Faisons des économies sur les profits de Big Pharma, pas sur le dos des patients
La prochaine fois que vous irez à la pharmacie pour acheter des anti-cholestérol ou des antiacides, vous pourriez être surpris : d’ici peu, le prix de ces médicaments va grimper. Pour financer ses économies de 907 millions d'euros, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) veut augmenter fortement le prix de certains médicaments. La casse du gouvernement Arizona affecte notre portefeuille et, à long terme, notre santé en pâtira aussi. Alors que les grandes sociétés pharmaceutiques réalisent des milliards de bénéfices grâce à leurs médicaments hors de prix, les patients doivent dépenser de plus en plus d'argent pour des besoins de base.
Sofie Merckx


Sofie Merckx, députée PTB à la Chambre et médecin généraliste.
Des coûts et des risques importants pour les patients
Fin juillet, l’Arizona l'a ouvertement reconnu : ils n'investiront pas dans les soins de santé, mais réaliseront 907 millions d'euros d’économies en un an. Pour ce faire, le ministre Vandenbroucke va chercher l'argent chez les patients. Selon lui, nous consommons trop d’anti-cholestérol et d'antiacides. C’est pourquoi le prix de ces médicaments devrait augmenter. Vu que la moitié des Belges en consomment, de nombreuses personnes seront impactées. Selon les chiffres de Solidaris, un million de patients devront débourser 130 euros de plus par an pour leurs médicaments. Résultat : certains devront interrompre leur traitement pour des raisons financières. C’est inacceptable.
Consommons-nous trop de médicaments ?
Il est vrai que les anti-cholestérol sont consommés en masse. Mais pour la plupart des gens, c'est une nécessité : faire baisser leur taux de cholestérol leur permet de réduire considérablement le risque d’AVC ou d'infarctus. Le fait que ces médicaments coûtent plus cher n'aura aucun effet sur leur consommation. Seules les personnes qui ont déjà des difficultés financières devront interrompre leur traitement. On parle alors de sous-consommation, une situation dans laquelle des gens qui ont besoin d’un traitement en sont privés parce qu’ils ne peuvent pas se le permettre. Cette mesure crée donc des problèmes au lieu de les résoudre.
Cela étant dit, d’autres solutions devraient être prévues pour les patients qui ne sont pas dans un état grave. Le meilleur moyen d'avoir un cœur en bonne santé est d'adopter un mode de vie sain, avec une alimentation équilibrée, une activité physique suffisante et un poids sain. Sur ce plan, nous sommes encore de très mauvais élèves : nous ne consacrons que 3 % de notre budget de la santé à la prévention, alors que les chaînes de restauration rapide poussent comme des champignons.
Quel est le véritable problème ?
Le fait que nos dépenses en médicaments augmentent de façon incontrôlée n'est un secret pour personne. Ces dernières années, le budget est passé de 4 à 7 milliards. Il s'agit de l'un des secteurs qui connaît la hausse la plus importante dans le budget de l'INAMI. Selon Frank Vandenbroucke, cette hausse serait due à la surconsommation de certains médicaments. Qu’en est-il réellement ? Les chiffres contredisent ses propos.
Les médicaments destinés au système cardiovasculaire ne représentent que 6,9 % du budget total : il s’agit de médicaments bon marché et efficaces. Les médicaments contre le cancer représentent en revanche 42,8 % du budget, non pas parce qu'ils sont trop utilisés, mais parce qu'ils coûtent incroyablement cher. Entre 2014 et 2023, les dépenses liées aux traitements anticancéreux et immunitaires ont augmenté de 181 %. Cette augmentation est due à la commercialisation de nouveaux médicaments à des prix exorbitants. Les sociétés pharmaceutiques fixent le prix et nous le payons, aussi élevé soit-il. « Notre santé est ce que nous avons de plus précieux. Même si une entreprise augmente le prix d’un médicament de manière excessive, la demande ne faiblira pas. » Et les entreprises s’en donnent à cœur joie. Il s'agit là d'un modèle économique.
Le problème, ce ne sont pas les anti-cholestérol ou les antiacides. Alors que des milliards de bénéfices sont réalisés et que les entreprises continuent d'absorber des subventions, les patients sont invités à « faire un effort » au nom du budget. Ils consommeraient trop de médicaments, comme s’ils choisissaient d’en consommer ou de tomber malade. C’est pourquoi ils doivent payer plus cher.
Il faut s'attaquer aux prix, pas aux patients
Les sociétés pharmaceutiques font grimper les prix à leur gré. Elles réalisent ainsi des profits colossaux aux dépens de la société. Elles invoquent des dépenses élevées, mais il est évident que les prix ne sont plus proportionnels aux coûts réels. De plus en plus d'argent atterrit dans les poches des actionnaires.
Ces prix excessifs ne sont pourtant pas une fatalité. Solidaris estime que nous pourrions économiser 1 milliard d'euros si nous calculions les prix des médicaments sur la base de critères objectifs. Avec son Fair Price Calculator (calculateur du prix juste), Solidaris propose une méthode destinée à calculer un prix raisonnable qui tient compte des coûts réels. Si nous réalisons des économies sur les profits du Big Pharma, notre budget de la santé pourra bénéficier de la bouffée d'oxygène dont il a tant besoin.
Pour les médicaments génériques, nous pouvons suivre l'exemple des Pays-Bas, qui appliquent le célèbre modèle Kiwi, que Médecine pour le Peuple préconise depuis des années. Au moyen d’appels d'offres publics, la version la moins chère d'un médicament est remboursée, afin que les médicaments restent abordables pour les patients et pour l'INAMI.
Le gouvernement dispose donc de ressources suffisantes pour garder le budget de la santé sous contrôle sans mettre davantage les patients à contribution. C’est une question de volonté politique de proposer des soins de santé accessibles et d’aller chercher l’argent là où il est.