Le PTB plus proche de toi et toi plus proche du PTB. Renforce la vague sociale.!

Télécharge notre app

Loi Quintin : comment le gouvernement Arizona veut casser notre droit d'association

Le gouvernement De Wever-Bouchez prépare une lourde attaque contre nos droits sociaux. Ils veulent casser nos pensions, ils touchent à l’index et nous font travailler plus dur pour moins de salaire. En même temps, ils annoncent une attaque contre nos droits démocratiques. De cette façon, ils veulent être en mesure de freiner l'opposition à leurs politiques antisociales. Depuis cet été, le ministre de l'Intérieur Bernard Quintin (MR) rumine un projet d'interdiction des organisations « radicales dangereuses ». Un « avant-projet » de loi attend actuellement l’avis du Conseil d'État. Nous avons pu lire le texte. Il s'agit d'une attaque sans précédent contre notre droit d'association.

Vendredi 26 décembre 2025

Manifestation en 2023 contre la loi Van Quickenborne qui, à l'époque, aurait permis d'interdire de manifester. « Manifestants, pas criminels », peut-on lire sur une banderole.

Une attaque sans précédent contre nos droits démocratiques

Si l'Arizona parvient à ses fins, la loi Quintin lui permettra de dissoudre des organisations « dangereuses et radicales ». Selon la proposition du ministre Quintin, une telle interdiction pourrait être mise en place si le gouvernement juge que l'association « constitue une menace pour la sécurité nationale ou pour la survie de l'ordre démocratique et constitutionnel ».

Le gouvernement ne mâche pas ses mots. Selon le Premier ministre Bart De Wever, la loi vise à interdire les associations qui « propagent des comportements indésirables ». Une liste d'organisations potentiellement interdites est déjà prête. Ils veulent frapper le mouvement de solidarité avec la Palestine et réduire au silence les activistes pour le climat. Georges-Louis Bouchez, président du MR, veut même faire interdire les « Antifa ».

L'objectif de la loi Quintin est donc clair : intimider les activistes critiques pour les faire rentrer dans le rang. Sous couvert de « sécurité », le gouvernement veut s'en prendre aux organisations fortes. Voilà leur message à l'ensemble de la société civile : « Faites attention à ce que vous dites, ne sortez pas des sentiers battus, sinon votre association aussi sera dissoute. »

Pour cette intimidation, ils sortent l'artillerie lourde. En effet, interdire une organisation est lourd de conséquences. Toute réunion, aide financière ou propagation de leurs idées ou messages deviendrait punissable. Ceux qui ne respecteraient pas l'interdiction d’organisation s'exposeraient à des sanctions très sévères. Le gouvernement envisage des amendes pouvant aller jusqu'à 50 000 euros et des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans. Le simple fait d'afficher des symboles ou d'utiliser des slogans d'une organisation interdite suffit pour être poursuivi. Ce n'est pas seulement l'organisation qui est interdite, tout soutien qui lui est apporté est également criminalisé.

Cela rappelle les poursuites engagées contre le groupe d'action Palestine Action au Royaume-Uni. Leur « crime » ? Leur solidarité avec la Palestine. Par le biais de protestations non violentes et d'actions directes, ils rendent visible la complicité du gouvernement britannique dans le génocide mené par Israël. Cela ne plaît pas au gouvernement. Palestine Action a donc été déclarée « organisation terroriste ». D'un trait de plume, toutes les activités de l’association ont été interdites. 24 militants ont été arrêtés et sont en prison depuis plus d'un an. La solidarité avec les activistes est également devenue un délit. Cela a conduit à une situation absurde où plus de 2 000 manifestants pacifiques ont été arrêtés pour « soutien au terrorisme » parce qu'ils brandissaient une pancarte disant : « Je m'oppose au génocide. Je soutiens Palestine Action ».

La loi Quintin n'est pas un cas isolé. Le gouvernement flamand retire les subsides aux associations qu'il n'apprécie pas. Le ministre de la défense Theo Francken (N-VA) plaide pour l'utilisation d'armes FN303 contre les manifestants. Chacune de ces mesures autoritaires vise à faire taire les voix d’opposition et à mettre la société civile au pas.

Mais cela ne se fait pas sans heurts. Le 3 novembre, la coalition flamande « Recht op Protest » (droit de protester) a publié une lettre ouverte. Cette coalition rassemble un large éventail d'associations telles que les syndicats FGTB, CSC et CGLSB, la Ligue des droits humains et des organisations de la société civile telles qu'Amnesty International Belgique, Greenpeace, PAC, Cepag, Beweging.net et MOC.

Dans leur lettre ouverte, ils n'épargnent pas les critiques. Ils qualifient la proposition d'« inquiétante » et d'inacceptable que des associations soient dissoutes sur la base de termes comme « radicalisme » qui « sont extrêmement flous et n’ont pas de base légale claire. »

« Nos autorités ne devraient pas voter un projet de loi qui est contraire au droit international et aux droits humains », conclut la coalition. « C’est une brèche ouverte dans un droit essentiel qui pourrait demain engloutir toutes les voix qui dérangent. »

L'Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains (IFDH) n'est pas non plus rassuré. Ils émettent un avis négatif sur la loi Quintin « car nous constatons qu’[elle] porte atteinte à plusieurs droits humains ». Selon eux, la proposition a « un impact disproportionné sur la liberté d'expression et d'association ». Ils mettent même en garde contre « la création progressive d’une liste de termes et slogans dont l’utilisation serait interdite pour l’ensemble de la population ».

Le gouvernement De Wever-Bouchez présente la loi Quintin comme un outil de lutte contre la criminalité, la violence et même le terrorisme. Cependant, comme le note la coalition, « la Justice dispose déjà des moyens de remplir les objectifs du projet de loi en visant les individus ayant commis des actes illégaux ». Par exemple, la législation existante permet de poursuivre les personnes soupçonnées de terrorisme. Adhérer à une organisation terroriste est puni par la loi. Non, cette loi ne rendra pas le pays plus sûr. La loi a un autre objectif : museler les voix critiques. 

Les syndicats aussi dans le viseur ?

Le gouvernement tente d'apaiser les inquiétudes. La loi serait loin d’être aussi stricte. Selon le gouvernement, les activistes et les syndicalistes n’ont pas à s'inquiéter, car des exceptions sont prévues pour les syndicats et les partis politiques.

Mais la lecture de l’avant-projet est loin de nous rassurer. Le texte décrit comment les syndicats et les partis politiques sont « exclus du champ d'application » de la loi. Cependant, peut-on lire dans l'avant-projet, « ces exclusions ne s'appliquent pas lorsque l'entité concernée contourne ses objectifs déclarés ou reconnus ».

C'est bien là que le bât blesse. Car qui détermine exactement les « objectifs » d'une organisation ? Et qui décide si une organisation s'en écarte ? Que se passe-t-il si un syndicat fait campagne pour la Palestine ou pour le climat ? Ou si un parti politique appelle à soutenir une manifestation de la société civile ? S'agit-il de déviations par rapport à leur objectif initial, ou cela fait-il simplement partie de leur rôle social ?

L'avant-projet laisse cette interprétation entre les mains du ministre. Cela signifie que les syndicats et les partis politiques peuvent quand même être victimes de cette interdiction d'organisation s'ils sortent des clous, selon le gouvernement.

La séparation des pouvoirs sous pression

Avec la loi Quintin, le gouvernement s’arroge le droit d'interdire une organisation. Il lui suffit de demander l'avis du Comité de coordination du renseignement et de la sécurité (CCRS) qui regroupe les différents services concernés. Ensuite, le Conseil des ministres proclame l'interdiction. Pas de juge, pas de procès. Un refus des ministres fédéraux suffit pour supprimer une organisation.

Si vous n'êtes pas d'accord avec l'interdiction de votre organisation, vous pouvez introduire un recours au Conseil d'État. Mais celui-ci ne jugera que si la procédure a été suivie correctement. Il ne se prononce pas sur le fond de l'affaire. En outre, les organisations ou groupements de fait ne peuvent pas saisir le Conseil d'État, car ils ne disposent pas du statut juridique nécessaire pour le faire. Ils sont donc sans défense face à la décision du gouvernement. C’est également ce que constate l’IFDH. Ils écrivent dans leur avis que la loi Quintin constitue une « violation du droit à un procès équitable ».

Avec la loi Quintin, le gouvernement s’arroge donc un pouvoir extraordinaire. Celui de juger qui peut ou ne peut pas critiquer. Il choisit les organisations qui ne lui plaisent pas et peut décider de sa propre initiative de les interdire. Il n’a aucun compte à rendre. La loi Quintin risque donc de créer des niveaux particulièrement élevés d'arbitraire et d'injustice. Voulons-nous confier un tel pouvoir à ce gouvernement et à tous ceux qui suivront ? Et si le Vlaams Belang accède un jour au pouvoir, contre qui utilisera-t-il cette loi ?

La loi Quintin met la séparation des pouvoirs sous pression. C'est pourtant l'un des principes fondamentaux de la démocratie bourgeoise. Ce principe est né en réaction à l'Ancien Régime, où le roi détenait tous les pouvoirs : il édictait les lois, les appliquait et rendait lui-même la justice. Cette concentration de pouvoir a conduit à l'arbitraire. Des penseurs des Lumières comme Montesquieu ont donc proposé de séparer les trois pouvoirs, afin qu'aucune autorité ne puisse exercer un pouvoir absolu et qu'il y ait moins de place pour l'arbitraire. Le Parlement rédige les lois. Le gouvernement exécute la politique. Les tribunaux contrôlent si le gouvernement se conforme aux lois et respecte les droits humains fondamentaux.

La loi Quintin va à l'encontre de l'esprit de la séparation des pouvoirs, qui est malgré tout un principe très important. Le gouvernement tire la couverture à lui. Il s’octroie plus de pouvoir et limite le rôle de contrôle des tribunaux.

Nous constatons la même chose dans d'autres pays. Prenons l'exemple des États-Unis. Pour mettre en œuvre ses politiques taillées sur mesure pour les plus riches, le président Donald Trump s'arroge de plus en plus de pouvoir. C'est lui et lui seul qui fixe le cap. Il en résulte beaucoup d’injustice, de répression et d’arbitraire. Trump se comporte de plus en plus comme un roi tout puissant du passé. Cela semble en tout cas être son rêve : il a fait recouvrir son bureau ovale de feuilles d'or. Heureusement, les citoyens des États-Unis ne laissent pas passer cela. Pas plus tard qu'en octobre, des manifestations de masse ont eu lieu dans tout le pays contre les politiques de Trump sous la bannière « No Kings Day ». Non, Trump n'est pas un roi.

Le fait que le gouvernement De Wever-Bouchez veuille se donner un pouvoir démesuré avec la loi Quintin est dénoncé tant par la coalition Droit de Protester que par l’IFDH. Et même au sein des partis politiques traditionnels, le mécontentement gronde. Par exemple Paul Van Tigchelt, ancien dirigeant de l'organe antiterroriste OCAM et ancien ministre de la Justice (Open Vld), a vivement critiqué la loi Quintin. Au parlement, il a déclaré qu'une « telle loi n'a pas sa place dans un État de droit. C’est le propre d'un État autoritaire ».

Le fait que le gouvernement s’octroie de plus en plus de pouvoir est dangereux. Toutefois, même si la compétence d'interdire des « organisations radicales » était attribuée aux juges, le droit d'association et la liberté d'expression seraient menacés. Le principe même de pouvoir interdire des organisations qui remettent radicalement en cause le système est problématique.

L'histoire nous enseigne que ce genre d’atteinte à nos droits et libertés démocratiques s’étend rapidement. Même lorsqu'il appartient aux juges de juger. En 1963, lorsque le Code pénal a inscrit l'« entrave méchante à la circulation » parmi les délits, le gouvernement avait solennellement déclaré : « Le gouvernement déclare de la manière la plus explicite qu’il n’entend toucher ni au droit de grève, ni au libre exercice de ce droit ». Mais entre-temps, plusieurs syndicalistes ont déjà été poursuivis et condamnés sur la base de cet article de loi pour avoir organisé des piquets de grève et des barrages routiers.

Défendre ensemble notre droit d'association

Si nous voulons protéger nos droits démocratiques, nous devons empêcher l’adoption de la loi Quintin. En 2023, nous avons prouvé que nous pouvions mettre un terme aux projets autoritaires. À l’époque, grâce à un large mouvement, nous avons réussi à empêcher un projet d’interdiction de manifester.

Le gouvernement Vivaldi voulait permettre d’interdire à certaines personnes de participer à des manifestations. Mais le gouvernement de l'époque n'avait pas prévu les vents contraires auxquels il s’exposait, tout comme aujourd’hui il n’avait pas anticipé qu’une coalition hétéroclite verrait le jour sous la bannière « Manifestants, pas criminels ». Sous cette pression, le gouvernement a dû retirer ses projets.

Aujourd'hui, nous pouvons aussi gagner. En effet, la loi Quintin n'a pas encore été votée. Le Conseil d'État examine en ce moment la proposition du ministre. Ensuite, ce sera au Parlement de l’examiner. Il est grand temps d'unir nos forces contre ces projets autoritaires.