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Accord sur l’asile : l’Europe est-elle en train de perdre son humanité ?

Le mercredi 14 juin, une terrible tragédie s'est déroulée au large des côtes européennes. Un bateau transportant jusqu'à 750 réfugiés, selon les estimations, a chaviré et coulé le long des côtes grecques. 600 personnes ont perdu la vie dans ce naufrage. Comment est-ce possible et que faire pour que cela n’arrive plus ?


 

Vendredi 16 juin 2023

Des centaines de migrants entassés sur un bateau

Le mercredi 14 juin, une terrible tragédie s'est déroulée au large des côtes européennes. Un bateau transportant jusqu'à 750 réfugiés, selon les estimations, a chaviré et coulé le long des côtes grecques. 600 personnes ont perdu la vie dans ce naufrage. Comment est-ce possible et que faire pour que cela n’arrive plus ?

Greet Daems et Nabil Boukili, députés PTB

Les personnes décédées sont essentiellement des Afghans et des Syriens. Des gens qui fuyaient la guerre et la violence. En quête d'une vie où ils n'auraient plus à craindre les bombardements. Des gens tombés entre les mains de mafieux, trafiquants d'êtres humains. Dans la cale du bateau se trouvaient probablement une centaine d'enfants. Des enfants qui, durant leur vie, n'ont connu que la guerre.

Ce n'est évidemment pas la première fois qu'un tel drame se produit dans nos mers. Depuis 2014, au moins 27 000 personnes ont perdu la vie dans la Méditerranée, qui est aujourd'hui un véritable charnier. Ces tragédies humaines sont la conséquence inévitable d'une politique européenne d'asile et d'immigration de plus en plus dure.

Le pacte européen sur les migrations adopté par les ministres compétents au début du mois de juin est le dernier exemple en date. Cet accord entraînera la détention à grande échelle de personnes vulnérables en exil, et notamment des enfants. C'est la porte ouverte à des « pushbacks » (refoulements illégaux de migrants » encore plus inhumains et une nouvelle dégradation des droits individuels.

Voici une analyse détaillée de la façon dont l'Europe tourne le dos à celles et ceux qui sont obligés de laisser derrière eux leur foyer et leurs biens pour partir à la recherche d'un endroit où vivre en sécurité.

S'attaquer aux causes de l'exil reste un tabou

Aujourd'hui, 1 % de la population mondiale est en exil. Près de la moitié de ces personnes sont des enfants, parfois accompagnés de leur famille, mais bien souvent seuls.

Personne ne prend la décision de tout quitter sur un coup de tête. Les raisons qui poussent les gens à fuir sont nombreuses. Ils n’en sont en aucun cas responsables. Ils sont victimes. Il s'agit parfois d'une guerre dévastatrice, comme en Syrie, en Ukraine ou en Afghanistan. Les gens fuient alors les persécutions, la discrimination et la violence. Cela peut aussi découler des politiques commerciales occidentales qui détruisent les économies et l'agriculture locales, ou encore du changement climatique. On pense ainsi aux inondations qui ont dévasté certaines régions du Pakistan. Les gens fuient pour survivre.

Vous ne lirez pas un mot à ce sujet dans le nouvel accord européen sur l'immigration. Ni sur la manière de mettre un terme à cette situation. La secrétaire d'État belge à l'Asile et à la Migration, Nicole de Moor, a fièrement annoncé que « ce pacte sur les migrations rétablit le contrôle sur la politique migratoire de l'Union européenne ». Mais, si s'attaquer aux causes qui poussent les gens à fuir leur pays reste un tel tabou, de quel « contrôle » parle-t-on ?

Détention à grande échelle

Le mot « détention » revient souvent dans l'accord. Pas moins de 35 fois. Cette détention est la conclusion inévitable des nouvelles procédures frontalières prévues dans l'accord. La nouvelle procédure vise à soumettre automatiquement les personnes originaires de pays où le taux de reconnaissance est faible (les pays dans lesquels 20 % des demandeurs de protection internationale se voient accorder cette protection) à une procédure accélérée. On part en fait du principe que ces personnes n'ont pas droit à l'asile.

Bien que l'accord stipule que les États membres ne sont pas obligés de recourir à la détention, il l'autorise explicitement. Dès lors, il est facile pour la secrétaire d'État de Moor de prétendre qu'il n'est pas question de détention. On joue sur les mots car, dans les faits, les personnes concernées doivent rester dans des centres fermés tout au long de la nouvelle procédure frontalière. En fait, des centres de ce type ont poussé comme des champignons en Grèce, sur les îles de Kos, Samos et Leros, au cours de la période précédant cet accord. Les doubles rangées de barbelés, la vidéosurveillance et la présence policière constante laissent peu de doutes quant à la fonction de ces lieux.

Ce qui devrait alarmer, ce sont surtout les tragédies humanitaires qui se produisent dans les points de tension que sont la Grèce et l'Italie, où des personnes en fuite vivent dans des conditions épouvantables. Sans sécurité, sans électricité, sans eau, sans abri adéquat. Les gens y sont traités comme des bêtes. Le pacte sur les migrations n'y changera rien. Bien au contraire.

On n'enferme pas les enfants. Un point, c'est tout

Concernant la détention, l'Allemagne, le Luxembourg et le Portugal réclament depuis longtemps une exception pour les familles avec enfants. Une exception supprimée dans l'accord final. C’est à n’y rien comprendre. Le gouvernement belge se targue d'avoir adopté un accord de coalition stipulant que « les mineurs ne peuvent être détenus dans des centres de détention ». Mais que valent ces belles paroles si l'on abandonne ce principe aux frontières de l'Europe ? L'accord européen stipule littéralement que « les enfants et les mineurs non accompagnés peuvent également être placés en détention sous certaines conditions ». Pour nous, il s'agit d'une ligne rouge. On n'enferme pas les enfants. Sous aucune condition. Un point, c'est tout.

La tendance aux push-backs va se renforcer

Les États membres de l'Union européenne qui ont une frontière extérieure refoulent en masse les réfugiés et les migrants, sans même vérifier leur droit à l'asile. C'est ce que l'on appelle les « pushbacks » et c'est l'un des drames les plus graves de la politique migratoire européenne de ces 20 dernières années. C'est totalement illégal, mais cela se produit de plus en plus souvent. Et c'est toléré. Ces pushbacks inhumains se font de plus en plus ouvertement. La coupole d'ONG 11.11.11 estime qu'ils font déjà structurellement partie de la surveillance aux frontières. En 2022, il y a eu au moins 225 533 pushbacks. Souvent accompagnés de violence. Avec des conséquences parfois mortelles.

Vous souvenez-vous de ces images terribles où l’on voyait une maman et son bébé forcés par les gardes-frontières grecs à monter à bord d’un bateau, avec des dizaines d'autres personnes, pour être ensuite abandonnés à leur sort en pleine mer ? Aujourd’hui, ces pratiques sont monnaie courante. Le naufrage du bateau au large des côtes grecques est peut-être lui aussi la conséquence tragique d’une opération de pushback. Pourtant, l'accord de 173 pages n'en fait aucunement mention. Une fois de plus, l'Union européenne ferme les yeux.

Plusieurs organisations de défense des droits humains craignent qu’en confiant le rôle d'arbitre aux États membres situés aux frontières, cet accord ne fasse qu'accroître la tendance aux pushbacks. Aujourd'hui, on n’arrive déjà plus à faire face au nombre de demandes.

Critères abaissés pour les pays tiers sûrs

Toute personne arrivant après avoir transité par un « pays tiers sûr » sera renvoyée. L’accord ne tient pas compte des raisons individuelles qui poussent les gens à partir, pour fuir par exemple le régime des talibans en Afghanistan ou la torture en Iran ou en Turquie. La seule question qui compte, c’est de savoir si la personne peut vivre en toute sécurité dans le pays de transit.

Parmi ces pays prétendument sûrs, on trouve la Turquie. À l’heure actuelle, le pays accueille déjà de nombreux réfugiés, principalement venus de Syrie. De nombreux rapports dénoncent les violations systématiques des droits humains commises par le gouvernement turc envers les réfugiés. Le président Erdogan les stigmatise également de plus en plus et ils sont traités comme des citoyens de seconde zone.

Erdogan tient un discours de plus en plus dur et avait même promis, pendant sa campagne électorale, de déporter les réfugiés. La Turquie est également coupable de détenir des réfugiés mineurs non accompagnés. Des enfants de 10 ans sont souvent envoyés en détention pendant des mois.

Il ne faut donc pas grand-chose pour être qualifié de « pays sûr ». Ces critères, déjà très bas pour déterminer quel pays peut être considéré comme un « pays tiers sûr », vont être encore réduits. Ainsi, la Tunisie pourra également figurer sur la liste. Là-bas aussi, le président tient un discours particulièrement xénophobe. Il appelle son peuple à traquer lui-même les réfugiés pour les forcer à quitter le pays. Depuis des mois, ces derniers sont obligés de dormir devant les bâtiments de l'ONU, car ils sont menacés et harcelés partout dans le pays.

Violations accrues du droit individuel à l’asile

Un autre principe de base que cet accord jette tout bonnement à la poubelle est le droit individuel à l’asile : le droit d'être entendu par l'État, où les demandeurs peuvent expliquer les raisons de leur fuite, et où chaque demande est évaluée individuellement. Tout le monde a ce droit, quelque soit son origine. Mais ce principe va changer. En effet, les procédures accélérées aux frontières sont clairement conçues pour exclure les personnes qui, en raison du faible taux de reconnaissance de leur pays d'origine, sont considérées comme n'ayant pas droit à l'asile.

Qu'en est-il des réfugiés climatiques ?

La « procédure rapide » ne fait aucune distinction pour les réfugiés climatiques. Elle s’applique donc également aux réfugiés originaires du Pakistan, du Bangladesh, du Sénégal et du Ghana, puisque leur taux de reconnaissance est inférieur à 20 %. Mais elle ne tient pas du tout compte des inondations dévastatrices qui semblent devenir la norme au Pakistan et au Bangladesh. Le Sénégal et le Ghana, quant à eux, se trouvent dans la région du Sahel, qui se réchauffe encore plus vite que le reste de la planète, avec pour conséquences des sécheresses et des famines, entraînant, à leur tour, de nombreux conflits. C'est une réalité que l'Union européenne ne veut pas ou a peur d'affronter. Les pays comme le Pakistan et le Sénégal, dont l’impact sur le changement climatique est des plus infimes, sont les premiers à en subir les conséquences. Là-bas aussi, les gens fuient pour leur survie.

Nos alternatives

Nous nous attaquons aux causes qui poussent des gens à fuir.

  • Notre politique étrangère est axée sur le soutien aux négociations de paix régionales, pas sur les interventions militaires telles que les guerres occidentales menées en Afghanistan, en Irak ou en Libye, qui, encore aujourd'hui, poussent des millions de personnes sur les routes de l’exil.

  • Nous soutenons une politique commerciale et d’investissements transparente et contrôlée démocratiquement, qui protège la santé, le droit à l’alimentation et l’environnement. Nous nous opposons aux pratiques des multinationales occidentales qui exploitent les peuples et la nature dans les pays du Sud.

  • Nous voulons une répartition solidaire des demandeurs d'asile dans tous les pays de l'Union européenne, une répartition qui ne s’achète pas.

  • Nous voulons des voies sûres et légales vers l'Europe. Les voies légales, telles que le regroupement familial, sont de plus en plus rares et difficiles. La Belgique parvient à peine à « réinstaller » les gens. La réinstallation consiste à transférer les réfugiés d'un pays dans lequel ils ont demandé une protection vers un pays tiers qui accepte de les accueillir en tant que réfugiés avec un permis de séjour permanent. Ils ne doivent donc pas entreprendre de voyages dangereux qui mettent leur vie en péril. En 2022, la Belgique avait promis la réinstallation de 1 250 personnes. Dans la pratique, elle n’en a réinstallé que 71. Conséquence : les gens sont contraints de venir ici de manière illégale et en empruntant des voies dangereuses. On n’est pas en droit de se plaindre de la migration irrégulière quand on participe soi-même à la rendre de plus en plus illégale.

Le samedi 24 juin 2023, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, Amitiés Sans Frontières organise, une formation sur le thème. Le but est d’offrir des réponses aux nombreuses questions et inquiétudes des citoyens. Afin de comprendre les choses, mais aussi de les changer. Plus d’info ici.