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À propos des cours de citoyenneté, de religion et de la diversité à l'école publique

À la Fédération Wallonie-Bruxelles, les partis de la majorité (Ecolo, PS et MR) veulent faire passer d'une à deux heures les cours de philosophie et citoyenneté dans l'enseignement officiel, en rendant l'heure restant de religion ou de morale laïque facultative. Un débat qui touche à une question plus profonde : comment envisager la diversité à l'école publique ?

Mercredi 1 décembre 2021

Aujourd'hui les écoles dans le réseau officiel francophone prévoient dans leur horaire régulier une heure de cours de philosophie et de citoyenneté (CPC) et une heure de cours de religion ou de morale laïque (RLMO) au choix de l'élève. Les partis de la majorité veulent passer d'une heure de CPC à deux heures et rendre l'heure de religion/morale facultative. Un groupe de travail parlementaire avec tous les partis s'est penché sur le projet de la majorité. Le lundi 22 novembre, le journal Le Soir résumait en une qu'avec ce projet, « la majorité signait la fin des cours de religion ».

Cette réforme risque d'obtenir l'inverse de ce qu'elle envisage. Au lieu de faire moins de distinctions entre élèves aux convictions diverses, cette réforme pourrait au contraire contribuer à renforcer la logique des réseaux convictionnels séparés aux dépens d'un large réseau public où tout le monde se sent chez soi dans la diversité.

Le PTB soutient une école publique inclusive. Chacun doit s’y sentir à l’aise et le bienvenu quelle que soit son origine sociale ou ethnique mais aussi quelles que soient ses conceptions philosophiques ou religieuses. Ce qui est proposé ici pourrait avoir pour conséquence que ce ne soit plus le cas. En effet, en rendant les cours de religion/morale (RLMO) optionnels comme le propose la majorité, ces cours risquent de se voir marginaliser. Car si un cours n'est plus obligatoire, l'école n'est plus obligée de l'organiser dans l'horaire régulier. Ils pourraient avoir lieu le samedi matin, le mercredi après-midi ou même en 9e heure.

Dans les recommandations du groupe de travail, les partis de la majorité (PS, Ecolo, MR) n'offraient pas trop de garanties à ce que les cours RLMO ne soient pas marginalisés. Leur seul critère était de les organiser « dans des conditions qui ne rendent pas excessivement difficile pour les élèves l’exercice de leur droit constitutionnel à une éducation morale ou religieuse ». Cette formulation ne présentait pas, selon le PTB, de garanties suffisantes. Pour la majorité, « des conditions difficiles » étaient donc acceptables ? Il fallait seulement qu'elles ne le soient pas « excessivement » ? C’est surtout excessivement flou comme garantie.

Pour un certain nombre de parents et de jeunes, ces cours sont importants. S’ils n’ont pas la garantie qu’ils seront organisés dans de bonnes conditions, ils pourraient se tourner vers des écoles convictionnelles. Cette dynamique renforcerait de facto la logique de division et de différenciation (les écoles catholiques, les écoles musulmanes, les écoles juives, etc.) que nous voyons de plus en plus. Alors que le PTB est plutôt favorable à une logique d’un enseignement public large et inclusif, accueillant la diversité. Il serait plutôt souhaitable que les pouvoirs publics puissent garder un regard sur les contenus des cours de religion/morale. Ce qui ne serait pas le cas si des parents devaient se tourner vers des alternatives à l’école.
Après les interventions du PTB et d'autres, les partis de la majorité ont finalement changé la formulation dans la résolution qu'ils proposent. On ne peut plus y lire que les conditions ne peuvent pas être « excessivement difficiles ». La résolution parle même de « conditions confortables ». Un pas en avant. Mais d'autres éléments nous font douter du sérieux de l'intention de la majorité de réaliser réellement des conditions « confortables ».

Trois doutes concernant la résolution

1. De nouvelles missions, sans nouveaux moyens

Le premier doute est que la résolution impose, à terme, une réforme « budgétairement neutre ». Le PTB est d'avis qu’une meilleure connaissance et compréhension de l’autre dans le but de favoriser le « vivre ensemble », est de plus en plus importante dans une société diverse. Le dialogue interconvictionnel en fait évidemment partie. Il s’agit d’une mission que la société assigne à l’école. Une de plus. Et si on ajoute une mission, il faut y mettre les moyens : des heures de cours, des enseignants et donc des moyens financiers. Afin que l'école puisse mener à bien cette mission dans de bonnes conditions. Si la majorité est sincère dans son intention de vouloir investir dans cet apprentissage interculturel et de vivre ensemble, elle doit mettre des moyens supplémentaires. Dans ce cadre, le PTB est prêt à étudier et à envisager le passage à deux heures de CPC, en gardant l'heure actuelle de RLMO. Mais pas en la rendant optionnelle.

Porter à deux heures les CPC en gardant une heure facultative coûtera plus que l'heure CPC et l'heure de religion actuelles. C'est contradictoire avec la neutralité budgétaire. Cela ne peut que se faire aux dépens des conditions dans lesquelles le cours de religion/morale se donnera. La résolution envisage déjà quelques pistes qui font porter sur l'enseignant ce choix budgétaire de faire plus sans augmenter les moyens. Ainsi on parle de classes verticales : cela signifie qu'on mélange des élèves d'années différentes. C'est plus exigeant pour l'enseignant. On parle de modules en regroupant les heures d'une année en une courte période plus intense. Mais concrètement cela compliquera encore plus l'organisation des enseignants qui combinent souvent des heures dans plusieurs écoles. Imaginez, par exemple, que dans une école l'enseignant doive organiser son cours à raison d'une heure par semaine, et que dans une autre école, il doive l'organiser par module. Un puzzle difficile qui exigera encore plus de flexibilité qu'aujourd'hui.

2. Le vivre ensemble ... que pour le réseau officiel ?

Si la mission de favoriser le vivre ensemble assignée à l’école est prise au sérieux, il n’est pas cohérent d’en dispenser un important réseau comme le libre confessionnel. Lors des auditions, les services généraux de l’inspection ont d’ailleurs confirmé l’impossibilité de contrôler l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté dans les conditions actuelles. Certes on indique la volonté « d’examiner la piste de l’organisation d’une période ». Mais le moins qu’on puisse dire est que la majorité ne fait pas preuve de beaucoup de volontarisme sur ce point. Il s’agit d’une occasion ratée. Selon nous, de manière générale, il faut chercher à faire converger un maximum les prescrits de l’enseignement officiel et du libre dans une logique d’un enseignement public qui soit le même pour toutes et tous les élèves.

3. Le vivre ensemble et le dialogue interconvictionnel : ne pas résoudre les problèmes concrets

Un des objectifs initiaux du cours de CPC était la volonté de favoriser le vivre ensemble. Notamment par le dialogue interconvictionnel. Mais cet objectif n'a jamais été concrétisé dans le programme. Les recommandations se taisent de nouveau sur ce dialogue interconvictionnel. Une occasion ratée... ou un manque de volonté ? Car lors des auditions, plusieurs obstacles qui rendent cet objectif difficile ont été mentionnés. Il est dommage de ne pas y répondre dans les recommandations. La majorité explique que c’est compliqué d'organiser le dialogue interconvictionnel parce que les enseignants de CPC sont soumis à l’obligation de neutralité. Les recommandations ratent l'occasion de proposer des solutions concrètes, comme la collaboration avec les enseignants de religion/morale qui ne sont pas soumis à cette obligation de neutralité.

Et cela a permis des expériences de dialogue interconvictionnel intéressantes. Une enseignante de religion islamique a témoigné du rôle de de son cours dans la période qui a suivi les vagues d’attentats pour favoriser la compréhension entre convictions. Elle estime que ses collègues et elle-même ont pu désamorcer certaines situations problématiques en classe. Des échanges bien compris et dans le respect mutuel permettraient de rencontrer cet objectif de meilleures connaissance et compréhension de l’autre pour favoriser le « vivre ensemble ». Ça a également été mentionné par des inspecteurs de religion. De telles initiatives existent d’ailleurs déjà. Il nous semblerait dommage de perdre cette opportunité. Il aurait été intéressant de synthétiser les riches expériences et pratiques de terrain afin de nourrir un référentiel, voire la création d'un manuel. D'ailleurs, aucune évaluation formelle ou académique du cours actuel n’a été mise en place quant aux effets du cours sur les attitudes et idées des élèves participants.

Finalement, il nous semble que les garanties d’emploi pour les enseignants des cours actuels de RLMO ne sont pas suffisantes. La résolution parle de « transition adéquate », de prévoir une période transitoire pour permettre à ces enseignants de se former afin de pouvoir donner le cours de CPC. Mais certains d’entre eux n’ont pas envie de donner ce cours parce qu’il est d’une autre nature. Que va-t-on leur proposer ? Il est question de « limitation de toute perte partielle de charge ou de recours à la mise en disponibilité ». « Limitation » signifie qu’on ne renonce pas à ce type de mesures. Cela risque donc de pousser des enseignants à quitter le métier. Ce n’est pas acceptable dans une situation où l'enseignement est déjà en pénurie.