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Service militaire : « Nous n’allons pas laisser Francken & co gagner les esprits de la jeunesse »

Les jeunes veulent des emplois stables, avec un revenu digne, qui permet de se payer un logement et de construire sa vie. Mais que leur répond le gouvernement ? Plus de flexibilité, de précarité, de coupes sociales et… une lettre pour s’engager dans l’armée. La militarisation est le projet du gouvernement pour la jeunesse. En face, la résistance des jeunes s’organise.

Mercredi 12 novembre 2025

Par Lucie Hild, Solidaire

« Remilitariser » la Belgique, ça ne veut pas dire uniquement dépenser des milliards pour des nouveaux avions de combat F35 et d’autres armes de guerre : cela suppose également de recruter toujours plus de nouvelles forces prêtes à gonfler les rangs de l’armée belge.

Le ministre N-VA de la Défense Theo Francken a déjà annoncé vouloir doubler les rangs de l'armée d'ici 10 ans pour atteindre un objectif de 34 500 militaires et 12 800 réservistes. Autant d’hommes et de femmes en uniforme, disponibles pour être déployés pour des missions de l’Otan. Et pour atteindre cet objectif, c’est vers la jeunesse qu’il se tourne.

Le plan du gouvernement de De Wever et Bouchez est clair : multiplier les initiatives pour « sensibiliser » les jeunes à ce qu’ils appellent les « enjeux sécuritaires modifiées ». La N-VA ne s’en cache pas, elle veut faire des jeunes des « ambassadeurs de l’Otan ». Ça commence dès l’école avec l’entrée de référents militaires dans les salles de classe. Mais le projet phare de Francken est déjà sur la table : l’envoi d’une lettre à 130 000 jeunes de 17 ans, pour leur proposer de rejoindre un « service militaire volontaire » dès septembre 2026. A la clé : un an de service, une expérience « dynamique » et « aventureuse » telle que décrite, et avec un salaire !

L’envoi de cette lettre sera d’ailleurs accompagné dès la fin de l’année de séance d’information dans toutes les provinces de Belgique à destination de ces mêmes jeunes. Pour la première année, 130 000 lettres pour trouver 500 jeunes à peine qui participeraient donc à ce programme, ce sont des moyens disproportionnés - c'est une critique qui a d'ailleurs été formulée aussi par plusieurs instances officielles qui ont rendu leur avis dont l'Autorité de protection des données ou le Conseil d'État. Mais en réalité, le but de Francken et du gouvernement est autre : cette lettre vise vise avant tout à installer l’idée que la Belgique et l’Europe doivent se préparer à une menace extérieure et que la jeunesse doit être prête à défendre le pays. C’est une véritable campagne de militarisation des esprits que lance ainsi le gouvernement. Et c'est pour cela qu'ils comptent bien envoyer la lettre à tous les jeunes, malgré les avis négatifs.

Vers un service obligatoire

La Belgique ne fait d’ailleurs que suivre la voie ouverte par d’autres pays. En Allemagne, le gouvernement a relancé le projet de service militaire volontaire, évoque déjà de le rendre obligatoire et prévoit pour 2026 un questionnaire obligatoire pour tous les jeunes hommes (facultatif pour les jeunes femmes) afin de recenser leurs aptitudes et leur disponibilité pour l’armée. Autrement dit, une façon express de mesurer le potentiel corps militaire du pays. Aux Pays-Bas et dans plusieurs autres pays européens, des projets similaires sont en discussions.

Une chose est certaine : le service militaire volontaire n’est qu’une étape et un service obligatoire est une perspective que ni Francken ni les gouvernements européens précités n'excluent. Le service militaire obligatoire n’a d’ailleurs jamais été aboli en Belgique, il a seulement été suspendu et peut être réactivé.

2 000 euros et des avantages pour acheter les jeunes

La proposition de Theo Francken d’instaurer un service militaire volontaire s’accompagne d’une promesse frappante : un salaire de 2 000 euros nets par mois, soit plus que le salaire minimum en Belgique, avec toute une série d’avantages comme des chèques-repas, le transport en commun gratuit ou le remboursement complet des soins médicaux. Une promesse alléchante pour les jeunes qui sortent de l’école. Francken offre ainsi une chance d’obtenir un revenu fixe et une sécurité dans un contexte où il est de plus en plus difficile de débuter sa vie professionnelle avec un emploi stable, et où ce même gouvernement n’hésite pas à s’attaquer aux droits au chômage des jeunes. Le but du gouvernement est clair : tenter d’acheter toute une partie de la jeunesse pour son projet de militarisation.

Les enfants d’ouvriers comme chair à canon

Ainsi, l’armée est présentée par Francken et le gouvernement comme une alternative crédible pour relancer l’emploi et dynamiser la jeunesse. Ils font comme s’il s’agissait d’une aventure et d’un projet au service de la société, mais le retour du service militaire n’a rien à voir avec enrichissante ou une aventure collective. Il s’agit avant tout de renforcer les rangs de l’armée, de trouver de nouveaux soldats et de façonner les esprits autour de l’idée d’un danger venu de l’extérieur. Dans la « vision stratégique » adoptée par le gouvernement, Francken annonce vouloir préparer la Belgique à participer à de nouvelles « guerres nécessaires ». On sait quelles sont ces guerres menée soi-disant par « nécessité » par des gens comme Theo Francken, lui qui a soutenu les différentes interventions impérialistes des dernières décennies en Afghanistan, en Libye ou en Syrie. Aujourd’hui, il veut continuer de suivre les États-Unis dans leur escalade contre la Chine et pour le maintien de leur hégémonie. Cela augmente le danger de guerre.

Comme toujours dans l’histoire, ce sont bien les enfants de la classe travailleuse qui seront envoyés en première ligne de ces guerres.

Les jeunes ne sont pas paresseux

Francken essaie de vendre son projet en prétendant que cela permettra de redonner du sens à une jeunesse qui est présentée comme paresseuse. Pourtant, la jeunesse n’a pas besoin de l’armée pour s’engager. Elle le fait déjà chaque jour : dans les associations, les mouvements de jeunes et les clubs de sport, la solidarité de quartier, les mouvements sociaux, les luttes pour la Palestine, le climat, ou pour un enseignement de qualité.

Cet engagement existe, il est vivant mais est systématiquement ignoré, invisibilisé ou dévalorisé par le gouvernement. Pire encore, les services civiques et les initiatives sociales qui permettent aux jeunes de s’investir concrètement sont laissés sans financement suffisant, précarisés et marginalisés. 2 000 euros par mois, ça n’a jamais été proposé pour le service civil volontaire. Une lettre à 130 000 jeunes, ça n’a jamais été envoyé pour motiver à s’engager dans le service aux personnes, dans les soins ou dans l’enseignement. Au lieu de soutenir les formes d’actions qui construisent une société plus juste et solidaire, ils veulent « canaliser » la jeunesse vers l’armée. C’est la seule perspective que les dirigeants veulent nous donner.

On ne va pas se laisser faire

Là où les gouvernements veulent frapper fort avec leur retour du service militaire et leur méga-budget pour l’armée, la jeunesse s’organise et rétorque. Aux Pays-Bas, où un service militaire volontaire a déjà été réintroduit, un mouvement pour la paix s’est très vite mis en place, mettant autour de la table des organisations issues de différentes couches de la société civile. En Allemagne, là où les projets de renflouement des budgets militaires sont certainement les plus forts en Europe, la jeunesse se lève également face aux plans du gouvernement. Des organisations comme le SDAJ (les jeunes communistes allemands) mène activement campagne contre le gouvernement allemand qui parle déjà de service militaire obligatoire, victime du manque de succès de son service volontaire. Dans la rue, la jeunesse allemande lutte contre les choix budgétaires, le définancement de l’enseignement au profit de l’armée et de la guerre.

En Belgique aussi, la jeunesse s’active. Une plateforme, « Service for Peace » (Service pour la paix), est née suite à l’annonce des projets de l’Arizona, rassemblant également des organisations pour la paix, des jeunesses syndicales, des organisations de jeunesses, scoutes, des jeunesses politiques. Ils veulent faire signer largement une contre-lettre en réponse à Francken et à son projet de militarisation de la jeunesse (voir photo, contre-lettre à signer ici).

Il serait faux d’affirmer qu’aucun jeune n’est sensible aux propositions du gouvernement, qu’aucun ne se voit rejoindre les rangs de l’armée. Aujourd’hui, le système dans lequel nous vivons et ceux qui le gouvernent n’ont rien de mieux à offrir aux jeunes, et les images de violence qui nous parviennent du monde entier peuvent faire peur. Certainement quand elles sont instrumentalisées par les gouvernements et tous les propagandistes de l’Otan.

Raison de plus d’aller à contre-courant. Nous n’allons pas abandonner la jeunesse aux mains des Francken & co. Avec toutes les organisations qui se mettent en mouvement contre cette lettre, nous allons mener le débat dans la jeunesse et le gagner. Pour créer une nouvelle génération qui défend la paix, la justice sociale et qui s’oppose à leurs guerres.

Peter Mertens se penche sur les plans du gouvernement pour recruter des jeunes dans l’armée. Le service militaire va-t-il faire son retour en Belgique ? En réalité, la plupart des jeunes n’ont pas du tout envie d’aller se faire tirer dessus au front.