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Krach bancaire : une nouvelle crise a-t-elle commencé ?

Au cours des trois dernières semaines, plusieurs banques ont fait faillite aux États-Unis et en Europe. Cela a commencé avec la Silicon Valley Bank aux États-Unis, une banque de la taille de Belfius, spécialisée dans les services bancaires aux entreprises technologiques. Peu de temps après, en Europe, le Crédit Suisse a également chuté, alors que cʼétait autrefois la neuvième plus grande banque du monde. Aujourd'hui, la Deutsche Bank, elle aussi un gros poisson, suscite de vives inquiétudes. Sommes-nous à l’aube d'une nouvelle crise bancaire ?

Jeudi 30 mars 2023

Il y a de la crise dans l'air

Si l'on en croit les dirigeants des gouvernements américains et européens, il n'y a pas de problème. Tout est sous contrôle. Le gouvernement américain a débloqué 300 milliards de dollars en un week-end pour redresser son secteur bancaire. Les Suisses ont débloqué 50 milliards de francs suisses (soit environ 50 milliards d'euros) et fusionné le Crédit Suisse avec son principal concurrent, UBS, afin d'éviter le risque d'une nouvelle crise bancaire. L'avenir nous dira si cette initiative aura été couronnée de succès.

Depuis un an, le monde financier connaît un véritable glissement de terrain. Emprunter de l'argent coûte beaucoup plus cher aujourd'hui qu'il y a un an. En effet, les banques centrales d'Europe et d'Amérique, entre autres, ont relevé leurs taux d'intérêt, ce qui rend les emprunts beaucoup plus coûteux. Elles espèrent ainsi réduire l'inflation en ralentissant l'économie. C'est un moyen très brutal d’enrayer la hausse des prix.

L'effondrement de banques est le résultat direct de cette stratégie. Celles-ci n'étaient pas préparées à une hausse des taux d'intérêt et se sont retrouvées en difficulté. Il fallait s'attendre à ce que certaines parties du monde financier réagissent mal aux interventions des banques centrales. Mais en réalité, l'objectif de la hausse des taux d'intérêt était de transférer le coût de la crise du pouvoir d'achat sur les travailleurs et travailleuses.

Pour mieux comprendre cela, il faut d'abord prendre un peu de recul. Qu'est-ce qu'une banque centrale ? Quel rapport tout cela a-t-il avec l'augmentation des factures d'énergie et des prix dans les magasins ? Et comment arrêter l'inflation sans nous faire payer la facture ?

Les banques centrales doivent protéger le capitalisme de lui-même

La vie devient très chère, très vite. Les prix dans les supermarchés montent en flèche, nos factures d'énergie sont toujours très salées, et toutes sortes de prix et de tarifs sont augmentés partout. Depuis plus d'un an, notre pays est sous l'emprise d'une hausse des prix, c'est-à-dire d'une « inflation » élevée.

Si l'inflation est élevée, ce n'est pas à cause des travailleurs, mais à cause de la soif de profit de certaines grandes entreprises monopolistiques. Par exemple, grâce à la crise énergétique, les entreprises du secteur de l’énergie peuvent imposer des prix plus élevés et réaliser des milliards de surprofits. De nombreuses entreprises monopolistiques, dans le secteur alimentaire notamment, jouent ce jeu, augmentent leurs prix et réalisent des surprofits. En agissant de la sorte, elles ne font qu'augmenter l'inflation.

Les entreprises monopolistiques sont gagnantes grâce à l'inflation et enrichissent leurs actionnaires. Toutefois, cela ne veut pas dire que les super-riches voient d’un bon œil cette inflation élevée. En effet, ce sont eux qui détiennent le plus grand capital et, lorsque les prix augmentent rapidement, ils peuvent acheter moins avec leur capital, qui perd donc de sa valeur.

Et dans une période d'inflation incertaine, il est également difficile pour les capitalistes d'estimer dans quel secteur les investissements seront les plus rentables. En conséquence, les investissements sont remis à plus tard, et des bénéfices sont manqués.

Enfin, élément non négligeable, la hausse des prix donne lieu à des actions sociales légitimes. Les travailleurs se mobilisent pour obtenir un ajustement de leurs salaires. Les grandes manifestations organisées dans toute l'Europe pour réclamer plus de pouvoir d'achat, comme celle qui vient d'avoir lieu cette semaine en Allemagne, en sont de très bons exemples.

Les capitalistes ont donc intérêt à résoudre ce problème, mais le marché libre ne le fera pas à leur place. Augmenter les prix est un choix logique pour un capitaliste individuellement, mais c’est problématique pour le système dans son ensemble. C’est pourquoi la banque centrale a été chargée de stabiliser les prix. Cependant, la méthode choisie pour y arriver est néfaste pour la classe travailleuse.

Les banques centrales roulent pour les riches

Depuis les années 1970, les banques centrales occidentales, comme la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis, ont fait allégeance à l'idée néolibérale de Milton Friedman selon laquelle l'inflation est « toujours et partout un phénomène monétaire ». Selon Friedman, la seule politique utile pour lutter contre l'inflation est donc de limiter la quantité de monnaie en circulation. Pour ce faire, les banques centrales augmentent leurs taux d'intérêt.

Banques centrales, taux d'intérêt et politique de monnaie gratuite

La banque centrale est une sorte de « banque des banques » : c'est l'institution auprès de laquelle les banques elles-mêmes contractent des prêts et placent de l'argent sur un compte de dépôt. Il ne s'agit toutefois là que d'une partie de l'histoire. C'est également la banque centrale qui est à l'origine de notre monnaie. Elle est en effet responsable de notre système financier, et doit veiller à l'intégrité et à la légitimité de la monnaie. La logique veut que, dans la mesure où les prix ont un impact sur ce qu’on peut acheter avec de l’argent, la banque centrale doive également garantir une certaine stabilité des prix. Les banques centrales visent une inflation moyenne de 2 %. En d'autres termes, elles acceptent qu'en un an, les prix augmentent en moyenne de 2 %.

Les banques centrales disposent d'un pouvoir important : elles peuvent fixer les taux d'intérêt de leurs prêts. Avec ce levier, elles tentent de contrôler la quantité d'argent qui circule dans l'économie. En effet, le taux d'intérêt qu’elles fixent détermine également les taux d'intérêt auxquels les entreprises et les particuliers peuvent emprunter auprès des banques « ordinaires ». En décidant de réduire leurs taux d'intérêt, les banques centrales font baisser les taux d'intérêt dans toute l'économie, facilitant dès lors les emprunts, donc les investissements, ce qui doit stimuler l'économie. Et lorsqu'elles augmentent les taux d'intérêt, elles ralentissent l'économie. Elle espèrent ainsi réduire la demande globale de produits, de sorte que les prix de ces produits diminuent également, en réponse à la baisse de la demande.

Depuis la crise financière de 2008, les banques centrales ont également développé un autre outil. Lorsque le monde bancaire, après des années de soi-disant « stabilité », s'est soudainement retrouvé au bord de la faillite, les banques centrales ont toutes débloqué des quantités massives d' « argent gratuit » au bénéfice du secteur bancaire. Lorsque la pandémie de coronavirus s'est déclarée, de l'argent a de nouveau été injecté massivement afin de limiter la récession économique due aux confinements. Au total, depuis la grande récession de 2008, le montant d'argent figurant au bilan de la Banque centrale européenne, pour ne citer qu'elle, est passé de 2 000 milliards à 8 000 milliards d'euros. Toutefois, la majeure partie de cet argent n'est jamais entrée dans l'économie productive. Il a surtout fait éclater des bulles dans le monde financier. Depuis la recrudescence de l'inflation, on tente de réduire à nouveau ce bilan. 


Ainsi, 2022 n'a pas seulement été l'année du retour de l'inflation, mais aussi celle de la fin des taux d'intérêt bas, voire négatifs. En mars 2022, les États-Unis ont commencé à relever progressivement leurs taux d'intérêt et, depuis l'été, la Banque centrale européenne leur a emboîté le pas. Pour promouvoir chaque augmentation, les directeurs de ces puissantes institutions monétaires, Jerome Powell (président de la Fed) et Christine Lagarde (présidente de la BCE), font des annonces fracassantes déclarant la guerre à l'inflation. Ils affirment qu'ils ne s'arrêteront pas tant que l'inflation n'aura pas atteint à nouveau 2 %.

« Nous devons cesser de stimuler la demande de pouvoir d'achat », a déclaré Mme Lagarde lorsque les taux d'intérêt ont été relevés en novembre dernier. Même si les salaires réels dans la zone euro ont fortement baissé l'année dernière, cela n'est pas suffisant à ses yeux. Pourtant, même sa propre BCE contredit l'idée que cela puisse fonctionner. L'inflation que nous connaissons aujourd'hui ne sera pas maîtrisée par une hausse des taux d'intérêt, car elle est le résultat des problèmes d'offre et des tentatives des entreprises monopolistiques de réaliser des surprofits. En d'autres termes, la hausse des prix n'est pas due à un excès de demande de pouvoir d'achat de la part de la population active, mais à une offre insuffisante de la part des producteurs. Des taux d'intérêt plus élevés ne changeront pas cette situation dans l'immédiat, à moins qu'ils ne provoquent l'effondrement de l'ensemble de l'économie.

L'impact des hausses de taux d'intérêt n'est pas le même pour tous. C'est de bon augure pour les super-riches, qui observent une hausse des intérêts de leur capital. En revanche, cela fait une quinzaine d'années que les pouvoirs publics, les ménages et de nombreuses entreprises sont profondément endettés. Les taux d'intérêt élevés font grimper en flèche le coût de ces dettes. Parmi les conséquences, citons les faillites, les ménages incapables de rembourser leurs prêts, et les gouvernements qui seront contraints de procéder à des coupes budgétaires. Aussi faut-il s'attendre à une nouvelle vague d'austérité. Même si nous sommes déjà au bord de la récession, les hausses de taux d'intérêt ne feront qu'accélérer et approfondir la crise à venir. Et c'est exactement ce que les banques centrales envisagent de faire.

Ainsi, les banques centrales ne laissent pas de doute quant à la classe dont elles servent les intérêts. De fait, elles partent de l'idée qu'elles doivent tout faire pour que la classe travailleuse paie l'inflation. Elles cherchent à provoquer une récession qui augmente le chômage. À leurs yeux, cela permettrait de réduire le revenu disponible des travailleurs, la demande de produits et, par-là même, l'inflation. Il s'agit d’une stratégie très grossière.

Une stratégie délibérée visant à briser notre pouvoir

Les banques centrales espèrent également affaiblir la classe travailleuse. Réduire notre capacité à défendre des salaires plus élevés, en réponse à la hausse des prix. Dans les années 1970, nous avons également connu une forte inflation, et à cette époque, on a aussi tenté de l'enrayer par une hausse rapide des taux d'intérêt. Alan Budd, conseiller économique de la Première ministre britannique de l'époque, Margaret Thatcher, a contribué à définir la politique de la Banque centrale britannique. Plus tard dans sa vie, il a explicitement admis quelle était leur stratégie : « Parmi ceux qui ont décidé de relever les taux d'intérêt [...], il y en a certainement qui n'ont jamais cru que c'était la bonne façon de réduire l'inflation. En revanche, ce dont ils étaient conscients, c'était qu'il s'agissait d'un très, très bon moyen d'augmenter le chômage, et l'augmentation du chômage était extrêmement souhaitable pour briser le pouvoir de la classe travailleuse. »

Avec leurs hausses de taux d'intérêt, les banques centrales suivent la même voie que dans les années 1970 ; leur stratégie n'a pas changé au cours de ces 50 dernières années.

Si les prix augmentent trop vite, il faut les bloquer

Cependant, il existe de nombreux autres moyens de lutter contre l'inflation sans frapper les travailleurs. Pour arrêter la hausse des prix, il faut les bloquer. Ce sont les prix élevés des biens essentiels, tels que l'énergie et les denrées alimentaires, qui rendent notre vie chère aujourd'hui et qui enrichissent encore plus un petit groupe d'entreprises monopolistiques. 

Les hausses de taux d'intérêt imposées par les banques centrales nous coûteront encore beaucoup d'argent, et feront entrer l'économie en récession. Si nous continuons sur cette voie, il n’y aura pas que quelques banques qui s'effondreront. Nous devons emprunter un autre chemin pour maîtriser l'inflation.

Pour enrayer l’inflation, nous pouvons taxer les surprofits de ces entreprises et bloquer les prix. Ainsi l'inflation diminuera, notre pouvoir d'achat sera renforcé et nous éviterons une nouvelle récession et une nouvelle crise bancaire. Il existe des solutions pour éviter la spirale de la crise, mais il nous faut sortir de la logique néolibérale des banques centrales.

Cet article est basé sur un extrait de l'article « Inflation ou pas, c'est la lutte des classes qui détermine qui paie », tiré du Lava magazine 24.