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Gratuité scolaire : le PTB interpelle l’Onu pour faire supprimer la « taxe tartine »

Payer pour pouvoir manger ses tartines à l’école. La « taxe tartine » (appelée aussi « droit de chaise ») existe dans de nombreuses écoles. Quand on sait qu’une famille sur quatre a des difficultés à faire face aux frais scolaires, il est clair que cette taxe doit disparaître. Face à l’immobilisme de la ministre de l’Enseignement, le PTB a écrit au Comité international des droits de l’enfant de l’Onu pour lui demander d’intervenir. Voici cette lettre.

Mardi 3 septembre 2019

La «taxe tartine» (appelée aussi « droit de chaise ») s’ajoute aux frais scolaires dans 20 % des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Quand on sait que près d’une famille sur quatre (23%) a des difficultés à faire face aux frais scolaires – fournitures, activités pédagogiques, garderies - et doit faire appel à la famille proche pour s’en sortir financièrement*, il est évident que cette taxe tartine doit disparaître.

Parents et associations la dénoncent depuis plusieurs années. Mais rien ne bouge du côté de la ministre de l’Enseignement et du gouvernement de la FWB. C’est pourquoi le PTB a écrit au Comité international des droits de l’enfant, créé par les Nations Unies voici exactement 30 ans, pour lui demander d’intervenir.

* Étude de la Ligue des familles, réalisée en 2016-2017

Téléchargez la lettre en PDF.

Comité international des droits de l’enfant
UNOG-OHCHR
CH-1211 Genève 10
Suisse

Mesdames, Messieurs,

Nous sollicitons votre intervention pour faire supprimer en Communauté française de Belgique (la partie du pays de langue française) une taxe qui viole le droit des enfants à la gratuité scolaire et va parfois jusqu’à menacer leur bien-être.

A Bruxelles, plus d’un enfant sur deux doit payer une « taxe tartine » pour pouvoir s’asseoir à midi afin de manger le repas qu’il a amené de la maison (souvent des tartines, d’où ce nom de « taxe tartines »). Dans les autres provinces, cela varie de 5 % des enfants en région liégeoise, à 20 % en Brabant wallon. En moyenne, dans toute la communauté française, 20 % des enfants doivent payer pour pouvoir s’asseoir et manger leurs tartines.1

Maria élève seule ses deux enfants, à Bruxelles. Ils fréquentent une école communale. « Pour ne pas avoir une facture trop élevée, j’essaye de mettre mes enfants le moins possible à la garderie, mais avec le travail, ce n’est pas évident. Les grands-parents aident aussi de temps en temps. Malgré cela, certains mois la facture arrive à 80 euros pour les deux. Ça pèse beaucoup sur le budget. Ce que je trouve le plus choquant, c’est qu’on me demande de payer (1 euro/jour) pour la surveillance du repas que je prépare moi-même, car le repas chaud est beaucoup trop cher. Mais je ne vois pas comment je pourrais venir chercher mes enfants en pleine journée ! »

Un directeur d’école confie : « Pour le temps de midi, je reçois de la Communauté française de quoi payer 4 personnes une heure par jour (contrat ALE). Or, j’emploie 8 personnes pour 2h chacune, puisqu’elles distribuent la soupe en maternelle à partir de 11h45, elles surveillent le repas, nettoient le réfectoire et surveillent les enfants qui jouent dans la cour jusque 13h35. J’ai donc besoin de 16 périodes ALE par jour, un chèque ALE valant 6 euros, mon budget est de 96 euros par jour. Ce que je reçois couvre à peine 1/4 des frais totaux. C’est peanuts, c’est ridicule. L’école demande aux familles 0,8 euro par jour, et je prends le reste dans le budget de fonctionnement de l’école. »

En plus, il arrive de plus en plus souvent que des enfants soient punis, sanctionnés, humiliés à l’école parce que leurs parents n’ont pas payé les frais scolaires. Le délégué général aux droits de l’enfant reçoit de nombreuses plaintes qui témoignent de situations douloureuses pour les élèves liées aux relations difficiles que leurs parents entretiennent avec les autorités scolaires pour des raisons financières. Par exemple, des enfants sont obligés de s’asseoir par terre ou de manger debout dans la cour parce que leurs parents n’ont pas payé. Ou la direction interdit aux enseignants de remettre le bulletin aux enfants dont les parents n’ont pas payé les notes de frais scolaires 2. Cela a bien sûr des répercussions sur la façon dont ils vivent leur scolarité.

La grande arnaque

Au lieu de chercher comment avoir plus de moyens, le gouvernement a cherché une façon de contourner la règle qui veut que l’école soit gratuite. Il a interprété la loi en disant que la gratuité n’est de mise que pendant les périodes où l’enfant doit obligatoirement être présent à l’école 3. Pour lui, le temps de midi n’en fait pas partie et donc échappe aux directives sur la gratuité.

Pour la Fapeo (association de parents), cela reflète une conception d’un autre âge. La législation remonte à l’époque où les femmes ne travaillaient pas et reprenaient leur enfant à midi. Axel Bernard, conseiller communal PTB à Schaerbeek a constaté il y a deux ans que des parents incapables de payer la taxe tartine venaient rechercher leur enfant à midi et étaient ainsi empêchés de travailler, suivre une formation ou chercher du travail. Ce qui accentue encore les inégalités et la précarité, surtout pour les femmes.

Le délégué général aux droits de l’enfant remarque dans son memorandum pour 2019 : «pour que la gratuité soit une réalité, il convient que le temps scolaire couvre l’entièreté du temps passé à l’école, en lien avec un continuum éducatif cohérent et une école-lieu de vie pour l’élève ».

Pour toutes ces raisons, nous estimons que la taxe tartine viole clairement :

  • la Convention internationale des droits de l’enfant - Article 28 « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation (…) ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous » et Article 2 « Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant (...) sans distinction aucune, indépendamment (…) de leur situation de fortune (…).

  • la Constitution belge - Article 24. - § 3 « Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire. » et Article 22bis « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle. (…) Dans toute décision qui le concerne, l’intérêt de l’enfant est pris en considération de manière primordiale »

Le temps de midi est du temps scolaire et doit être gratuit.

Aujourd’hui, pratiquement tous les enfants dînent à l’école et il faut les encadrer correctement. Actuellement, la norme d’encadrement pour le midi est d’une personne pour 99 enfants. Le ministère verse aux écoles qui en font la demande de quoi payer à peu près 6 euros de l’heure. Si la subvention du ministère ne suffit pas, les directions sont obligées d’engager du personnel à leurs frais et répercutent une partie de ce coût sur les parents. Cela doit cesser, la taxe tartine doit disparaître.

Nous voulons appuyer le délégué général aux droits de l’enfant quand il demande que la totalité du temps passé à l’école soit considéré comme du temps scolaire, ce qui impliquerait de facto la révision de tous ces frais qui tendent à accentuer les inégalités sociales. « La priorité absolue est de tenir l’enfant à l’écart de ces considérations financières, pour qu’elles ne puissent pas entraver sa relation à l’école ni son bien-être global. »

Coût : 28,5 millions

Certains disent qu’il n’est pas raisonnable de réclamer la gratuité effective dans un contexte de crise et de politique d’austérité. Ils se trompent. Comme le dit la Ligue des familles, « quand de plus en plus de familles sont touchées par la crise et l’austérité, le gouvernement doit respecter l’engagement démocratique et le droit à l’éducation pour tous. »

Sur base d’un coût estimé à 55 euros par enfant et par an, la Communauté française devrait débourser 28,5 millions (0,4 % du budget total de l’enseignement qui est de 7,2 milliards) pour rendre le temps de midi gratuit pour tous les enfants des écoles primaires et maternelles 4. Cela couvre les frais de personnel (surveillance et entretien) et autres (chauffage, énergie,...).

Où trouver cet argent ? Là où il est. La taxe des millionnaires proposée par le PTB et l’arrêt des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises permettraient d’ajouter 1,6 milliard au budget actuel de l’enseignement.

Ainsi l’enseignement pourra être gratuit, du maternel au secondaire. Selon nous, la gratuité doit comprendre le matériel de cours, les différentes activités, les garderies avant/après les heures de classe et pendant le temps de midi. Et la « taxe tartine » sera supprimée.

Mais pour cela il faut de la volonté politique.

Nous vous demandons dès lors d’intervenir auprès du gouvernement de la Communauté française de Belgique et de lui rappeler ses obligations afin d’organiser enfin la gratuité de l’enseignement pour tous les enfants. Nous demandons à être entendus afin de vous exposer tous nos arguments plus en détails et avec des témoins directement atteints dans leur quotidien par la non-gratuité de l’enseignement En attendant votre réponse, nous ne manquerons pas d’interpeller la ministre Marie-Martine Schyns en charge de l’enseignement, lors de la toute proche rentrée parlementaire.

Nous vous adressons, Mesdames et Messieurs du Comité international des Droits de l’Enfant, nos meilleures salutations.

Pour le PTB,

Germain Mugemangango
Porte-parole du PTB
Bd M. Lemonnier 171
1000 Bruxelles - Belgique


1 Étude de la Ligue des familles, citée par la RTBF La Première, le 24 août 2017

2 Rapport 2017-2018 du DGDE sur www.dgde.cfwb.be

3 Dernière interprétation en date du 13/8/2019, la Circulaire 7265

4 172 646 efts en maternelle, 325 007 en primaire et 19 500 dans le spécialisé. Chiffres de l’administration de l’enseignement, publiés par SudPresse le 27 août 2019.