Par Dirk Tuypens (Solidaire)
Le monde est comme une mer houleuse. Les bruyantes vagues peuvent être annonciatrices de grands bouleversements. Pendant quatre mois, Peter Mertens, secrétaire général du PTB, s’est immergé dans ce monde qui vacille et y a analysé tout ce qui gronde, gémit et s’ébranle. Le résultat est « Mutinerie », un livre disponible en librairie à la fin de l’année.
Nous rencontrons Peter Mertens le lendemain du jour de la remise de Mutinerie à l’éditeur EPO qui se charge de la version originale en néerlandais. Avant sa sortie, l’auteur nous en donne un avant-goût. Le secrétaire général du PTB croit en la force de la littérature et a hâte d’en parler avec les gens.
Y a-t-il un moment précis où vous vous êtes dit : « Maintenant, je m’installe à mon bureau et j’écris ‘ Mutinerie’ » ?
Peter Mertens. Un moment important a certainement été l’annonce, en mai de cette année, du fait que les économies émergentes – les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) – ont dépassé les pays riches du G7 en termes de poids économique. Nos médias n’en n’ont presque pas parlé. On se concentre toujours sur la situation économique des pays du Nord. Et soudain, cette annonce. J’ai voulu explorer les relations entre tout cela. Rapidement, l’idée d’écrire un nouveau livre s’est imposée.
Un livre qui se concentre sur le monde dans son ensemble…
Peter Mertens. Je pense qu’il est important de relier les résistances du Nord et du Sud. C’est facile pour nous de nous concentrer sur ce qui se passe dans le Nord, mais tout est lié avec le Sud. Ça a toujours été le cas, tout au long de l’histoire.
Je crois fermement que les gens veulent savoir comment le monde fonctionne. Il est important de connaître le fil rouge de l’histoire, de comprendre que notre monde avance comme un tout, et ce, depuis bien longtemps. Le commerce, les mers, les ports, tout cela nous relie. Ce qui se passe en Indonésie ou en Bolivie est important pour nous, et ce qui se passe en Belgique est important pour le Brésil.
« Mutinerie » sonne comme une fabuleuse aventure en mer. Pourquoi ce titre ?
Peter Mertens. Lorsque Poutine a envahi l’Ukraine, cette agression a été condamnée à juste titre, y compris par les pays du Sud. Ceux-ci ne connaissent que trop bien l’importance de la souveraineté. Mais ils n’ont pas souhaité soutenir les sanctions annoncées par Washington contre la Russie. Après tout, nombre d’entre eux sont eux-mêmes soumis à de telles sanctions.
Fiona Hill, ancienne membre du Conseil de sécurité des États-Unis, avait fustigé cette attitude en la qualifiant de « mutinerie ». Si le choix de ne pas suivre la voie des États-Unis est considéré comme une mutinerie, alors je pense qu’il s’agit d’une « bonne » mutinerie. Elle annonce la fin d’un monde unipolaire, avec les États-Unis comme leader incontestable.
Au début du livre, vous vous rendez au Royaume-Uni. Pourquoi ?
Peter Mertens. J’ai appris qu’une action sociale était en cours au Royaume-Uni depuis près d’un an. Nos médias n’en ont pas parlé non plus. Il y a plus d’actions sociales au Royaume-Uni aujourd’hui que dans les années 1970. La crise frappe très durement, là-bas. Dans le livre, je donne la parole à une infirmière du nom de Kath dans le livre. Elle travaille dans un hôpital à Londres et s’est mise en grève pour la première fois de sa vie. Cela fait déjà vingt mois d’affilée que les Britanniques voient leurs salaires réels baisser. Les gens qui ont été applaudis pendant la pandémie de coronavirus ne peuvent plus se rendre au travail la dernière semaine du mois, parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer l’essence de leur voiture ou le ticket de bus. Les chauffeurs de bus de Londres se sont également mis en grève parce leurs salaires sont beaucoup trop bas et leurs horaires impossibles. Un conducteur sur sept a recours à une banque alimentaire.
Il y a beaucoup de résistance. Une toute nouvelle et jeune génération rejoint les syndicats. C’est également le cas en Allemagne et aux États-Unis.