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« La scission nuit gravement à la santé, madame la ministre Verlinden »

Cherchez l'erreur : la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) affirme vouloir consulter les citoyens sur la réforme de l'État… mais déclare déjà vouloir régionaliser la santé. David Pestieau, auteur de We Are One. Manifeste pour l'unité de la Belgique, réagit : « Cette étape annonce la scission de la sécurité sociale. Nous avons besoin de soins de santé proches des gens. Sept Belges sur dix sont favorables à une refédéralisation de la Santé. »

Vendredi 18 mars 2022

Imaginez que nos neuf ministres de la Santé négocient individuellement avec Big Pharma les prix des médicaments et des vaccins. Que la Flandre, Bruxelles et la Wallonie doivent, séparément, attirer les meilleurs spécialistes et se payer les meilleures technologies. Qu'après l'âge de 65 ans, vous puissiez vous faire rembourser vos dialyses rénales à Anvers, mais pas à Charleroi. Que les caisses d'assurance maladie versent aux médecins des honoraires différents selon la région dans laquelle ils travaillent.

C'est dans ce genre de scénario que nous risquons de nous retrouver si nous suivons le plaidoyer d'Annelies Verlinden (ministre de l’Intérieur CD&V) pour scinder l'organisation des soins de santé. Elle choisit bien son timing. Nous célébrerons très bientôt le deuxième anniversaire de la pandémie. Ce n’est pas un secret : la gestion de cette crise est l'histoire de deux années de chaos. Mais la crise du Covid a également révélé une vérité inconfortable pour les fétichistes de la scission : nous avons besoin d'une unité de commandement et d'une plus grande coopération entre tous les prestataires de soins et les experts de tous les coins du pays. Ou, comme l'a déclaré Marc Noppen, directeur d'un grand hôpital universitaire à Bruxelles : « L'inertie politique a littéralement coûté des vies durant cette crise. »

Dans son interview pour le quotidien Le Soir (12 février 2022), Madame Verlinden admet que la coordination des soins de santé en cas de crise est mieux assurée au niveau fédéral. Toutefois, elle estime que cette période doit être considérée comme une exception par rapport à la norme, car (je cite) « la santé publique doit être proche des gens ». C'est exact. Mais l’Elysette ou la place des Martyrs n'est pas plus proche du citoyen que ne l'est la rue de la Loi.

Qu'est-ce que les Régions ont réellement fait de leurs pouvoirs ? Partout, les médecins sont débordés. Partout, on peine à trouver une stratégie de prévention. Partout, le système de traçage est en partie entre des mains privées et bien loin d'être une réussite. Dans les grandes villes, on ne touche toujours pas les grands groupes de population. Beaucoup de communes au Sud comme au Nord du pays manquent de médecins généralistes.

Être plus proche des gens ne doit pas rimer avec scission. Pour rapprocher les soins des gens, mieux vaut se concentrer sur le développement de zones locales de première ligne à une échelle de 100 000 habitants. C'est à ce niveau que l'on peut coordonner le travail des médecins généralistes, des infirmières, des psychologues, des maisons médicales de quartier et des services de prévention, en concertation avec les spécialistes hospitaliers. Les zones de première ligne présentent une proximité que les grandes entités régionales ne peuvent offrir. Mais elles ne peuvent pas fonctionner sous l'égide de deux gouvernements. Il leur faut un seul ministre, qui privilégie une approche sociale, humaine et logique. En Belgique aujourd'hui, c'est le niveau fédéral qui offre le meilleur cadre pour la mise en œuvre de ce nouveau modèle de santé. Également après la pandémie.

À l’inverse, une nouvelle scission coûtera beaucoup d'argent et réduira la qualité des soins de santé. Aujourd'hui, les meilleurs traitements contre le cancer se trouvent à Louvain, ceux contre les troubles cérébraux à Liège, et ceux contre les troubles cardiaques à Alost. Les autorités fédérales veulent concentrer, à juste titre, les meilleures expertises et technologies. Chaque partie du mouchoir de poche que nous appelons Belgique va-t-elle faire la même chose de son côté ? Non, ce serait absurde. Et oui, il existe des différences entre les parties du pays… Mais il y a aussi des différences entre les provinces et même entre les villes et les campagnes.

Par ailleurs, il ne s’agit pas que de la scission de l'organisation des soins de santé. La ministre Verlinden l’affirme déjà : « Nous allons aussi devoir parler de financement. » Souvenons-nous de l'été 2020. À cette époque, le président de la N-VA, Bart De Wever, et le président du PS, Paul Magnette, négociaient pour former un gouvernement. La scission de l'organisation des soins de santé était sur la table. Le financement était alors en dehors de la discussion, selon le raisonnement de Magnette. Mais De Wever avait précisé les choses dans une interview l'an dernier : « Si on sépare le financement de l'élaboration des politiques, on aboutira inévitablement à une scission totale à long terme. » C'est la vérité. Il en a été ainsi pour l'enseignement après la troisième réforme de l'État en 1989. C'est également la stratégie de l'organisation patronale flamande Voka, le moteur derrière la politique de scission de la N-VA. D'abord, on scinde les soins de santé et la politique de l'emploi. Une fois ces piliers abattus, c'est toute la cathédrale de la sécurité sociale qui peut s'écrouler.

En effet, celui qui divise aujourd'hui l'organisation des soins de santé prépare la division de la sécurité sociale de demain. Et il trouvera des syndicalistes et des acteurs de la société civile sur son chemin. Une grande majorité de citoyens sont également contre cette scission. Selon un sondage (RTL/Le Soir, juin 2020), 71 % des Belges souhaitent même une refédéralisation des soins de santé. Précisons qu’il n'y a à cet égard pratiquement aucune différence entre les Flamands, les Bruxellois et les Wallons. Ce résultat est conforme à d’autres enquêtes d’opinion montrant qu'une majorité de Belges veulent davantage d'unité. En avril, la ministre Verlinden va lancer une enquête citoyenne à grande échelle sur la réforme de l'État et sur la vision de l'avenir du pays. Elle doit veiller à ce que sa vision n'entre pas en conflit avec la volonté de la majorité des Belges. Sinon, il serait plus facile pour elle de choisir un autre peuple…

David Pestieau est l'auteur de We Are One. Manifeste pour l'unité de la Belgique (EPO, 2021) et directeur du service d'études du PTB.