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Grève des écoles : plus de 10 000 dans la rue ! Quelles suites, maintenant ?

Surcharge de travail, manque de personnel et de moyens, besoin de respect, impossibilité de faire son métier, réformes qui se multiplient, inquiétudes pour les élèves… Les raisons de la grève des travailleuses et travailleurs des écoles étaient nombreuses le 10 février dernier.

Mardi 22 février 2022

Grève des écoles : plus de 10 000 dans la rue ! Quelles suites, maintenant ?

Ce 10 février, les syndicats avaient appelé tous les personnels des écoles à manifester. Une première depuis 11 ans. Et le succès était au rendez-vous. Selon Joseph Thonon, Président de la CGSP Enseignement : « C’était inespéré, on comptait sur 5 000 et on a eu 10 000 personnes, ça montre que l’exaspération est bien présente dans le monde de l’enseignement. » Son homologue de la CSC Enseignement, Roland Lahaye, le rejoint : « La manifestation a été un grand succès. Ça montre qu’il y a un grand malaise, qu’il est profond. On avertit le politique depuis longtemps, mais je n’ai pas l’impression qu’on nous croyait. Là, la démonstration est faite. »

Les raisons de la grève

« On nous demande toujours d’en faire plus avec moins de moyens. » Ce témoignage de Sarah, enseignante en secondaire, qui rappelle ce qu’on entend dans les autres services publics, résume les raisons de la grève de jeudi.

En effet, les choix politiques des différents gouvernements depuis 40 ans ont sans cesse réduit le financement. Résultat de cette austérité : manque de personnel et de moyens. Julien, instituteur primaire : « On nous dit qu'on doit prendre en compte les difficultés de tous les élèves. Et je trouve ça très bien. Mais comment je fais quand j’ai 25 ou 30 élèves devant moi ? Je voudrais bien les aider tous, mais ce n’est pas possible humainement ! »

D’autre part, les effets négatifs du Pacte pour un Enseignement d’Excellence se font concrètement ressentir : une des réformes qui concentre les mécontentements est le « Plan de pilotage » (un contrat qui fixe les objectifs que les écoles se donnent). Pourquoi pose-t-il problème ? Parce que, si une école n’atteint pas ses objectifs, la responsabilité retombe sur les enseignants. Témoignage de Nathalie, prof du secondaire : « Les résultats en math de mes élèves n’étaient pas bons l’année dernière. Du coup, on nous a dit que c’était de notre faute et on nous a sommés de trouver une solution. Mais on ne nous donne aucun moyen. Qu’est-ce qu’on doit faire, alors ? » D’autres décrets sont prévus dans les prochains mois et les enseignant.es redoutent que leur charge de travail s’alourdisse, en particulier dans les tâches administratives.

Si les conditions de travail sont de plus en plus difficiles pour les profs, les chiffres sont aussi très inquiétants du côté des élèves, dans la mesure où de plus en plus de jeunes quittent l’école sans diplôme. « En défendant nos conditions de travail, nous voulons aussi défendre la réussite de tous les élèves. Et se battre pour leur instruction et pour une école égalitaire, c’est un enjeu de société ! », nous dit encore Myriam.

Des collègues flamands étaient présents aussi. « Cela fait chaud au cœur de voir leur présence, surtout que les problématiques et les préoccupations sont communes : ils revendiquent "meer handen", plus de mains, pour pouvoir s'occuper au mieux de chaque élève », relaye Grégory, professeur en secondaire.

Des solutions dans l’immédiat et pour les mois à venir

Le PTB était bien entendu présent auprès des manifestants. Elisa Groppi, députée au Parlement de la Communauté française : « Nous avons déjà demandé que l'aide dégagée sous forme d'encadrement Covid devienne structurelle car elle est nécessaire à long terme. Les effets de la crise ne vont pas s'estomper dans quelques mois. » La députée poursuit : « Comme le demandent les syndicats, il faudra travailler sur la stabilité d'emploi en début de carrière : nous proposons un emploi et un salaire garanti pendant un an afin d'effectuer des remplacements dans une zone géographique limitée, et ne pas se retrouver au chômage tous les deux mois. Bien sûr, le jeune prof pourra garder avec lui cette ancienneté d'un an quand il s'installera dans une école, et ce, quel que soit le réseau. »

Mais il faudra aussi mettre sur pied un plan pour diminuer la taille des classes. C'est impensable aujourd'hui d'espérer enseigner à lire et à écrire à des groupes de 28 enfants !

Enfin, un aspect qui touche beaucoup les enseignants, les éducateurs, le personnel ouvrier et administratif, ce sont les fins de carrière : « C'est impossible, dit Nicolas, 44 ans, que je me retrouve à enseigner encore pendant 23 ans. Si je n'ai pas la possibilité d'alléger ma fin de carrière, je quitterai le métier ». Sa collègue Corinne : « J'adore le cadre dans lequel je travaille, mais impossible de continuer à nettoyer des classes au-delà de mes 60 ans ! »

Pour le PTB, c'est clair : la fin de carrière doit être allégée, les possibilités de départ anticipé doivent être maintenues et la pension doit être accessible à tous dès 60 ans.

Comment va-t-on financer tout ça ? Quand on voit qu'un seul des avions de combat que l'État belge a achetés permettrait d'engager 1800 enseignants, on estime que d'autres choix politiques sont à faire.

Et qu’en dit la ministre ?

Le jour de la manifestation, une délégation syndicale a donc rencontré la ministre Caroline Désir (PS), qui a reconnu entre les lignes qu’elle ne changera pas fondamentalement de cap : elle annonce une revalorisation de la prime de fin d’année, qui devrait s’élever entre 25 et 30 euros bruts par an jusqu’en 2024. Comment cette annonce est-elle reçue par les syndicats ? Roland Lahaye (CSC Enseignement) : « Les réponses de la ministre ne sont pas à la hauteur de ce mal-être. On ne reçoit aucune réponse sur la pénurie qui risque de s’aggraver dans les années à venir, ce qui ne peut que renforcer les inégalités. 32 petits millions à mettre sur la table. C’est beaucoup trop peu pour répondre aux attentes. »

Quant aux réformes, la ministre prévoit le report d’un an de quelques décrets, ce qui ne fait que déplacer le problème. Par contre, elle veut faire aboutir un décret très décrié, que les syndicats appellent « l’evaluation-sanction ». Ce dernier ouvrira la possibilité de sanctionner les enseignants qui n’atteignent pas les objectifs, en prévoyant même le licenciement.

Ces déclarations montrent clairement que la ministre souhaite appliquer son plan sans écouter les professionel.les de l’enseignement. Les manifestants réclament clairement des moyens supplémentaires, notamment en personnel, et l’arrêt des réformes. En maintenant son décret « évaluation-sanction » et en avançant continuellement les contraintes budgétaires pour refuser l’idée de nouveaux investissements, Caroline Désir fait la sourde oreille.

Y aura-t-il une suite ?

Joseph Thonon (CGSP) est clair : « On ne laissera pas l’action du 10 février sans une réponse : soit elle sera constructive de la part du gouvernement avec des propositions qui nous satisfont, soit elle sera suivie par une série d'actions du front commun syndical si on n’est pas satisfaits des réponses. »

Selon Roland Lahaye (CSC), « le mouvement va continuer. On ne peut pas en rester là et il faut battre le fer tant qu’il est chaud. On a prévu un rendez-vous cette semaine avec le front commun pour planifier ensemble la suite des actions ».