Le vol de l’index : 40 questions, 0 réponses, 100 % injuste
Le gouvernement De Wever–Bouchez ne se contente pas de voler l’indexation des salaires, leur mesure pose aussi un sacré paquet de problèmes. Au moins 40 questions restent sans réponse.
Il devient de plus en plus clair que le gouvernement devra probablement repousser le blocage de l’index au moins jusqu’en 2027.
Le gouvernement Arizona veut faire croire que le blocage est déjà décidé, mais c’est faux. Rien n’est encore voté, et surtout : leur accord ne tient qu’à un fil.
« C’est déjà ce qui ressortait la semaine dernière à la Chambre, explique notre secrétaire général Peter Mertens. Le ministre concerné, David Clarinval (MR), a refusé de répondre à mes questions, et le chef de groupe N‑VA, Axel Ronse, est resté dans le silence. »
La mesure toucherait le pouvoir d’achat de centaines de milliers de travailleurs. Pas une seule fois, mais pendant toute leur carrière
Secrétaire général
« Le blocage de l’indexation “donne des sueurs froides au gouvernement”, titrait le journal flamand Het Laatste Nieuws. Ce que j’en pense ? Le gouvernement n’a rien compris. Et il ferait mieux de laisser tomber », ajoute Peter Mertens.
« La mesure toucherait le pouvoir d’achat de centaines de milliers de travailleurs. Pas une seule fois, mais pendant toute leur carrière : le manque à gagner dû au vol de l’index s’accumule d’année en année. Incompréhensible, et inacceptable. »
« Il apparaît désormais qu’ils devront probablement repousser le blocage d’au moins un an. Continuons à faire monter la pression, pour que le report devienne un abandon de la mesure », conclut Peter Mertens.
Un champ de mines
Il y a une semaine, le gouvernement annonçait vouloir bloquer l’indexation des salaires deux fois : pour les revenus bruts mensuels dès 4 000 euros, et pour les allocations et pensions à partir de 2 000 euros bruts. Depuis, c’est le flou partout.
Au moins 1,3 million de travailleurs et 1,2 million de pensionnés risquent d’être victimes de ce vol d’index. Qui exactement, comment, et quand ? Personne ne le sait. Le gouvernement croyait pouvoir aller chercher rapidement de l’argent chez la classe travailleuse, mais semble plutôt s’embourber dans un champ de mines de lois complexes et inapplicables. Cette proposition peut d’ailleurs entraîner des discriminations, et donc des procès.
Les gens ne savent pas à quoi s’en tenir. Le PTB a lancé un calculateur pour mesurer l’impact du vol de l’index. Sur le site www.vol-index.be, plus de 30 000 personnes ont déjà estimé leur perte possible.
Combien vous coûterait le vol de l'index ?
40 questions
L’inquiétude est forte. C’est pourquoi nous adressons les 40 questions suivantes au ministre :
Ne créera‑t‑on pas une discrimination entre temps plein et temps partiel ?
Salarié 1 travaille à temps plein et gagne 4 500 euros bruts. Les 500 euros au‑dessus de 4 000 euros ne seront pas indexés.
Salarié 2 effectue le même travail que salarié 1, mais à temps partiel, et gagne 3 700 euros bruts. Si son salaire est entièrement indexé, son salaire horaire serait plus élevé que celui de salarié 1. Cela constituerait une discrimination.
Certains experts disent : « Oui, mais il faut appliquer le plafonnement de façon proportionnelle sur la base d’un équivalent temps plein. Sinon, on aura des ennuis juridiques. Donc quiconque travaille à temps partiel verra aussi son indexation plafonnée en fonction de ce qu’il gagnerait à plein temps. »
D’accord, mais dans ce cas, on introduit une autre discrimination. Deux salariés sous le seuil des 4 000 euros, dont l’un verra son indexation plafonnée et l’autre non.Le double pécule de vacances sera‑t‑il pris en compte pour déterminer si le seuil de 4 000 euros bruts par mois est dépassé ?
La prime de fin d’année sera‑t‑elle prise en compte pour déterminer si le seuil de 4 000 euros bruts par mois est dépassé ?
Les bonus, primes et autres avantages sont‑ils comptés pour déterminer si le seuil de 4 000 euros bruts par mois est dépassé ?
Les commissions des agents commerciaux et autres salariés rémunérés à la commission sont‑elles prises en compte pour déterminer si le seuil de 4 000 euros bruts par mois est dépassé ?
Le seuil de 4 000 euros bruts par mois est‑il calculé purement sur une base mensuelle ou sur une moyenne trimestrielle, annuelle ou autre ?
Comment le chiffre indexé plafonné sera‑t‑il appliqué pour des travailleurs dont l’indexation intervient plus d’une fois par an, par exemple chaque mois ?
Ne créera‑t‑on pas une discrimination entre secteurs différents ?
Les indexations ne se font pas au même moment dans tous les secteurs (par exemple, CP 200 le 1er janvier, CP 111 le 1er juillet, le secteur bancaire : indexation biennale, etc.). Certains travailleurs seront plafonnés plus vite que d’autres. Ce serait discriminatoire.Une grande partie des salaires sera indexée le 1er janvier 2026. Les textes de loi ne seront alors probablement pas encore adoptés. Pourtant, vous avez déjà prévu un rendement de 272 millions d’euros dans vos tableaux budgétaires. Comment pensez‑vous procéder ? Envisagez‑vous une application rétroactive ? Ce serait illégal.
Quel sera l’impact sur la consommation ? Quelles seront les conséquences économiques pour les petits indépendants à cause de la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs ?
Le montant forfaitaire de l’indexation correspond‑il à 80 euros (2 % de 4 000 euros bruts) ou bien à l’application du pourcentage d’indexation (qui peut dépasser 2 % selon la méthode d’indexation de la commission paritaire) sur le plafond de 4 000 euros ?
Le plafonnement sera‑t‑il exactement de 2 %, ou selon l’indexation sectorielle (supérieure ou inférieure) ?Est-il légal d’intervenir dans les conventions collectives de travail entre organisations patronales et syndicats qui déterminent les mécanismes d’indexation et les barèmes ?
- Comment calculez‑vous le rendement budgétaire indiqué dans le tableau (272 millions en 2026, 391 millions en 2027, 754 millions en 2028, 883 millions en 2029) ?
Ce rendement reposerait sur 4 composantes :
Composante 1 : l’économie réalisée en n’indexant pas la partie des allocations sociales qui dépasse 2 000 euros.
Composante 2 : l’économie réalisée en n’indexant pas la partie des salaires des fonctionnaires qui dépasse 4 000 euros.
Composante 3 : le paiement par les employeurs de la moitié de l’indexation non accordée aux travailleurs du privé.
Composante 4 : la perte de recettes de l’État en raison du plafonnement de l’indexation pour les salariés du privé, les pensionnés et les bénéficiaires d’allocations sociales. L’État et la sécurité sociale ne percevront pas de cotisations ni d’impôts sur l’indexation non accordée pour la part dépassant les 4 000 euros ou 2 000 euros.
Quels sont les montants de ces 4 composantes ? Quelle est la perte de cette opération pour la sécurité sociale à court et moyen terme ?
Quelle est la perte pour l’impôt des personnes physiques ?
La perte de recettes de l’impôt des personnes physiques au niveau communal sera‑t‑elle compensée ? Les communes ont déjà posé leur plan à long terme.
Quel mécanisme sera appliqué pour que les entreprises remboursent à l’État la moitié du plafonnement ? Comment cela sera‑t‑il fait concrètement ?
Combien de temps les entreprises auront‑elles pour rembourser la moitié du plafonnement à l’État ?
Que se passera‑t‑il si un employeur ne rembourse pas la moitié du plafonnement à l’État ? Quels contrôles et sanctions seront prévus ?
Dans quel budget iront les remboursements ? Sécurité sociale, dépenses militaires… ?
À combien estimez‑vous les coûts techniques, informatiques, administratifs et juridiques nécessaires pour appliquer ce mécanisme de plafonnement ?
Un rapport de la Banque nationale critique le « saut d’index » de 2015, en rappelant que cela avait entraîné une hausse des prix et que les entreprises avaient redistribué les gains aux actionnaires. Cela avait réduit la compétitivité au lieu de l’augmenter. Qu’en tire le gouvernement comme leçon ?
Le gouvernement va‑t‑il demander l’avis des syndicats, qui représentent les travailleurs ? Et si oui, va‑t‑il réellement en tenir compte ?
Le seuil de 4 000 euros est‑il un montant fixe ou sera‑t‑il indexé lors de l’application du plafonnement de l’indexation en 2028 ?
Le seuil de 4 000 euros bruts sera‑t‑il converti en salaire horaire pour les ouvriers ?
Qu’en est‑il des travailleurs qui ont plusieurs emplois ?
Qu’en est‑il des travailleurs qui font des heures supplémentaires ?
Que se passe‑t‑il en cas de suspension du contrat de travail ?
Qu’en est‑il des flexi‑jobs ?
Qu’en est‑il des travailleurs en crédit‑temps ?
Concernant les allocations sociales, le dépassement du seuil de 2 000 euros sera‑t‑il calculé sur le montant effectivement versé chaque mois (qui peut varier selon le nombre de jours indemnisés pour maladie ou chômage) ? Ou le montant de 2 000 euros sera‑t‑il converti en allocation journalière ?
Comment la limite sera‑t‑elle calculée pour une travailleuse à temps partiel qui reçoit une garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA) ?
Comment la limite sera‑t‑elle calculée pour une travailleuse à temps partiel qui reçoit une pension de survie ?
Comment la limite sera‑t‑elle calculée pour des pensionnés qui perçoivent aussi une pension de l’étranger ?
Comment la limite sera‑t‑elle calculée pour une personne malade qui reprend un travail adapté avec l’accord du médecin-conseil et qui reçoit à la fois un salaire pour le travail adapté et une allocation de maladie, diminuée ?
Si un travailleur obtient ensuite, avec effet rétroactif, une correction salariale positive et dépasse pour les mois passés le seuil, faut‑il recalculer l’indexation ?
Un calcul salarial doit être transparent. Chaque travailleur doit pouvoir vérifier lui-même si l’indexation a été appliquée correctement. La complexité rend cela impossible pour beaucoup. Comment le gouvernement compte‑t‑il régler ça ?
Quel sera l’impact du blocage de l’indexation sur le calcul de la norme salariale 2025‑2026 ? Sera‑t‑elle ajustée ? Quel est l’impact futur du blocage sur le calcul de la norme salariale 2027‑2028 ?
On entend dire qu’en cas de blocage de l’indexation, beaucoup d’employeurs passeront à ce qu’on appelle des « rémunérations alternatives ». Cela leur permettrait de payer moins de cotisations sociales, avec toutes les conséquences pour la sécurité sociale. Quelle sera l’incidence à court et long terme ?
Quelles administrations sont concernées par l’élaboration et l’application de cette mesure ? Combien de temps auront‑elles besoin pour garantir une application sans faille et un suivi ?