De Wever maintient qu’une telle collaboration n’est envisageable que si le Vlaams Belang se positionne du bon côté de la « Grande muraille » qui, selon le président de la N-VA, séparerait son propre « nationalisme inclusif » et l’idéologie d’extrême droite. Cependant, cette muraille se réduit peu à peu à peau de chagrin. Les divergences se limitent au style, mais le contenu est bel et bien similaire. « En réalité, écrit Bart Eeckhout, journaliste au Morgen, il s’agit plutôt d’une paroi composée de panneaux mobiles qui reculent de plus en plus. En repoussant progressivement ces panneaux, le VB est parvenu à mettre en place une bonne partie des 70 points de son programme révoltant ».
C’est bien ce qui ressort de la note de départ de Bart De Wever, qui conditionne les droits sociaux, ouvrant ainsi la voie à une société de citoyens de première ou seconde zone. Et ce, « non pas uniquement pour tenir compte de la victoire électorale du Vlaams Belang dans l’accord. La N-VA est bel et bien aussi à l’origine de cette proposition », insiste le politologue Carl Devos. « Selon la note, quiconque voudra faire valoir ses droits à la sécurité sociale flamande et à d’autres avantages sociaux devra auparavant avoir résidé pendant 5 ans en Belgique. Et ça, ce n’est rien d’autre qu’une sécurité sociale spécifique pour les étrangers. A savoir le point 49 du programme du Vlaams Belang », explique Sacha Dierckx. « Le point 54 de ce programme porte sur une réduction des allocations familiales pour les non-Européens. La note de départ prévoit une période d’attente de six mois pour les nouveaux arrivants. »
« Avec de nouvelles conditions, des contrôles et sanctions supplémentaires, la N-VA rend l’intégration et la participation des nouveaux arrivants plus difficile dans la société, réagit Landry Mawungu, directeur du Minderhedenforum (Forum des minorités), ce sont des mesures qui atteignent petit à petit les personnes les plus vulnérables et issues de l’immigration, et qui auront précisément l’effet inverse sur leur intégration ». Le Gezinsbond (la Ligue des familles flamande) et la Kinderrechtencoalitie (Coalition pour les droits de l’enfant) rappellent à cet égard que les allocations familiales constituent un droit de l’enfant, qui n’a pas à dépendre de la situation des parents. Restreindre ce droit ne fera qu’aggraver encore la pauvreté infantile dans notre pays.
Le Vlaams Belang reste le parti qu’il a toujours été, celui qui a été condamné en 2004 pour incitation à la haine et racisme. Les personnes sont les mêmes, le programme est le même, les objectifs sont les mêmes. Le Vlaams Belang n’a pas hésité à accueillir à bras ouverts Dries Van Langenhove, inculpé pour racisme, négationnisme et port d’arme illégal. Seul changement de cap dans le parcours du président actuel de la formation d’extrême droite, Tom Van Grieken : en matière de politique sociale, le Vlaams Belang se comporte désormais comme un loup dans la bergerie. Absolument aucune des mesures sociales avancées lors de sa campagne n’est reprise dans la note de départ, si durement négociée. La nouvelle devise du parti, favorable à une politique économique néolibérale dure, pourrait donc être « les riches d’abord ».
Le nationalisme qui rassemble…
Pour camoufler son attaque en règle vis-à-vis des travailleurs, Bart De Wever mise tout sur la création d’une « conscience flamande » collective. Il alimente le sentiment nationaliste pour nous faire croire que tous seront unis, du travailleur flexible à l’actionnaire, de l’allocataire social au PDG, dans la « Grande Flandre ». Bientôt, nous apprendrons au Musée de l’histoire flamande (dont la fondation est prévue dans la note) que les Flamands partagent une même histoire, de mêmes valeurs et de mêmes intérêts, en toute fraternité. La culture sera réduite au statut d’outil de propagande et de simple carte de visite pour la Flandre.
Bart De Wever pousse très loin l’instrumentalisation de l’enseignement, de la culture et de la chaîne publique VRT au service de son projet nationaliste. « Le nouveau ministre de la Culture devra se limiter à faire la promotion des “Maîtres flamands” qui, et c’est pathétique, finiront en vulgaires mascottes destinées à glorifier la grandeur de la Flandre », déplore Christophe Callewaert, qui ajoute : « la VRT devra elle aussi se consacrer à la formation de l’“identité flamande” ». De nombreux historiens s’insurgent aussi contre la création de « canons flamands », soit une liste de personnalités et d’événements flamands que chaque élève devra apprendre au cours de son parcours scolaire. Or, pour Karel Van Nieuwenhuyse, professeur à la KU Leuven, « le plaidoyer en faveur de tels canons flamands tend vers une forme de supériorité ».