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Constats du Bureau du Plan : le marché de l’énergie et la militarisation, deux boulets pour notre industrie

« L’industrie a-t-elle un avenir en Belgique ? » C’est la question que pose le Bureau fédéral du Plan dans sa dernière publication. Les constats sont alarmants. La part de l’industrie dans le PIB belge recule sans cesse, en particulier dans la chimie et la métallurgie : elle est passée de 20 % en 1995 à 12 % en 2023 (Bureau fédéral du Plan, L’industrie a-t-elle un avenir en Belgique ?, septembre 2025, p. 5). Depuis 1995, 170 000 emplois et autant de savoir-faire ont disparu dans l’industrie ; plus de 370 000 depuis 1980 (ibid., p. 7). Nous pouvons inverser la tendance, mais cela suppose de revoir en profondeur notre politique industrielle, et en particulier notre politique énergétique.

Mercredi 8 octobre 2025

Bannière « L'industrie est à nous » en tête de la manifestation du 16 septembre 2024 à Bruxelles pour défendre l'avenir industriel de la Belgique et de l'Europe.

Article par Benjamin Pestieau et Max Vancauwenberge

Un défi énergétique colossal

Le Bureau du Plan pointe ce qui constitue aujourd’hui l’un des plus lourds handicaps de notre industrie : le prix de l’énergie. Il explique : « En Belgique, le prix de l’électricité pour les industriels semble être, en général, supérieur à celui des voisins, surtout pour les industries intensives en énergie. » Et il ajoute : « La France enregistre depuis plusieurs années des tarifs avantageux en raison de la part importante de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité » (ibid., p. 17). Si la première partie de la phrase est correcte, la seconde l’est beaucoup moins. La Belgique possède également une part importante d’électricité d’origine nucléaire, et pourtant les prix y sont beaucoup plus élevés. Où se situe alors la différence ? En France, EDF (majoritairement publique) fournit une partie de l’électricité nucléaire à prix régulé (ARENH) aux industriels, ce qui agit comme une subvention indirecte. En Belgique, Engie est une entreprise privée et il n’existe pas un tel mécanisme d’accès régulé.

Pour assurer l’avenir de notre industrie, il faut investir massivement dans la transition énergétique. C’est la seule voie pour réduire à la fois notre dépendance et notre facture, et pour réussir la transition vers une industrie durable. Les besoins sont colossaux. Produire de l’acier vert exigera de l’hydrogène renouvelable et de l’électricité pour remplacer le charbon. La chimie devra remplacer le gaz par l’électricité. L’automobile aussi doit s’électrifier pour tourner la page des combustibles fossiles. Dans une autre étude, le Bureau du Plan avertit : « La demande en électricité devrait atteindre des niveaux jamais égalés. La demande totale (…) pourrait grimper de 88 TWh en 2020 à 202 TWh en 2050 » (Bureau fédéral du Plan, Quel système électrique pour atteindre “zéro émission nette” ?, septembre 2025, p. 1). En d’autres mots, la demande d’électricité va plus que doubler dans les prochaines décennies. Répondre à ce défi nécessitera des investissements massifs dans de nouvelles capacités de production et dans un réseau adapté.

Pourquoi n'arrive-t-on pas à relever le défi énergétique ?

Le Bureau du Plan souligne que ces investissements sont aujourd’hui totalement insuffisants. La Belgique se situe parmi les derniers en Europe pour le déploiement des énergies renouvelables : en 2023, elles ne représentent que 14,7 % de la consommation finale d’énergie (Bureau fédéral du Plan, L’industrie a-t-elle un avenir en Belgique ?, septembre 2025, p. 29). Et il ajoute : « La production solaire d’électricité est freinée par la qualité du réseau de distribution, sujet à de sérieux problèmes de congestion » (ibid., p. 29). Cela illustre l’urgence de renforcer nos infrastructures en plus de nos capacités de production.

Pourquoi une telle situation ? Parce que nous avons placé l’essentiel de notre politique énergétique entre les mains d’une multinationale – Engie Electrabel – et parce que les choix énergétiques sont abandonnés aux logiques du marché. Dans ce système, les prix de l’électricité peuvent ne plus avoir aucun lien avec les coûts de production.

Réindustrialiser plutôt que militariser

En plus de l’abandon de notre politique énergétique aux griffes du marché, un autre frein majeur au développement d’une politique ambitieuse est l’absorption des moyens publics par l’effort militaire. Le Bureau fédéral du Plan explique ainsi : « Étant donné les contraintes pesant actuellement sur les finances publiques belges et la volonté d’augmenter les dépenses militaires pour les aligner sur l’engagement pris vis-à-vis de l’OTAN, une augmentation significative de l’investissement public civil semble peu probable. » Et il ajoute encore : « Le contexte budgétaire difficile et les nouveaux enjeux de défense limitent les possibilités de soutien de l’industrie sans finalité militaire par les dépenses publiques » (Bureau fédéral du Plan, L’industrie a-t-elle un avenir en Belgique ?, septembre 2025, p. 1 et p. 26).

Ceci confirme ce que nous avions déjà montré dans notre article Pourquoi militariser l’économie européenne ne va pas sauver notre industrie (Lava, n°33) : chaque euro alloué à l’industrie militaire est un euro qui manque pour des investissements civils vitaux. On ne bâtira pas une industrie solide sur la base de dépenses militaires. Il n’y aura pas de continent fort sans base industrielle solide, et pas d’industrie forte sans énergie publique abondante, verte et bon marché.

Comment sortir de l’impasse ?

Si nous voulons sortir de cette impasse, nous avons besoin d’investissements et d’une planification publics. Concrètement, cela suppose de reprendre le contrôle public du secteur.

Les investissements dans l’infrastructure énergétique offriraient également d’importants débouchés pour notre industrie. La transition énergétique – de la construction de nouvelles capacités de production renouvelable au stockage de l’énergie, en passant par les infrastructures de transport et l’isolation des bâtiments – exige des volumes considérables de matériaux, de composants et de technologies. Cela ouvre des perspectives industrielles considérables pour la sidérurgie, la chimie et l’ensemble du tissu industriel.

Il est encore temps de sauver notre industrie. Mais cela suppose un choix politique clair : réorienter les budgets militaires et lancer un plan massif d’investissements publics pour développer les énergies renouvelables, moderniser le réseau et accompagner la transition industrielle. Réindustrialiser plutôt que militariser.