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Nadia Moscufo : « Nous voulons que les ouvriers et les ouvrières prennent une place centrale dans le parti »

Nadia Moscufo est passée de la caisse d’un supermarché au Parlement fédéral. La députée-ouvrière du PTB a rejoint le bureau du parti en 2024. Une prise de responsabilité nécessaire pour le renforcement du parti de gauche mais qui étonnerait la Nadia du début des années 2000…

Vendredi 14 novembre 2025

Par Jonathan Lefèvre, Solidaire

Pourriez-vous nous raconter votre parcours personnel ?

Nadia Moscufo. J’ai 61 ans et j’habite à Herstal. Mon parcours scolaire a été plus long que prévu vu que j’ai redoublé deux fois la première secondaire et une fois la troisième à l’Athénée Royal. À 15 ans et demi, une grossesse non désirée m’a conduite à un avortement le 19 décembre 1979, une période d’autant plus difficile que l’IVG était illégale. J’ai eu la chance d’être soutenue par mes parents, et pour l'époque ce n'était pas évident. J'ai eu de la chance qu'ils étaient progressistes sur ce coup-là ! (Sourire) Cet événement a perturbé ma scolarité, me faisant quitter l’école plusieurs semaines, et j’ai commencé à chercher du travail à 18 ans.

Vos parents étaient aussi ouvriers. Cela a-t-il influencé vos débuts professionnels et votre engagement syndical ?

Nadia Moscufo. Mes parents, immigrés d’Italie dans les années 1950, ont travaillé dans l’industrie : mon père à la mine puis à la FN Herstal, et ma mère aussi, à la cartoucherie. J’ai d’abord travaillé au rayon poissonnerie d’un supermarché GB (enseigne rachetée et remplacée par Carrefour, NdlR). J'étais très fière de prendre le bus très tôt le matin pour aller gagner ma  croûte, comme on disait. Même si, pour la jeune femme que j'étais, ce n’était pas si évident de travailler les mains dans le poisson. Je me souviens encore de l’odeur et surtout du chef de rayon qui n’était vraiment pas agréable. Ensuite, chez Choc Discount, comme caissière et réassortisseuse. À la caisse, ma chaise c’était deux casiers d'orangeade à l'envers, je ne vous dis pas le confort... Le sol était juste recouvert de tôles. Mon chef comptait le nombre de fois où j’allais aux toilettes et me le reprochait régulièrement. C’est là que les termes « mauvaises conditions de travail » ont pris tout leur sens pour moi. Un an après mon embauche, je suis devenue déléguée syndicale. Après avoir été licenciée pour « réorganisation » alors que j’élevais seule mon enfant en bas âge, j’ai été embauchée chez Aldi en 1987, où je suis restée 21 ans et suis redevenue déléguée syndicale après trois ans. J’ai adoré mon travail, le contact avec les clients, le travail collectif, la satisfaction du travail bien fait... et en même temps le manque de respect de la direction me retournait l’estomac. Quand je pense qu'on a dû se battre pendant plusieurs années pour enfin pouvoir boire de l'eau. On devait la payer avant cela, alors qu'on en déchargeait des tonnes du camion pour la mettre en rayon.

Comment s’est faite la rencontre avec le PTB ?

Nadia Moscufo. Mon éducation familiale m’avait déjà un peu politisée, avec des discussions sur la guerre du Vietnam et la guerre froide. Ma rencontre avec le PTB s’est surtout faite via Médecine pour le Peuple (MPLP) (réseau de maisons médicales lancé à l’initiative du PTB, NdlR), alors que je cherchais un médecin. J’étais intriguée par la présence des docteurs de MPLP sur les piquets de grève. Je sentais qu’il manquait quelque chose à mon travail syndical. Le parti m’a apporté des connaissances essentielles sur l’histoire du mouvement ouvrier, les différentes tendances politiques, et même les liens entre la colonisation et l’enrichissement des pays. Cette vision globale et mondiale m’a permis de lier mon mal-être individuel à la société, me faisant sentir moins seule. Cela a renforcé mon engagement face à l’ampleur de la tâche.

J’ai brisé des barrières personnelles, abandonnant l’idée d’être seulement une exécutante, et le parti m’a permis d’organiser des événements et de devenir formatrice sur l’histoire du mouvement ouvrier.

Nadia Moscufo

Députée-ouvrière du PTB

Vous avez ensuite pris petit à petit des responsabilités au sein du parti. Pouvez-vous nous parler de votre parcours militant, de conseillère communale à votre rôle actuel ?

Nadia Moscufo. J’étais d’abord sympathisante. En 2000, on m’a demandé de me présenter aux élections communales pour faire élire Johan Vandepaer, médecin de MPLP, comme premier élu en Wallonie, alors que le PTB faisait seulement 2 % des voix. J’ai longtemps hésité, mais les discussions avec les camarades du parti sur la nécessité d’avoir des élus pour démontrer la capacité de changement en s’appuyant sur le rapport de force de la rue m’ont convaincue. Contre toute attente, deux personnes ont été élues ! Comme toutes les autres personnes présentes dans la salle, j’ai d’abord pleuré. Sauf que moi, c’était de tristesse ! Je me demandais ce que j’allais faire dans cette galère ! Mais c’est très vite passé... (Rires)

En 2007, j’ai quitté Aldi pour assumer davantage de responsabilités au sein du parti. Je suis devenue cadre. Du parti, pas cadre capitaliste… (Rires) C’est une immense fierté, non pour moi-même, mais en tant que femme de la classe ouvrière, car la société n’apprend pas aux ouvriers à être des cadres. J’ai brisé des barrières personnelles, abandonnant l’idée d’être seulement une exécutante, et le parti m’a permis d’organiser des événements et de devenir formatrice sur l’histoire du mouvement ouvrier.

Le congrès de 2021 a marqué un tournant important pour le PTB, en visant à donner une place centrale aux ouvriers et ouvrières. Pouvez-vous nous expliquer cette orientation et ses enjeux ?

Nadia Moscufo. Le PTB trouve ses origines dans le mouvement étudiant de la fin des années 1960. Historiquement, ses dirigeants étaient majoritairement des intellectuels. Le Congrès de 2021, après 18 mois de discussions internes, a adopté une nouvelle orientation : « Nous voulons que les ouvriers et les ouvrières prennent une place centrale dans le parti à tous les niveaux. » Et dans cette phrase, chaque mot a son importance. Il ne s’agit pas de « donner » une place, mais de faire en sorte qu’ils la prennent. En 2021, seulement trois ouvriers siégeaient au Conseil national (l’organe qui dirige le parti entre deux Congrès) sur une cinquantaine de membres.

Le Congrès a donné une définition au terme « ouvrier » : la partie de la classe travailleuse (l'ensemble de la population qui travaille pour un salaire) qui n’a pas de diplôme d’enseignement supérieur. La place centrale des ouvriers est justifiée par deux raisons majeures. Premièrement, ils œuvrent dans les secteurs industriels clés (énergie, etc.) et sont indispensables pour changer la société et produire la richesse. Deuxièmement, ils représentent 60 % de la classe travailleuse, et leur majorité doit être représentée pour que le PTB soit réellement le parti de cette classe.

L’objectif n’est pas de créer un parti divisé entre ouvriers et intellectuels, mais de parvenir à une fusion des compétences. Les méthodes de travail sont adaptées, avec la création d’espaces où les camarades ouvriers sont majoritaires, favorisant leur prise de paroles

Nadia Moscufo

Députée-ouvrière du PTB

Quels sont les premiers résultats de cette nouvelle orientation ?

Nadia Moscufo. Pour concrétiser cette orientation, des quotas ont été instaurés : 20 % d’ouvriers au Conseil national et dans les conseils provinciaux. Ces quotas sont nécessaires car les ouvriers, souvent conditionnés à être des exécutants par le système capitaliste, n’auraient pas spontanément proposé leur candidature aux organes de direction. Les premiers résultats sont là. La plupart des camarades concernés sont encore en activité, ce qui leur permet de témoigner directement des conditions de travail. Comme Rosa Terranova, aide-ménagère et membre du Conseil national, qui est la seule à pouvoir décrire la violence du système, qui casse les corps et qui pousse les gens à travailler le plus longtemps possible, même malades. C’est un vécu que personne d’autre ne peut transmettre.

Cette évolution exige aussi un changement de mentalité. L’objectif n’est pas de créer un parti divisé entre ouvriers et intellectuels, mais de parvenir à une fusion des compétences. Les méthodes de travail sont adaptées, avec la création d’espaces où les camarades ouvriers sont majoritaires, favorisant leur prise de paroles. Les intellectuels peuvent inconsciemment intimider par leur facilité à parler.

L’inspiration est aussi importante ; les ouvriers ont besoin de modèles tels que Roberto D’Amico, député fédéral ouvrier, qui rappelle aux parlementaires en retard la discipline de l’usine. Je suis fière d’inspirer d’autres personnes et de tracer un chemin. C’est dans ce cadre que j’ai postulé pour être membre du Bureau du parti, un acte que je n’aurais jamais envisagé auparavant. Cette orientation renforce le parti, permettant aux ouvriers de former, de se transformer, de se dépasser et de diriger le parti avec leurs camarades non ouvriers.

En tant que députée-ouvrière, comment vous sentez-vous dans le Parlement ?

Nadia Moscufo.  Ça va ! (Rires) Le Parlement fédéral, avec ses grands couloirs, ses tapis et ses statues imposantes, est un lieu bizarre mais ça ne m’impressionne pas. Le langage politique y est parfois obscur et même incompréhensible – aussi pour les autres députés d’ailleurs... C’est un défi que nous relevons collectivement. Le PTB s’efforce de conserver un langage accessible et compréhensible par tous, car le système capitaliste n’a pas intérêt à ce que la politique soit comprise.

Ce qui est fondamental pour nous, élus du PTB, est de maintenir le contact avec la réalité du terrain. J’ai choisi de ne pas vivre avec les 8 000 euros mensuels des députés et ma motivation n’est pas financière, ce qui m’offre une liberté que n’ont pas les élus des autres partis, enfermés dans une vie très confortable.

Mon travail de député ne se limite pas au Parlement, j’ai des contacts réguliers avec des délégués et responsables syndicaux, avec mes voisins, mes anciennes collègues.

La complexité du langage politique parlementaire, souvent obscur même pour les politiques, est un défi. Le PTB s’efforce de conserver un langage compréhensible par tous, car le système capitaliste n’a pas intérêt à ce que la politique soit comprise.

Quels sont les objectifs du PTB pour l’avenir ?

Nadia Moscufo. Ils sont nombreux ! (Rires) Mais ce qui concerne la question de la place centrale des ouvriers et ouvrières restera d’actualité. Nous voulons élargir et renforcer l’équipe de cadres ouvriers du parti. Nous avançons mais il y a encore du pain sur la planche. Les mécanismes qui font que les ouvriers ne prennent pas la place qui leur revient sont profonds dans la société et donc aussi dans notre parti. Chaque relâchement laisse place au spontané et le spontané exclut les ouvriers. L’eau coule vers le bas, comme on dit dans nos textes du dernier Congrès.

Avec mes camarades Benjamin Pestieau, secrétaire général adjoint, et Denis Pestieau, membre du Conseil national, nous formons un trio chargé de diriger cette orientation. Ensemble, avec les autres cadres ouvriers et non ouvriers, nous avons obtenu de belles avancées. En plus de renforcer le PTB, c’est aussi nécessaire pour les luttes sociales – pour nos pensions, nos salaires, contre la guerre et la militarisation, etc. – à mener.

 

Rencontre avec Nadia Moscufo, membre de la direction du PTB et députée-ouvrière

Ce que je préfère

Plat : les moules de bouchot accompagnées d’un vin blanc

Animal : le colibri

Livre : Mamma Maria de l’autrice Serena Giuliano, une Italienne qui vit à Metz

Musique : Lucio Dalla

Série : HPI

Sport : la marche

Quelles personnalités inspirent Nadia ?

*Les femmes de ménage de l’hôtel Ibis à Paris qui ont lutté pour leurs conditions de travail

*Angela Davis

*Les travailleuses des titres services


L’amitié

L’amitié a toujours eu une place très importante dans la vie de Nadia. Majoritairement féminines, ses amies, des « femmes exceptionnelles », sont un vrai soutien, non seulement dans son engagement mais aussi dans sa vie personnelle.

« On peut ne pas se voir pendant des mois et quand on se croise, c’est comme si on s était vues le jour avant. C’est presque magique. »

Le ciel le soleil et la mer....

Nadia prend beaucoup de plaisir à regarder les paysages. Et elle ne doit pas nécessairement aller loin pour cela. De Herstal où elle habite, elle peut observer au loin la ville de Liège. Ce n’est pas la mer mais la Meuse, et elle adore cela.

Près de chez elle, il y a aussi les terrils et elle aime s’y promener pour profiter de la vue.

La région d’origine de ses parents – Molise, dans le sud de l’Italie – la fascine : « je n y vais pas assez souvent mais ça va changer. »