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Les USA de Trump et sa lutte de pouvoir mondiale

Le gouvernement des États-Unis a présenté sa nouvelle « Stratégie de sécurité ». Le ton est ouvertement impérialiste et la Chine reste au centre de l’attention, comme rivale.

Vendredi 12 décembre 2025

Donald Trump

Par Jörg Kronauer (Source : Junge Welt)

« Une feuille de route pour s'assurer que l'Amérique reste la nation la plus formidable et la plus prospère de l'histoire de l'humanité ». C'est ainsi que le président étasunien Donald Trump a décrit la nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis dans une courte préface. Le document regorge de fanfaronnades dont son camp a l’habitude, et présente une assurance qui a de quoi alerter. Car quiconque se sent à ce point supérieur au reste du monde ne perçoit plus ses propres faiblesses et est donc vulnérable. Le document affirme également que le « soft power » inédit des États-Unis permettra aussi à l'avenir d'exercer une « influence positive » dans le monde entier en faveur des intérêts américains. Cela en dit long. Car même dans un pays comme l’Inde, pays où Trump a toujours été populaire auprès d'une majorité de la population, plus de 50 % des habitants considèrent désormais que sa politique nuit à leur pays.

La stratégie de sécurité comporte également des appréciations étranges concernant le Moyen-Orient. Autrefois, la région dans son ensemble était centrale pour les États-Unis, car elle produisait plus de matières premières énergétiques que toutes les autres régions du monde. Mais ça n’est plus le cas depuis que les États-Unis sont devenus un exportateur net de pétrole et de gaz naturel, notamment grâce à la fracturation hydraulique (fracking). Les États-Unis continueraient certes de s’assurer qu'aucune « puissance adverse » ne puisse contrôler le Moyen-Orient, et que la sécurité d'Israël soit garantie à l’avenir. Cependant, les conflits dans la région ne seraient dans cette nouvelle vision plus si graves que ça - en tout cas « moins que ce que les titres de presse pourraient faire croire ».

Ces phrases traduisent moins une analyse sérieuse qu’une volonté de ne plus gaspiller ses forces au Moyen-Orient, pour les concentrer sur la lutte de pouvoir contre la Chine. La nouvelle stratégie de sécurité se montre par ailleurs presque totalement désintéressée en ce qui concerne l'Afrique. Quoique : le document parle tout de même de matières premières disponibles « en abondance dans ces pays ». Il s’agirait en fait de renoncer complètement à l'aide au « développement » pour passer à un modèle commercial axé spécifiquement sur les ressources du continent. Doit-on y voir une volonté de soumettre les États africains aux intérêts de puissances extérieures ? Le document de Trump est clair. « L'influence majeure des nations plus grandes, plus riches et plus fortes », y est-il écrit, « est une vérité immuable des relations internationales. » 

Autrement dit : si les États-Unis exploitent des États plus faibles, ils ne font que suivre une « vérité éternelle ». C’est comme ça.

En Allemagne, le débat sur la nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis a surtout été marqué par les passages concernant l'Europe. Et c'est vrai : ils ont de la gueule. Le document prédit l’« extinction civilisationnelle » du continent parce qu'il n'a pas encore totalement adhéré à la vision de la « remigration » défendue par le gouvernement Trump et l'AfD (parti d’extrême droite en Allemagne, NdT). Il annonce aussi le soutien des États-Unis à l'extrême droite européenne, ce qui oriente ainsi de facto l'alliance transatlantique sur une base ouvertement raciste et potentiellement fasciste. Sous le choc, dans l'indignation, on perd parfois de vue la raison pour laquelle Washington se donne la peine, sous Trump, de pousser le pacte transatlantique vers l'extrême droite. La réponse à cette question se trouve dans les principales parties de la stratégie de sécurité nationale.

La lutte de pouvoir entre les États-Unis et la Chine reste au centre de l'actualité. Les passages que le document contient à ce sujet sont un peu mous par rapport à ceux de la stratégie précédente, présentée sous la présidence de Joe Biden. Il y a une raison à cela. En fait, le document aurait déjà dû être publié en novembre. La publication a été retardée en raison de l’opposition du ministre des Finances Scott Bessent. Celui-ci venait de négocier une trêve dans la guerre économique avec la Chine, et il tenait beaucoup à ne pas le détruire immédiatement par des déclarations explosives. En ce qui concerne l'économie, la stratégie de sécurité indique désormais avant tout que les États-Unis ne veulent pas mettre fin au commerce avec la République populaire, mais qu'ils veulent le concentrer sur des « facteurs non sensibles ». En d'autres termes : seules les marchandises facilement remplaçables seront achetées à l'avenir, afin de ne pas dépendre de la Chine en cas d'escalade du conflit.

En outre, la stratégie nationale de sécurité mise sur une « dissuasion forte et durable », c'est-à-dire sur une course à l’armement dans la région Asie-Pacifique. La « première chaîne d'îles » (First Island Chain), qui s'étend du sud du Japon à Taïwan, en passant par Bornéo et le Vietnam est au coeur de cette stratégie. Washington exige un accès facilitée aux infrastructures à usage militaire et demande un renforcement accru de l'armement des États insulaires. Le document accorde une attention particulière à Taïwan, non seulement en raison de sa production de semi-conducteurs, mais aussi parce que l'État insulaire offre un « accès direct à la deuxième chaîne d'îles ». Celle-ci s'étend du Japon à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, en passant par la colonie et la base militaire américaine de Guam et Palau. Si la Chine avait le contrôle de Taïwan, ses forces armées pourraient y faire irruption. En outre, le document précise que « Taïwan divise l'Asie du Nord-Est et du Sud-Est en deux théâtres d’opérations ». Si les forces chinoises se trouvaient sur l'île, elles pourraient créer une fracture entre les troupes étasuniennes au Japon et en Corée du Sud, d'une part, et aux Philippines, d'autre part.

Les beaux discours qui parlent de « protéger la démocratie à Taïwan » semblent désormais bien loin. Il n'y a pas un mot à ce sujet dans la stratégie de sécurité. Washington parle clairement de la situation en mer de Chine méridionale : il ne craint pas que les États voisins plus faibles puissent revendiquer des droits sur les innombrables récifs ou bancs de sable présents dans ces eaux, mais plutôt qu'une « puissance potentiellement hostile » puisse y prendre le contrôle. Ce qui est visé, c’est la Chine et ses tentatives de contrôler les eaux au large de ses côtes, en prévision de potentielles attaques.

Ce qui est nouveau dans la stratégie de sécurité nationale, c'est surtout autre chose. Dans le contexte de la lutte contre la Chine, l'Amérique latine gagne considérablement en importance. La raison : non seulement la Russie y est présente ponctuellement (par exemple, au Venezuela), mais surtout la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la région (hors Mexique) et un investisseur majeur dans les infrastructures critiques, des ports aux réseaux 5G. Cela doit changer. La stratégie US est claire : « Nous voulons que les autres États nous considèrent comme des partenaires de premier choix », et « on compliquera leur coopération avec d'autres pays par divers moyens ». Dans la pratique, cela signifie surtout : mettre hors jeu la Russie et la Chine.

Ce magnifique plan reçoit évidemment un magnifique nom dans ce magnifique document stratégique : « Amendement Trump à la doctrine Monroe ». Concrètement, Washington vise notamment les réserves de matières premières en provenance d’Amérique du Sud, comme le lithium d'Argentine, de Bolivie et du Chili, ainsi que les « chaînes d'approvisionnement critiques » du continent. Mais il s'agit en outre explicitement de renforcer la présence militaire en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que d'intensifier la coopération militaire et en matière d'armement avec les pays de la région : « des ventes d'armes aux manœuvres communes en passant par les échanges de services secrets ». C’est au déploiement de cette stratégie qu’on assiste actuellement au large des côtes du Venezuela. Et si l'on en croit la stratégie de sécurité nationale de Trump & Co, d'autres mesures suivront.