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Discussions PS-PTB en Wallonie : ce qu'il s’est réellement passé

Comment expliquer le départ de Peter Mertens, Raoul Hedebouw et Germain Mugemangango, les négociateurs du PTB à la Région wallonne, après deux rencontres avec le PS ? Zéro confiance avec le partenaire, zéro remise en cause du passé, zéro rupture avec la politique actuelle. Le PS n’ayant rien fait de sérieux pour que cela réussisse. Ce que nous regrettons évidemment. Nous avons retracé les différentes étapes de cette « mauvaise pièce de théâtre », vue de l’intérieur, pour que chacun puisse juger sur pièce.

Mercredi 12 juin 2019

« Nous n’avons d’abord jamais senti une volonté de construire une quelconque confiance, affirme Raoul Hedebouw. Sans aucun contact entre les discussions officielles, pourtant indispensable si on veut se donner les moyens de réussir. Notre sentiment est que le PS voulait nous utiliser et nous sortir du tiroir alors qu’il avait déjà la tête ailleurs avec un autre partenaire, le MR, avec qui il va finir par négocier. Nous n’avons pas voulu jouer à ce jeu de dupes. »

« Nous ne pouvons que regretter ce qui s’est passé, qu’il n’y ait pas eu de remise en cause de ce qui a été fait dans le récent passé, ni une quelconque volonté de sortir du cadre actuel, du carcan de l’Union européenne, ce qui est pourtant indispensable pour mener une politique réellement de gauche », ajoute Germain Mugemangango.

« On a eu l’impression d’être baladés, précise Raoul Hedebouw. Ils nous disaient oui… pour la forme, mais non dans le fond. Logements sociaux ? "C’est pour dans cinq ans". La Wallonie, championne de la chasse aux chômeurs ? "On ne savait pas". Les PPP (partenariats-publics-privé) ? "Vous avez raison, ce n’est pas bien, mais on en fait." Ce n’était vraiment pas sérieux et, croyez-nous, ce qui se passe dans les réunions est très différent de ce qu’ils racontent devant les caméras. Nous voulions négocier pour une vraie rupture. Nous n’avons pas été élus pour servir de bouche-trou parce que le cdH ne veut pas monter dans un gouvernement. Bien sûr, nous voulons une politique de gauche, et nous voulons la construire avec d'autres forces à gauche. Nous ne pouvons que regretter ce qui s’est passé. »

Retour sur ce qui s’est passé avant et pendant les discussions.

Zéro confiance

Pour réussir ce genre de discussions, un minimum de confiance est indispensable. On pourrait remonter à novembre 2018, quand Elio Di Rupo affirmait de manière arrogante que « le PTB ne sert à rien » et que Paul Magnette annonçait : « Si le PTB arrive en majorité absolue, je déménage. » Ou même il y a un peu plus de trois semaines, quand Elio Di Rupo affirmait : « Voter pour le PTB, c’est voter pour la droite. Ce sont des voix perdues qui n’iront pas au PS, et qui affaiblissent la gauche dans le rapport de force gauche-droite .

Mais « c'était la campagne », diront certains. Alors regardons ce qui s’est passé à partir du 26 mai au soir. Dès que les résultats sont tombés, Elio Di Rupo affirme sans complexe que le PS a gagné les élections, puisqu'il est resté le premier parti, atteignant pourtant son plus bas score depuis 100 ans avec un quart des votes en Wallonie.

Le 27 mai, interrogé au JT de RTL, il affirme que tous les partis perdent « sauf Ecolo », oubliant l'autre vainqueur des élections, le PTB, qui passe pourtant de 5 à 14 % des votes. Il passe en studio à côté de Peter Mertens, président du PTB, sans lui adresser la parole, ni même le saluer. Le même soir, à la RTBF, Di Rupo affirme qu'il n'envisage pas forcément les gouvernements les plus à gauche possible : « Non, je n’ai pas dit ça comme ça (durant la campagne). J’ai dit que je voulais des gouvernements avec un programme le plus progressiste possible. » C'est le froid polaire pour une coalition des gauches.

Loin de lui l'idée de former un gouvernement PS-PTB-Ecolo. Les pistes d'une coalition avec le cdH, et même avec le MR, sont explorées. Aucun contact même informel n'est établi de la part du PS avec le PTB ou un de ses responsables. Rien. Nada.

Finalement, le 3 juin, Elio Di Rupo reçoit le PTB avec Paul Magnette pour une prise de contact. Le PS parcourt une série de points de programme du PTB. « Il faudra voir aussi quelles sont les priorités budgétaires, car les moyens de la Wallonie ne sont pas infinis », prévient Di Rupo. En filigrane, l’argument du « réalisme » pointe déjà. Un pôle public d’énergie n’est pour eux pas une bonne idée. La gratuité des TEC semble impayable à leurs yeux. La construction de logements sociaux ne pourra probablement pas se faire avant plusieurs législatures, affirment-ils. Sur la forme, il n’y a de « non » à rien, mais, sur le fond, le ton est donné.

Le 5 juin, le cdH décide de se retirer de toutes les négociations. Nous sommes 12 jours après les élections. Le même soir, interrogée dans l’émission « A votre Avis » sur les futures coalitions, la députée wallonne Ecolo Hélène Ryckmans refuse de choisir entre une coalition avec le PTB ou avec le MR. Ecolo ne prend toujours pas position sur une préférence entre une coalition de gauche ou de droite.

Le 6 juin, les informateurs Reynders et Vande Lanotte font rapport au Roi sans avoir consulté le PTB. La réaction du PTB ne se fait pas attendre : « Il n’y a aucune remise en cause des partis traditionnels dans le cadre de cette élection. On discute, on s’informe, on négocie mais on n’a rien envie de remettre en question malgré le signal de l’électeur le 26 mai. C’est alarmant, mais cela démontre que le consensus mou entre les partis traditionnels perdure. » Or tous les partis traditionnels contactés ont simplement dit aux informateurs qu'ils ne voyaient pas le PTB comme partenaire possible. Y compris donc le PS et Ecolo, qui ne voient pas la gauche authentique comme un allié potentiel important au niveau fédéral. Ils se sont tus. Pourtant, les décisions prises au niveau fédéral sont essentielles pour les pensions, le climat, le pouvoir d’achat des citoyens, mais aussi pour le financement des Régions. On l’a vu sous le précédent gouvernement : le dernier tax shift décidé au fédéral a coûté 250 millions d'euros à la Région wallonne.

La direction du PS a besoin d'une « histoire » pour justifier sa future alliance avec le MR

Finalement, le 7 juin, nous recevons une invitation pour nous rendre le mardi 11 juin à 11h pour une deuxième rencontre avec Elio Di Rupo et Paul Magnette. Le rendez-vous est donc fixé exactement deux heures avant la prestation de serment des députés au Parlement wallon et, précise notre contact au PS, pour une « discussion d'une heure ». C'est le seul contact que nous avons avec le PS depuis le 3 juin. Pendant ce temps-là, dans la presse, le scénario d'une alliance du PS avec le MR circule. Le 11 juin, on peut lire dans le Soir : « Comme le souligne un observateur de la scène politique wallonne, "avant d’arriver à une coalition PS-MR, le PS doit d’abord écrire une histoire". Et celle-ci passe de toute évidence par une mise sous pression maximale du PTB. ». Le chroniqueur politique Bertrand Henne (La Première) partage ce scepticisme : « Un signal, il n’y a quasiment eu aucun contact bilatéral entre les pontes du PTB et les pontes du PS, pas beaucoup plus entre les dirigeants d’Ecolo et ceux du PTB. Du coup, côté communiste, on a plus que l’impression de se retrouver à un dîner de cons. Un dîner où PS et Ecolo attendent en réalité que le PTB se vautre, s’auto-exclue (…). Puisqu’ils pensent cela, PS et Ecolo doivent juste faire semblant qu’ils font tout pour réaliser une majorité “rouge vif” ».

Et puis ce mardi 11 juin, à 11h, le PS, par la voix de Magnette, annonce pour la première fois sa volonté d'entamer des sérieuses discussions avec le PTB, puisque « depuis le retrait du cdH (sic), c'est la coalition la plus progressiste possible ». Bref, on sort tout d'un coup le PTB du tiroir dans lequel on l’avait enfermé.

Bref, une déclaration de séduction soudaine, trop facile, superficielle et pas sérieuse. Sans aucun contact préalable, Magnette annonce aussi la possibilité d’un scénario improbable à la portugaise (voir cadre) avec un gouvernement minoritaire PS-Ecolo soutenu de l’extérieur. Derrière une pseudo-ouverture, tout est fait pour couler toute tentative préparée de discussions sérieuses.

Zéro remise en cause du passé

Alors, tout au long de l'après-midi et de la soirée du 11 juin, le débat entamé avec Di Rupo et Magnette s’avère stérile. Il n’y a aucune remise en cause des politiques des 30 dernières années en Région wallonne. « On ne veut pas parler du passé, on veut parler d’avenir », affirme ainsi Di Rupo. Or on ne peut pas parler de volonté de rupture réelle sans remettre en cause ce qui a été fait dans le passé. Cette rupture est pourtant le mandat que nous avons reçu par nos électeurs.

Ainsi, par exemple, sur la question de la chasse aux chômeurs, Elio Di Rupo nous « justifie » la décision de son gouvernement fédéral en 2011 de supprimer les allocations d’insertion après trois ans, « car il fallait sauver le pays ». Ensuite, quand nous revenons sur la chasse aux chômeurs, appliquée beaucoup plus durement en Wallonie1 que dans les autres régions malgré des années de gouvernement PS-cdH, Paul Magnette dit simplement « ne pas être au courant ». Alors que les syndicats et associations de terrain l’ont alerté. Comment est-ce possible ? Et, quand on demande de mettre fin à la chasse aux chômeurs, en transformant notamment les 180 évaluateurs du Forem qui ordonnent les sanctions en accompagnateurs, pas de réponse.

Vient alors la question des partenariats public-privé (PPP) à travers lesquels les multinationales se font des millions sur le dos de la collectivité. Di Rupo et Magnette nous répondent les yeux dans les yeux « qu’ils n’aimaient pas beaucoup les PPP », et qu’ils n’en avaient « pas fait beaucoup », alors qu’ils ont conclu encore tout récemment un marché d’1,2 milliard pour le Tram de Liège, sur lequel une multinationale allemande attend un rendement de 10 %. Comment voulez vous avoir une discussion sérieuse dans ce cadre ?

Zéro rupture

Nous sommes venus avec des propositions concrètes de rupture sur un nombre limité de thèmes, forts de notre mandat porté par plus de 250 000 électeurs en Wallonie, comme on le peut découvrir dans nos 12 lignes rouges.

Notre premier point est de désobéir au cadre des traités d’austérité européens, comme nous l’avançons depuis des années. On ne peut pas rompre avec la politique actuelle et investir pour créer enfin des logements sociaux, investir massivement dans la transition énergétique ou développer les transports en commun si on reste dans le cadre des traités européens et de l’austérité. « Comment investir 1 milliard par an pour créer 8 000 logements sociaux par an pour répondre à la crise du logement en Wallonie sans se dégager de ces contraintes européennes? », avons-nous avancé.

Quelle hypocrisie alors d’entendre Elio Di Rupo dire qu’il était d’accord « avec tous les points du PTB » alors qu’il précisait d’emblée (comme il l’a dit en fait tout au long de nos discussions) qu’il fallait « être réaliste » et qu’on ne pouvait pas désobéir aux traités européens. C’était pourtant notre première ligne rouge. Le refus même d’en débattre sérieusement montre bien qu’au PS, il n’y avait aucune volonté de rupture dans les faits, que le prétendu accord n’était simplement que du théâtre.

D’autant plus que, quand on a proposé un grand plan de construction de logements sociaux, Paul Magnette nous a répondu que cela serait... pour la prochaine législature, parce que les démarches administratives prendraient plus de 5 ans à être mises en place. C’est pourtant maintenant qu’il y a urgence. Comment voir là aussi une quelconque volonté de rupture ? Surtout quand on sait que le bilan de 10 ans de politique de logement avec les socialistes à la Région wallonne est une diminution de 1 600 logements sociaux disponibles.

Dans les discussions, le PS n’est donc venu avec rien et tout en même temps. Il nous a baladés, disant « oui » à tout, puis expliquant pourquoi ce ne serait pas possible. Non seulement il n’y a eu aucun contact bilatéral pris pour créer un climat de confiance, mais ils n’ont pas non plus avancé de points qu’ils voulaient mettre en avant malgré nos demandes répétées. Ce n’était simplement pas sérieux, et certainement pas fait dans une optique d’aboutir à quelque chose.

Nous voulions négocier pour une vraie rupture. Nous n’avons pas été élus pour servir de bouche-trou parce que le cdH ne veut pas monter dans un gouvernement. Bien sûr, nous voulons une politique de gauche, et nous voulons la construire avec d'autres forces à gauche. Mais cela doit se passer sur un minimum de confiance, construite sur du respect et non de l'arrogance. Construite sur une remise en cause des politiques du passé et basée sur la volonté de rompre avec les traités d'austérité qui cadenassent toute politique de gauche. Construite sur l'acceptation que tout partenaire doit pouvoir retrouver quelques points de rupture de son programme dans un accord de majorité. Construite enfin sur le fait de ne pas jouer avec les pieds des gens en feignant vouloir être de gauche alors qu'on a déjà dans sa tête une coalition avec le MR en Wallonie et au fédéral. Ces conditions essentielles n’étaient pas réunies cette fois-ci et nous ne pouvons que le regretter.

Si nous voulons arriver à une vraie politique de gauche, il faut un engagement pour une vraie politique de rupture avec la volonté de développer les rapports de force nécessaires, aussi envers la politique de l’Union européenne. C’est ce à quoi nous continuerons à nous engager.

Un gouvernement minoritaire « à la portugaise » revient à signer « un chèque en blanc »

Le PS a avancé la perspective d’un gouvernement minoritaire « à la portugaise », PS-Ecolo, qui aurait un soutien « de l'extérieur » du PTB. Proposition faite « au cas où le PTB ne voudrait pas monter dans un gouvernement ». Mais le problème n'est pas là (sans compter que la Wallonie n’est pas le Portugal). Le PTB veut monter dans un gouvernement. Mais pas pour faire n'importe quoi. La majorité « à la portugaise » ne change rien au fond : sur quels points le PS était-il prêt à rompre avec le passé et à engager une vraie rupture ?

D’ailleurs, à supposer que l'option ait été sincèrement envisagée par le PS (et qu'elle existerait un minimum chez Ecolo), l'option portugaise revient à signer un chèque en blanc. Le PTB donnerait sa bénédiction au PS et à son partenaire, le PS et Ecolo gouverneraient sans le PTB, sans programme de rupture avec le passé, sans les points essentiels pour lesquels les gens ont voté pour le PTB. Ensuite, pour diriger, la coalition aurait le choix de s'appuyer sur le PTB ou sur des majorités à la carte (avec le cdH ou le MR), en fonction des dossiers, en fonction des intérêts en présence. Et, si cela s’avérait nécessaire, une motion de méfiance serait aussi pratiquement impossible à concrétiser, car il faut une alliance encore plus contre-nature entre PTB, MR et cdH. Cette formule « portugaise » transposée à la Wallonie revenait en réalité à laisser le PTB sans réel rapport de force et coincé.

 

Vu de Flandre : les manœuvres parallèles du PS et de la N-VA

Il est parfois intéressant de lire la presse de l’autre côté de la frontière linguistique pour avoir une vue un peu plus détachée de ce qui se passe en Wallonie.

Le quotidien De Morgen écrivait ce mercredi 12 juin : « En Wallonie, le PS pense à un gouvernement minoritaire avec le soutien du PTB. Du côté flamand, la N-VA a déjà proposé un scénario similaire avec le soutien du Vlaams Belang. Dans les deux cas, il faut qualifier cela de "com politique".

"Cela n'arrivera jamais, selon le journaliste politique Alain Gerlache (RTBF). Ce qui se passe avec le PS est un tour de "boxe simulée". La décision du cdH a rendu impossible une coalition de centre-gauche. Les socialistes doivent maintenant choisir entre les communistes qu'ils ont condamnés tant de fois et les libéraux qu’ils ont traités de carpette des nationalistes flamands pendant cinq ans."

En Flandre, la N-VA a le même problème. La N-VA veut absolument montrer qu'elle a fait une tentative sérieuse pour impliquer le VB dans le gouvernement.

La première étape est de montrer que vous êtes sincère. C'est pourquoi la N-VA a elle-même avancé l’idée d’un gouvernement minoritaire avec le soutien du VB. Pure com politique qui ne sert que dans le combat pour la perception. Pour montrer qu'en fin de compte, le Vlaams Belang lui-même rend la coopération impossible.

"Ce sont des jeux politiques et de la guerre psychologique, analyse le politologue Carl Devos (UGent). De Wever dit qu'il ne veut pas d'un gouvernement fédéral sans minorité flamande, alors Di Rupo lance exactement une telle proposition. La N-VA suggère un gouvernement minoritaire, et soudain le PS a exactement la même idée."

C’est précisément l'anti-politique auquel les électeurs se sont vivement opposés le 26 mai. Deux semaines après les élections, les plus grands partis se perdent dans des propositions dont ils savent que la faisabilité est nulle. »

Pour le journal De Standaard, il s’agit d’un « jeu de stratégo ». « Le PS et la N-VA font tout leur possible pour montrer aux électeurs du PTB et du Vlaams Belang qu'ils sont vraiment disposés à écouter leurs plaintes. Mais il s'agit surtout d'attendre que les deux partis soient débarqués pour que quoi que ce soit puisse bouger. »

1 En 2018, suite aux contrôles sur la disponibilité active, il y a eu 1 709 exclusions définitives prononcées en Wallonie contre 26 en Flandre et 26 à Bruxelles. La Wallonie est donc particulièrement dure dans la chasse aux chômeurs.