COP30 : un accord trop faible, mais les mobilisations des pays du Sud ouvrent une brèche
Ce samedi 22 novembre, les pays réunis à Belém (Brésil) pour la COP30 se sont accordés sur une déclaration finale commune. Ce texte d’accord ressemble plus à un compromis minimal qu’à une réponse à l’urgence climatique, mais des initiatives venues du Sud donnent de l’espoir.
Par Mathieu Strale
Quelques avancées… et une grande déception
Tout d’abord, l’accord final comprend quelques bonnes nouvelles. Le texte de compromis reprend un appel à tripler le budget consacré à l’adaptation au réchauffement climatique. Cela reste un engagement flou, sur les montants, sur leurs destinations et sur le fait qu’il s’agira de fonds publics ou d’investissements privés. Mais cela montre la place centrale dans les discussions des besoins de financement pour le Sud.
Sous la pression de la présidence brésilienne, les questions de la déforestation et de la situation des peuples indigènes ont été discutées, et une initiative a été lancée pour protéger les forêts mondiales.
Les pays participants à la COP30 ont donc pu s’accorder sur certaines avancées, malgré l’absence des États-Unis de Trump, le plus grand responsable mondial du réchauffement climatique. Mais la déception est grande sur le point central : aucune mention claire d’une sortie des énergies fossiles.
1600 lobbyistes des énergies fossiles : comment négocier avec ceux qui sabotent ?
Alors que la première version du texte d’accord mentionnait explicitement les énergies fossiles, ce passage a disparu dans la version finale, reformulé en « invitations à agir », formulation vague qui ne contraint personne et qui permet aux plus gros pollueurs de continuer comme avant.
La COP30 est un recul sur cette question, puisque les textes finaux des deux précédentes COP indiquaient la nécessité de sortir des énergies fossiles, responsables de trois quarts des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Quand on sait que 1 600 lobbyistes liés au secteur du pétrole, du gaz ou du charbon étaient présents à Belém, on comprend pourquoi le mot « fossile » est devenu tabou. Une personne sur 25 présente à la COP30 représentait le secteur, un record historique selon la coalition d’ONG Kick Big Polluters Out.
Ainsi Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, faisait partie de la délégation officielle française, ce qui lui donnait accès à toutes les négociations. « Business as Usual » titre l’Observatoire des Multinationales, Pouyanné a été l’invité de toutes les dernières COP.
L’Europe et la Belgique hypocrites : grandes déclarations à Belém, reculs à Bruxelles
À la sortie de la COP30 , les négociateurs européens, dont le ministre fédéral belge du climat Jean-Luc Crucke, se présentent comme les « leaders climatiques » mondiaux. Si l’accord n’est pas ambitieux, c’est « la faute des autres ».
Pour autant, quelques jours plus tôt, au parlement européen, les députés ont acté un recul majeur. Le 17 novembre, une majorité de députés de droite et d’extrême-droite a voté la remise en cause de l’obligation pour les multinationales de mesurer l’impact social et environnemental de leurs activités. Cette obligation visait à lutter contre le travail forcé, le travail des enfants, la déforestation, l’utilisation de produits dangereux pour la santé et la pollution. Et maintenant, au nom de la militarisation, l’Europe entend assouplir encore les règles sociales et environnementales dans l’industrie de l’armement.
Et en Belgique, le gouvernement De Wever-Bouchez, dont fait partie Jean-Luc Crucke, coupe dans la coopération au développement, dans l’environnement, et dans les investissements climatiques. C’est une des raisons pour lesquelles le monde associatif, les ONG et les syndicats belges et européens ont organisé un piquet de grève commun et inédit le 26 novembre à Bruxelles.
La coopération internationale change de camp
Grande nouveauté de cette COP30 : les tensions commerciales et les taxes carbones ont été discutées officiellement à la table des négociations. C’est une victoire pour la Chine et les pays du Sud regroupés au sein du G77. Ils dénoncent les barrières commerciales « vertes » de l’Union européenne qui frappent davantage les pays du Sud que les multinationales. À Belém, le message a été clair : la transition doit être fondée sur la coopération.
Tandis que l’Europe s’isole et investit massivement dans son armement, que les États-Unis tombent dans le climato-scepticisme, la Chine prend progressivement une place clé dans la lutte climatique. C’est le pays qui investit le plus dans les technologies vertes pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles. La Chine investit plus que l’ensemble du monde réuni. Et c’est aussi la Chine qui installe le plus de technologies vertes dans les pays du Sud. Les exportations chinoises de panneaux solaires, de batteries, de véhicules électriques et d’éoliennes ont permis à elles seules de réduire de 1 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2024.
Deux moments marquants venus du sud
La COP30 a aussi été marquée par une énergie nouvelle venue du Sud :
La mobilisation des peuples indigènes, des syndicats et des militants climatiques, qui ont tenté de forcer l’accès au centre des négociations pour être enfin entendus, plutôt que les lobbyistes du pétrole. Pour porter une voix anticapitaliste et solidaire, une voix qui se retrouve sur la déclaration finale du Sommet des Peuples qui s’est tenu en parallèle de la COP30.
La prise de position de la Colombie, qui a interrompu la déclaration finale de la COP30 pour dénoncer le manque de décisions concrètes sur les énergies fossiles. Et qui prend la tête d’une initiative internationale pour planifier la sortie de l’utilisation du gaz, du pétrole et du charbon ; et porter un texte ambitieux à la COP31.
Rendez-vous en Turquie pour la COP31 : la bataille continue
La COP30 ne mettra pas fin aux énergies fossiles. Mais elle confirme deux choses essentielles :
• Les pays du Nord ne bougeront pas sans pression populaire. Les mouvements sociaux peuvent faire reculer les reculs, comme on l’a vu en Europe et en Belgique ces dernières semaines.
• Les pays du Sud, eux, avancent, coopèrent et s’organisent, et proposent des solutions réelles.
La Belgique s’est engagée à participer à l’initiative de sortie des énergies fossiles dirigée par la Colombie. Le PTB sera attentif que cela ne reste pas des mots en l’air. Nous continuerons d’y porter une alternative :
➡ sortir des énergies fossiles avec un plan juste pour les travailleurs et les travailleuses
➡ reprendre le contrôle public de l’énergie
➡ arrêter de financer la guerre pour financer le climat
➡ construire la solidarité internationale.