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L'échec de la guerre contre la drogue à Anvers

La guerre contre la drogue, annoncée en grande pompe en 2012 par le bourgmestre d'Anvers Bart De Wever (N-VA), est un échec. La quantité de stupéfiants en circulation n'a pas diminué, le trafic et la consommation ont augmenté, les cartels de la drogue sont plus puissants que jamais, les rivalités entre les gangs se sont aggravées... Le politique met exagérément l'accent sur les petits dealers de rue, mais les grands cartels sont toujours bien présents. Ce n'est pas comme ça que nous réglerons le problème. Peter Mertens a souligné l'échec des politiques qui ont mené à cette situation, et exposé les pistes envisagées par le PTB pour lutter contre le crime organisé.Son intervention est à lire ci-dessous.

Lundi 3 octobre 2022

Interpellation de Peter Mertens au conseil communal d'Anvers, le 26 septembre 2022

Le gigantesque modèle de profit que constitue le trafic de drogue est à l'origine de situations catastrophiques. Des attentats à la grenade dans des quartiers populaires, des habitants terrorisés, des dockers sous pression, des gens détruits par la drogue, des adolescents qui se baladent avec des armes lourdes, tandis que les gros poissons ne sont pas inquiétés... Même le ministre de la justice a fait l'objet de menaces.

Comment en est-on arrivé là ? La réponse ne viendra pas seulement d'Anvers ; la guerre de la drogue se joue ici dans un port qui, comme quelqu'un l'a dit, n'est pas seulement un port anversois mais celui de toute l'économie belge.

Pour nous, la lutte contre la drogue repose sur quatre piliers qui doivent être clairement définis : le rôle des services publics ; le principe de « suivre l'argent » ; des équipes de quartier qui sont les « yeux et les oreilles sur le terrain » ; et des investissements dans une approche globale de la prévention.

1. On ne peut plus se le cacher : les services publics ont été anéantis par les coupes budgétaires successives

Tous les services de notre pays font de leur mieux. D'ailleurs, ce qu'ils sont parvenus à réaliser, par exemple grâce à Sky ECC, est extraordinaire. J'ai le plus grand respect à leur égard. Mais en même temps, tous ces services sont au bout du rouleau. Carrément exsangues, en fait. Et c'est là le premier point.

De nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour former un front anversois et exiger du fédéral davantage d'investissements dans les services publics. Un appel que je soutiens à 100 %. Cela fait plus de 20 ans que nous disons que cette austérité dans les services publics va nous revenir en pleine face et c'est ce qu'il se passe aujourd'hui.

Je suis pour qu'Anvers envoie un signal fort, appelant à réinvestir dans le SPF Finances, dans la police judiciaire fédérale, dans les douanes, dans le ministère public. Bien entendu, il s'agit là d'un choix budgétaire. Mais ce choix budgétaire va se rembourser en partie de lui-même. Nous l'avons toujours dit. Si nous ne le faisons pas, cette guerre contre la drogue va nous coûter très cher, et nous aurons toujours un train de retard.

Les faits sont têtus : sous la législature de la Suédoise, le budget de la police judiciaire fédérale a été raboté de 200 millions d'euros. En 2014, la police judiciaire fédérale employait encore 4778 personnes. En 2021, il n'y en avait plus que 4350. Cela fait donc 400 effectifs en moins. Lorsque Jan Jambon est entré en fonction en tant que ministre de l'Intérieur, il a réduit les recrutements au sein de la police fédérale. Sur les 1 400 promis, seuls 800 ont réellement eu lieu. Aujourd'hui, un projet tel que Sky ECC ne pourrait plus être mis en place. Il faut donc renverser la vapeur.

La situation est la même à la douane. Depuis plus de 15 ans, tous les gouvernements successifs n'ont cessé de réduire les moyens et le personnel des douanes. Entre-temps, le nombre de douaniers de première ligne à Anvers a été réduit à 300 à 350 personnes et ce ne sont même pas des ETP. Ils doivent contrôler les trois pauses de travail dans le port, y compris l'aéroport et le centre du diamant.

Ils disent eux-mêmes que cela ne leur permet de contrôler que 1 % des conteneurs. Ils se voient confier de plus en plus de tâches supplémentaires, sans renforts en personnel. Pas un seul employé n'a été embauché dans le cadre de l'application des sanctions contre la Russie. Cette tâche est simplement « intégrée » à la charge de travail du personnel. Là aussi, il faut renverser la vapeur.

Au SPF Finances, on n’entend que ça : presque tous les gouvernements ont réduit ce type de dépenses. Le nombre de contrôleurs est passé de 4314 en 2016 à 3850 en 2022. Ainsi, les moyens consacrés au contrôle fiscal ont tout particulièrement diminué, de sorte qu'il y a moins de contrôleurs fiscaux.

Le ministère public travaille avec une norme de personnel datant de 1953. Il ne peut donc pas se contenter d'élaguer ses priorités ; il doit tailler dans les priorités des priorités.

Tous ces services font un travail exceptionnel. Mais, en vérité, au bout d'un quart de siècle de coupes orchestrées par la Violette, la Suédoise et la Vivaldi, ils sont littéralement exsangues. Depuis des années, tous ces partis politiques n'ont que des slogans à la mode à la bouche : « élaguer pour mieux grandir », « vivre selon ses moyens », « supprimer le superflu », « réduire les dépenses publiques ». Cette politique d'austérité est un échec.

Et le fait qu'Anvers vienne aujourd'hui taper du poing sur la table pour exiger plus d'investissements est aussi le symbole de cet échec. 

2. Suivez l'argent

Ce n'est pas la contrebande, l'alcool frelaté ou les drogues qui ont mené Al Capone en prison, mais bien sa déclaration d'impôts.

Nous devons donc pouvoir consulter ces déclarations. On estime à 40 milliards d'euros le montant du chiffre d'affaires annuel que représentent les drogues qui entrent via le port d'Anvers.

Des sommes pareilles doivent être traçables. Il faut suivre l'argent. Et donc, pour améliorer la lutte contre la mafia de la drogue, nous devrions insister, à partir d'Anvers, pour que les mouvements d'argents soient exposés et, dès lors, pour la levée du secret bancaire.

Je n'en reviens pas que des politiques disent qu'il faut suivre l'argent, et votent ensuite au niveau européen ou fédéral contre toute initiative visant à lever le secret bancaire. La Belgique reste encore à cet égard une exception en Europe, ce qui facilite la tâche des gangs de trafiquants de drogue.

« Nous devons être en mesure d'agir plus rapidement, sans devoir passer par la procédure lourde qui est actuellement en vigueur. En effet, il faut d'abord demander des informations auprès du contribuable, puis attendre de constater que le contribuable ne coopère pas. Ce n'est qu'alors que l'on peut aller demander des informations à la banque. Nous devons être en mesure d'être plus réactifs ».
C'est ce qu'affirme le haut responsable de l'inspection spéciale des impôts. Et il a raison.

Nous devons frapper les criminels là où ça fait mal : dans leur portefeuille. Si le secret bancaire est levé, les banques vont être tenues de divulguer aux autorités fiscales le solde et une synthèse annuelle des transactions de tous les comptes bancaires, comptes individuels, comptes de filiales à l'étranger, etc. Les banques seront aussi obligées de répondre aux demandes de renseignements des autorités fiscales.

3. Des équipes dans les quartiers : des yeux et des oreilles sur le terrain

Selon le criminologue Jelle Janssens, l'agent de quartier n'est pas la solution à la violence liée à la drogue à Anvers, mais il constitue une pierre angulaire du maintien de l'ordre. Les équipes de quartier ne vont pas empêcher les attentats à la grenade, mais elles sont des oreilles et des yeux sur le terrain. Mes respects à toutes ces équipes de quartier qui travaillent sur le terrain. J'entends toutefois que ces travailleurs se voient attribuer beaucoup de tâches de back-office, qu'ils doivent gérer les rendez-vous, effectuer certaines tâches d'accueil.

Pour moi, toutes ces tâches sont importantes et doivent être assurées. Au niveau central lorsque c'est nécessaire, en décentralisant lorsque c'est possible. Il n'y a rien de mal à la centralisation, bien au contraire. Mais il n'y a rien de mal non plus à investir réellement dans des équipes de quartier qui connaissent le quartier et sont en même temps des interlocuteurs pour les gens.

Les quartiers populaires sont également victimes de cette guerre de la drogue. On a beaucoup évoqué ici l'approche adoptée à Rotterdam, surtout son volet répressif. Mais on n'entend pas beaucoup parler de l'autre volet : le bourgmestre qui se rend chaque semaine dans ces quartiers et discute avec les gens. Qui leur demande de quoi ils ont besoin, comment le gouvernement peut les aider, quelle est, selon eux, la chose la plus importante à faire. « Cette forme de la police de proximité garantit un soutien beaucoup plus important aux interventions de la police », souligne le professeur Paoli, qui conclut : « on obtient de bien meilleurs résultats avec une police de proximité, combinée à une police axée sur le renseignement, où les enquêteurs travaillent avec des informateurs et des informations qu'ils recueillent dans ces quartiers en étant proches des gens. Plusieurs exemples de l’étranger, notamment celui de Rotterdam, le prouvent. »

4. Investir dans une approche globale de la prévention

Enfin, il y a aussi la question de la prévention. Tous les acteurs s'accordent à dire que la lutte contre la drogue et la violence qui y est liée nécessite une approche globale en la matière, et notamment par rapport au tissu social. Le nombre de jeunes qui grandissent dans une famille en situation de pauvreté est très élevé, et ne va faire que s'accroître dans le contexte de crise de l'énergie que nous connaissons actuellement. De très nombreux jeunes quittent l'école sans diplôme. Pendant ce temps, on continue de sabrer dans les budgets. Cet automne, 20 ETP devraient venir renforcer les équipes de l'association de jeunesse Kras, qui est désormais spécialisée pour rendre à ces jeunes une place à part entière dans la société.

Des jeunes continueront de céder aux sirènes de la criminalité, c'est vrai, mais il n'en reste pas moins que nous devons nous battre pour l'avenir de chaque jeune de notre ville. Amsterdam va demander 2,3 milliards d'euros supplémentaires pour un enseignement sur mesure, pour améliorer la sécurité, pour multiplier les installations sportives, les maisons des jeunes, mais aussi pour désendetter les ménages en difficulté et améliorer l'accompagnement en matière d'emploi. Pourquoi Amsterdam fait-elle cela ? Parce qu'elle veut se battre pour chaque jeune. Nous devons faire de même.