque 19 » a été mis en place avec la collaboration des pharmaciens. Quand une personne prononce ce mot, le pharmacien comprend qu’elle a besoin d'aide et peut l’aider à en trouver. Une initiative positive. 

Les victimes doivent pouvoir raconter leur histoire dans un climat de confiance et de sécurité. Elle doivent pouvoir être écoutées par des gens qui comprennent leur situation. Ici aussi, une bonne formation de tous les intervenants d’urgence, de la police et de la justice est essentielle, afin que l'affaire puisse être suivie avec tout le sérieux qui s’impose. Une femme ne devrait jamais être renvoyée chez elle après quelques mots de réconfort. Or, malheureusement, cela se produit encore. Les centres pluridisciplinaires tels que le Family Justice Center, où on peut trouver toutes les formes d’assistance en un seul endroit, jouent un rôle important dans la lutte contre la violence entre partenaires. Il faut multiplier ce genre d’initative.

Les victimes et les enfants doivent également pouvoir être mis en sécurité rapidement si nécessaire, par exemple, en expulsant l'auteur du domicile conjugal et en lui imposant des mesures d’éloignement. Une alerte de harcèlement peut aussi permettre d’éloigner l'auteur du délit de sa victime. Il faut également beaucoup plus de places dans les centres d'accueil, qui doivent être gratuits et accessibles aux enfants. Actuellement, le nombre de lieux d’accueil de ce genre est insuffisant et les femmes sont souvent contraintes de s’y rendre en laissant leurs enfants derrière elles. 

Un plan d'action est vital 

Le meurtre d'Ilse Uyttersprot montre que les violences faites aux femmes sont une réalité dans toutes les couches de la société. Avec 40 000 déclarations de violences conjugales et 20 000 déclarations de harcèlement chaque année, les chiffres montrent une situation tout sauf exceptionnelle. Du côté des politiques, les réactions se font attendre. Pourtant, les violences à l'égard des femmes ne pourront être enrayées que si on en fait une priorité politique majeure, et en mettant en place un plan d'action coordonné.