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« La politique du deux poids deux mesures est abjecte »

Le quotidien allemand Junge Welt s'est entretenu avec notre secrétaire général Peter Mertens pour parler de notre solidarité avec le peuple palestinien et de la lutte pour l'émancipation du Sud global.

Mercredi 29 novembre 2023

Entretien réalisé par Nick Brauns et paru le 22 novembre 2023 dans Junge Welt.


Lors des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien en Belgique, les drapeaux et banderoles du PTB sont bien visibles. Quelle est la position de votre parti sur la guerre à Gaza ?

Un nettoyage ethnique est en cours contre le peuple palestinien à Gaza. Les victimes sont nombreuses parmi la population civile, y compris des enfants. Ce nettoyage entraîne la destruction à grande échelle d'infrastructures civiles comme les hôpitaux. C'est une guerre d'extermination retransmise en direct à la télévision. Et ce n'est pas seulement une guerre contre les Palestiniens. C'est aussi, en quelque sorte, une guerre contre le droit international, car des pays comme Israël se croient manifestement au-dessus des lois.

Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

Il existe 104 résolutions des Nations unies concernant Israël qui condamnent l'État d'apartheid, l'occupation, la politique de colonisation, la guerre illégale contre les civils et les infrastructures civiles. Mais elles n'ont aucune conséquence. En revanche, un mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, il était déjà question dʼun mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale contre Poutine pour l'expulsion de 6 000 enfants. Un acte poursuivi en tant que crime de guerre. À ce jour, Israël a tué 5 000 enfants à Gaza, et aucune véritable enquête n'a encore été ouverte à ce sujet. Le procureur en chef de la Cour pénale internationale, Karim Khan, s'est rendu fin octobre à Rafah, à la frontière avec Gaza, mais où sont les mandats d'arrêt contre Netanyahou et les dirigeants de l'armée israélienne ? Alors qu'un embargo sur les armes a été immédiatement décrété contre la Russie, il n'existe pas d'embargo de ce type de la part de l'Union européenne contre Israël. L'UE discute actuellement du onzième train de sanctions contre la Russie, mais aucune sanction de ce type n'est décrétée envers Israël. Cette politique du deux poids deux mesures est tout simplement abjecte.

Que défend votre parti ?

Il est temps de mettre un terme à l'impunité d'Israël. Nous avons adressé quatre demandes immédiates au gouvernement belge. Nous voulons que la Belgique dépose une plainte contre Netanyahou auprès de la Cour internationale de justice, car seul un gouvernement est habilité à le faire. L'accord d'association entre l'Union européenne et Israël doit être suspendu. Nous voulons que l'ambassadeur belge soit rappelé d'Israël. Enfin, nous réclamons un embargo complet sur les armes à destination d'Israël. Je suis d'ailleurs intervenu au Parlement dans ce sens. Pour imposer un cessez-le-feu, notre pays doit bloquer le transit de matériel militaire vers Israël. Les syndicats belges ont d'ores et déjà décidé de ne pas charger ou décharger de bateaux ou d'avions transportant des armes pour Israël. Car il s'agit de faire preuve de solidarité avec la Palestine, non pas en paroles, mais en actes.

Cette décision des syndicats existe-t-elle donc en dehors des simples déclarations écrites ? Est-elle réellement mise en œuvre ?

Dans les aéroports, ces livraisons sont effectivement bloquées. Mais les transporteurs ne connaissent pas le contenu précis de chaque conteneur. C'est pourquoi nous avons besoin de toutes les informations à ce sujet. Les syndicats doivent être pleinement informés sur le fait que la Belgique continue ou non à fournir des armes à Israël. Ici, l'opinion publique a beaucoup évolué en faveur de la solidarité avec le peuple palestinien. C'est très important.

Quelle est la position des sept partis politiques qui font partie du  gouvernement belge et quelle est celle de l'opposition sur le conflit au Proche-Orient  ?

Actuellement, le gouvernement est divisé sur cette question. Il y a en son sein des forces qui plaident pour un cessez-le-feu immédiat. Et il a décidé la semaine dernière de mettre 5 millions d'euros à la disposition de la Cour pénale internationale pour enquêter sur les crimes de guerre, ce qui est une bonne chose. En revanche, les libéraux francophones, deuxième parti du gouvernement, adoptent une position très pro-israélienne. Même le plus grand parti flamand, la N-VA, se positionne ouvertement et clairement en faveur d'Israël au sein de l'opposition.

Les bureaux du PTB affichent des drapeaux palestiniens. Cela contraste fortement avec le parti allemand die Linke  et le groupe qui s'en est détaché, Bündnis Sahra Wagenknecht, qui ont du mal à afficher publiquement une telle solidarité et ne cessent de souligner le droit d'Israël à se défendre contre le Hamas.

Je viens de publier mon nouveau livre « Mutinerie - comment le monde bascule » sur l'évolution de la position du Sud global face au camp impérialiste des États-Unis. J'y décris cinq grands tournants entre 1991 et 2022. Nous vivons actuellement un sixième tournant dans la manière dont le monde observe l'Europe et les États-Unis. Si nous laissons de côté notre vision eurocentrique, nous voyons que le Sud global parle d'une seule voix pour soutenir la Palestine. L'Asie, l'Afrique, l'Amérique du Sud, les Caraïbes condamnent également unanimement l'hypocrisie de l'Europe qui, d'une part, fait la leçon à tout le monde et tente de dicter aux autres comment ils doivent voter sur la guerre entre la Russie et l'Ukraine et, d'autre part, laisse tout passer à Israël. L'enjeu n'est pas seulement Israël et la Palestine, mais aussi le droit international et la position de l'Europe et des États-Unis dans cet ordre mondial qui court à sa fin. C'est pourquoi je pense que toute force progressiste en Europe doit se ranger du côté des forces du Sud, dans la défense de leur souveraineté et de leur droit à résister à l'impérialisme. C'est également important pour les peuples européens eux-mêmes. Car il ne peut y avoir de liberté pour la classe travailleuse en Europe, en Belgique, tant que l'UE continuera de promouvoir le colonialisme et d'exporter des armes. C'est pourquoi il y a cet appel de la classe travailleuse belge, des syndicats, qui dit : nous ne voulons pas être complices d'un génocide.

En Allemagne, mais aussi en France, de fortes pressions s'exercent sur les Palestiniens qui y vivent et sur le mouvement de solidarité. Cela va jusqu'à l'interdiction d'organisations et de manifestations. Des militants des droits humains qui se mobilisent pour un cessez-le-feu se font déjà traiter de partisans du Hamas. Est-ce similaire en Belgique ?

Non, pas à ce point-là. La Belgique est un petit pays entre la France et l'Allemagne, et la droite belge aimerait bien adopter la politique de ces pays sur cette question. Mais je ne pense pas qu'elle y parviendra. Car la pression pour mettre fin à cette guerre génocidaire est tout simplement trop forte, les protestations sont trop intenses. Au niveau démocratique, dans les universités, dans les syndicats, il y a là aussi une différence avec l'Allemagne et la France. Et les médias ont ici leur ligne rouge - les crimes de guerre quotidiens à Gaza sont désormais documentés et ne peuvent plus être justifiés. Le fait qu'il y ait chez nous une presse qui continue à parler de ces crimes de guerre agace l'ambassade israélienne. L'ambassade souhaitait présenter au Parlement un film sur les attaques du Hamas du 7 octobre, mais cela a été refusé. Au final, c'est du Parlement belge qu'il s'agit, et non de celui d'Israël ou des États-Unis. Il y a ici bien sûr une grande pression de la part des ambassades d'Israël et des États-Unis. Mais si le mot « souveraineté » a encore un sens, il faut évidemment être souverain face à cette attitude des États-Unis et d'Israël.

Nous discutons ici en marge du Tribunal international contre le blocus américain contre Cuba au Parlement européen. Dans votre discours de bienvenue, vous avez souligné les points communs entre les attaques contre Cuba et la Palestine. En quoi consistent-ils ?

Lors du dernier vote de l'Assemblée générale des Nations unies, le 2 novembre, 187 pays ont voté pour la levée du blocus illégitime et criminel contre Cuba. Parmi tous les pays du monde, les États-Unis ne trouvent plus qu'un seul État, Israël, pour les soutenir contre Cuba. Le seul pays à se ranger du côté de Washington est un État d'apartheid, qui impose depuis des années un blocus illégal à la bande de Gaza. Les fauteurs de guerre tels que les États-Unis et Israël sont de plus en plus isolés et font face aux voix qui exigent avec toujours plus d'insistance le respect du droit international et la fin de la politique hypocrite du deux poids deux mesures.