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Têtes de liste du PTB à l'Europe : l'Europe, l'heure de la rupture

Marc Botenga, unique député européen du parti de gauche, et Sophie Lecron, enseignante et cheffe de groupe au conseil communal de Liège, composent le binôme francophone de têtes de liste du PTB pour le Parlement européen. Rencontre avec deux passionnés qui veulent une rupture au niveau européen en portant la mobilisation des travailleurs de tout le continent.

Jeudi 4 janvier 2024

Marc Botenga et Sophie Lecron

Marc, en 2019, vous êtes arrivé au Parlement européen comme premier député européen du PTB avec le slogan « la gauche qui pique contre l’Europe du fric. » Avez-vous réussi à les piquer ?

Marc Botenga. En tout cas, Mme Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, se souviendra de nous. Ce n’était pas gagné d’avance avec un seul député PTB sur 705. Heureusement, nous pouvions compter sur notre groupe parlementaire The Left, avec des partis de gauche de toute l’Europe.

 Mais on a bien bousculé la bulle européenne. Lors du Covid-19, nous avons démasqué le contenu des contrats secrets entre l’Union européenne et les grandes multinationales pharmaceutiques. Pendant la crise de l’énergie, notre groupe parlementaire a été à l’avant-garde de la lutte pour un plafonnement des prix. 

Les députés traditionnels, les commissaires européens, ils s’en fichaient. Mme Von der Leyen gagne 30 000 euros par mois. Elle ne sait pas ce que cela veut dire de ne pas pouvoir payer une facture. Nous avons porté cette lutte. Que le Parlement européen ait été obligé de débattre d’un cessez-le-feu à Gaza, c’est parce que nous avons porté la mobilisation populaire au Parlement.

Avec notre groupe parlementaire The Left, qui rassemble des partis de gauche de toute l’Europe, on a bien bousculé la bulle européenne.

Marc Botenga

Député au Parlement européen.

Sophie, vous êtes très active à Liège. Enseignante, élue au conseil communal... Pourquoi vouloir vous engager au niveau européen aussi ?

Sophie Lecron. De nombreux problèmes que nous voyons au niveau local, trouvent leur origine dans les règles européennes. Prenez par exemple l’austérité. Ce sont les règles européennes qui forcent les États à couper dans leurs budgets sociaux, à limiter les investissements publics. Techniquement, cette austérité a été suspendue pendant la pandémie, mais sur le terrain l’austérité est restée forte à tous les niveaux de pouvoir en Belgique. 

La réalité, c’est 20 % de chômage, encore plus chez les jeunes, un enfant sur quatre sous le seuil de pauvreté, une augmentation affolante du nombre de sans-abris, y compris des enfants et des familles, une grave crise du logement et des services publics. Les gens vont mal, il suffit de se promener 15 minutes dans la ville pour le constater. Et maintenant, les ministres européens veulent renforcer cette austérité ? Pas question.

Est-ce un des grands enjeux pour 2024, cette « nouvelle » austérité européenne ?

Marc Botenga. Clairement. L’Union européenne veut étrangler les États et leurs budgets. L ’objectif est de tout offrir aux multinationales, et de déshabiller totalement l’État et les services publics. Soyons clairs : le retour des règles budgétaires signifierait des coupes dans les écoles, les hôpitaux, les pensions... Pour la Belgique, ce serait jusqu’à 5 milliards d’euros d’économies par an. Ils comptent même s’attaquer à nouveau à l’indexation des salaires. 

En d’autres termes, au niveau européen, ils préparent un bain de sang social. Et les socialistes européens sont de mèche. C’est dramatique. Nous avons besoin d’investissements massifs. Tout le monde le vit au quotidien. Trains en retard, bus qui ne passent pas, des listes d’attente pour les crèches et les médecins. La manifestation syndicale européenne du 12 décembre à Bruxelles a envoyé un signal clair : non à cette austérité 2.0.

Dans le cadre du projet du tram à Liège, vous avez vu comment l’Europe pousse systématiquement à la privatisation...

Sophie Lecron. Oui, c’est un autre aspect de l’austérité. Détricoter le public en faveur du privé. L’exemple du consortium Tram’Ardent pour le tram à Liège est parlant. 

L’Europe a recalé plusieurs fois la proposition des autorités régionale et locale d’un partenariat public-privé (PPP). Le plan de paiement a été refusé plusieurs fois pour finalement infliger un partenariat très en faveur du privé. Non seulement le « partenariat » a été imposé, mais c’est le plus favorable au privé qui a gagné ! Le public s’est retrouvé à subir le chantage du Tram’Ardent, parce qu’à partir du moment où ce PPP a été signé, le public n’avait plus rien à dire. 

Tout cela au nom de l’efficacité, mais le projet est très en retard et rend la vie des citoyens et commerçants impossible. Un grand nombre de ces derniers ayant déjà fait faillite à cause du chantier. Quand la Région a quand même réussi à imposer des indemnités de retard, le consortium a mis une pression de fou sur les travailleurs qui bossent jour et nuit, week-end compris, pour accélérer au maximum et payer le moins d’indemnités possible. Raison pour laquelle dès le départ le PTB a refusé la logique du PPP pour ce projet.

Vos interventions parlementaires sont souvent traduites dans différentes langues. Vous êtes passé dans les médias de toute l’Europe, de la Finlande à l’Italie. Est-ce important ?

Marc Botenga. C’est la preuve que le combat de la classe travailleuse est pareil partout en Europe. Il y a des différences évidemment, mais la destruction menée par les politiques de l’Union européenne est comparable du nord au sud. 

Quand nous dénonçons le soutien criminel de l’Union européenne à Israël, ou quand je démasque les mensonges et la rhétorique antisociale de Von der Leyen, cela exprime ce que vivent les travailleurs tant ici qu’au Portugal ou à Chypre. C’est une fierté de pouvoir être leur voix. Et cela encourage la lutte là-bas aussi. 

Si on arrive à faire élire notre camarade Rudi Kennes, tête de liste européenne en Flandre, cette voix des travailleurs sera encore plus forte. Pour contrer les politiques libérales, nous avons besoin d’unir nos luttes.

S’il faut s’unir, on voit une inquiétante montée de l’extrême-droite à travers l’Europe, qui essaie de diviser les travailleurs. Comment contrer cela ?

Sophie Lecron. L’extrême droite n’arrive pas de nulle part. L’austérité européenne crée les conditions pour son émergence. Il n’y a jamais d’argent pour de nouvelles écoles, de nouveaux logements publics, pour l’enseignement, etc. Alors, des groupes d’extrême droite viennent raconter que le manque de logements, c’est la faute aux immigrés. Ou que ce sont les musulmans qui sont responsables du chômage. 

De cette façon, l’extrême-droite pousse les travailleurs à se battre entre eux, plutôt que de s’en prendre aux millionnaires et aux grandes multinationales. Elle fait tout pour protéger les vrais responsables. Pour nous, il s’agit de bien identifier les vrais responsables. Ceux qui font des surprofits sur le dos des gens, ceux qui détruisent nos conditions de vie. Pour arrêter l’extrême droite, il faut rompre avec les politiques néolibérales. Ce sont les politiques des partis traditionnels qui renforcent l’extrême-droite.

Le débat est aussi lancé sur l’élargissement de l’Union européenne. L’Ukraine pourrait devenir membre de l’Union européenne ?

Marc Botenga. C’est ce que demandent la Commission européenne, et la majorité des gouvernements. Je ne pense pas que cela soit une bonne idée. 

D’abord, l’Ukraine est un pays en guerre. Arrêtons d’abord la guerre avant de parler de rejoindre l’Union européenne. Pendant un an et demi, nous avons été le seul parti belge, le seul groupe au Parlement européen à proposer une voie de sortie diplomatique pour arrêter la guerre en Ukraine. Depuis un an, la ligne de front est gelée, c’est le moment de lancer les négociations et arrêter les massacres. 

Ensuite, l’Ukraine, où des partis politiques sont interdits, des syndicats mis sous pression, où il y a une énorme corruption, ne correspond pas du tout aux critères formels pour rejoindre l’Union européenne. 

Enfin, il ne faut pas oublier le risque de dumping social. Le salaire minimum en Ukraine est en-dessous des 200 euros. Vous imaginez ce qu’une adhésion de l’Ukraine peut vouloir dire pour les salaires partout en Europe ?

Face aux institutions opaques et grises de l’Union européenne, nous voyons émerger une autre Europe. Une Europe de la lutte sociale.

Sophie Lecron

La Belgique a la présidence de l’Union européenne pendant six mois. À quoi vous attendez-vous ?

Marc Botenga. Le gouvernement belge ne va pas changer de nature parce qu’il met une chemise européenne. À défaut de prendre des mesures sociales, ils vont organiser un « sommet social ». Il y aura des politiques libérales, avec une rhétorique sociale. Mais soyons clairs : à l’Europe, ce sont les multinationales et les lobbies qui dominent. 

Alors, tout dépend du rapport de force. La pression des travailleurs, que nous avons relayée aux institutions, a obligé la Commission européenne à proposer une directive visant une amélioration des droits des travailleurs des plateformes, comme Uber, Deliveroo. La directive visant une hausse des salaires minimums est aussi issue d’une telle dynamique. Si on veut changer quoi que ce soit, ce sera par ces mobilisations. De la tribune du Parlement, nous renforçons ces luttes.

Quelle est votre perspective pour l’avenir de l’Europe?

Sophie Lecron. Il faut vraiment une rupture. Une rupture avec ces traités néolibéraux, avec l’austérité. Mais j’ai de l’espoir. Face aux institutions opaques et grises de l’Union européenne, nous voyons déjà émerger une autre Europe. Une Europe de la lutte sociale, en particulier au sein de la classe travailleuse. 

Celle-ci s’organise à l’échelle européenne contre les multinationales. Les travailleurs de Ryanair, par exemple, ou d’Amazon. Ces travailleurs ont mené des actions dans plusieurs pays européens en même temps. C’est ainsi qu’ils ont remporté des victoires. Et c’est à nous de renforcer ce contre-pouvoir. Ainsi, la lutte impressionnante des Delhaiziens, le PTB l’a amenée aussi au Parlement européen. Pour une Europe des gens, pas de l’argent.