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L’Union européenne veut réactiver l’austérité

Suspendues pendant la période Covid-19, Commission et gouvernements européens s’accordent pour remettre en place les règles budgétaires européennes. Quelques réformes pourraient même faire empirer les règles existantes. C’est inacceptable : ce serait un désastre social et environnemental.

Vendredi 7 avril 2023

Marc Botenga intervient au parlement européen.

EP

Face à la crise, l’aveu d’un échec

En mars 2020, l’Union européenne a dû suspendre l’austérité. Face aux besoins énormes d’investissement pour faire face à la crise économique, les règles budgétaires européennes et le fameux Pacte de Stabilité étaient suspendus. C’était inévitable. Le PTB se bat depuis des années pour une abolition de ces règles. « Irréaliste », « populiste » répondaient les partis traditionnels. La suspension rapide des règles montre qu’en réalité l’abandon des règles budgétaires n’est non seulement possible, mais même nécessaire.

Soyons clairs : la Commission européenne n’avait pas changé d’objectif. La suspension des règles budgétaires devait surtout servir non pas à renforcer les services publics ou les systèmes de sécurité sociale, mais à inonder d’aides d’État les grandes entreprises européennes. Bien qu’un paquet limité d’emprunts européens ait été mis sur pied, les pays les plus riches comme l’Allemagne ont pu offrir plus d’argent à leurs multinationales, que les pays moins forts. Cela a donc creusé les inégalités au sein de l’Europe.

Obligée de reculer temporairement, la Commission n’a pas du tout fait le deuil de l’austérité. Elle ne lâche pas le morceau. Les cadeaux faits aux entreprises, sous forme d’aides d’État, devront être payés par quelqu’un, selon elle. Le retour à l’austérité pourrait servir à répercuter d’une manière ou d’une autre ce coût sur les travailleurs.

Une réforme pour faire pire ?

Fin 2022, la Commission vient avec une proposition de réforme des règles budgétaires. Elle présente la réforme comme une simplification, les critères fondamentaux ne sont pas modifiés. Les pays pourront reporter certaines coupes budgétaires, en échange de réformes libérales. La Commission avait par exemple recommandé en 2019 à 15 pays de réformer leur système des pensions. Onze de ces pays ne l’avaient pas fait en 2022. La résistance en France contre les réformes antisociales de Macron n’y est pas pour rien. Les nouvelles règles devraient permettre d’accélérer l’imposition de ce genre de réformes.

La Commission essaie de vendre son paquet en disant que les sanctions en cas de non-respect des règles seront plus légères. En réalité, il s’agira surtout de sanctions plus facilement applicables. Au Parlement européen, tous les partis traditionnels, ont d’ailleurs applaudi cette proposition. Mi-mars, même les députés européens du PS et d’Écolo ont voté un texte se félicitant du fait que la Commission reconnaît la nécessité d’« un ensemble plus large de sanctions. » Le Conseil, où sont représentés les gouvernements, dont le gouvernement belge, a validé les points principaux de la proposition de la Commission.

Le Bureau fédéral du plan a calculé que pour la Belgique, l’austérité serait encore plus dure qu’auparavant avec les nouvelles règles. L’effort budgétaire devrait passer de 3,5 milliards d’euros par an (0,6 % du PIB) à 5,8 milliards par an (1 % du PIB) pendant quatre ans.

Rompre avec le carcan budgétaire

Les objectifs européens sont arbitraires. Personne ne défend une accumulation interminable de la dette, mais qu’un État ne puisse temporairement investir un peu plus dans ses infrastructures ou dans un plan d’urgence sociale, c’est absurde. Un grand pays industrialisé comme le Japon a une dette publique qui dépasse depuis des années de loin les 200 % de son PIB.

Les règles européennes servent en réalité surtout à détruire les services publics et offrir toujours plus de secteurs au marché. Nous avons besoin d’investissements publics massifs, pour la transition climatique, pour nos soins de santé, etc. Pour cela nous n’avons pas besoin d’un retour des règles budgétaires, mais d’une rupture avec celles-ci. Les services publics, les pensions et les salaires ne sont pas un problème. Au contraire, ils font partie de la solution pour une sortie sociale de la crise.

Les aides d’État octroyées devraient aller aux entreprises publiques actives dans les secteurs fondamentaux de notre économie. En investissant dans les services publics, nous pouvons garantir des emplois de qualité, et veiller à ce que la transition climatique soit non seulement effective, mais aussi sociale. Ce n’est qu’ainsi qu’on garantira une relance sociale et climatique. Il faut aussi des mécanismes de solidarité plus forts, avec un Fonds européen pour l’avenir, afin d’éviter que les inégalités en Europe se creusent.

Enfin, plutôt que de ne regarder que les dépenses, il faudra surtout s’attaquer aux rentrées. Qu’attend-on pour une véritable taxe des millionnaires ? Pourquoi l’Union européenne ne se concentre-t-elle pas sur la lutte contre les paradis fiscaux au sein et en-dehors de l’Union européenne ? Un taux d’imposition minimal effectif pour les grandes multinationales au sein de l’Union européenne peut être un début pour contribuer à résoudre ce problème, à condition que celui-ci ne soit pas sapé par des niches fiscales. Avec une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne ou une taxe sur les grandes multinationales du numérique comme Google ou Apple, nous pouvons faire contribuer les grands spéculateurs et financiers.

Le carcan budgétaire européen

Les règles budgétaires européennes se basent sur deux chiffres : la dette publique d’un État membre ne peut pas excéder 60 % du PIB et le déficit budgétaire ne peut pas s’élever à plus de 3 % de ce même PIB. C’est sur base de ces règles que l’Union européenne pousse les États à privatiser leurs services publics. Le Semestre européen est l’outil de l’Union européenne pour surveiller les budgets et les dépenses des États. C’est ainsi que la Commission européenne a conseillé 63 fois aux États-membres de couper dans les budgets consacrés aux soins de santé ces dernières années. En cas de non-respect, des sanctions et amendes sont prévues.