Une industrie verte, atout pour le climat et nos emplois

La transition industrielle est essentielle pour sauver le climat et garantir nos emplois. Or, la politique actuelle, faite de cadeaux aux grandes entreprises, ne remplit aucun de ces deux objectifs. Nous mettons en place un pilotage public de la transition industrielle, avec une implication des syndicats et des organisations environnementales. Afin de garantir les investissements nécessaires mais aussi protéger et développer l’emploi, nous instaurons également des normes contraignantes.

Les travailleurs de l’industrie sont un de nos meilleurs atouts pour résoudre la crise climatique. Ils ont les compétences pour produire les matériaux qui isolent nos bâtiments, pour développer l’énergie décarbonée, pour construire des véhicules propres et pour mettre en place des méthodes de production innovantes. Avec 29 % des émissions de CO₂, l’industrie est également le principal émetteur de gaz à effet de serre de notre pays. Le défi pour la transformer est immense. Une grande partie de la technologie existe pour y parvenir, mais les besoins d’investissements sont considérables.

Que ce soit pour produire les biens nécessaires à la transition climatique ou pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les politiques industrielles régionale, nationale et européenne ne sont pas à la hauteur.

L’une des pierres angulaires de la politique climatique européenne pour la grande industrie est le système ETS, c’est-à-dire le marché d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, lancé en 2005. Il s’agit d’un système « cap and trade » (littéralement : « plafonnement et échange »). Chaque entreprise reçoit un plafond qui limite la quantité de gaz à effet de serre qu’elle peut émettre (« cap ») sous forme de quotas. Ces quotas peuvent être échangés sur un marché spécial (« trade »). Les entreprises qui restent sous le plafond peuvent ainsi vendre leurs quotas d’émission excédentaires à celles qui dépassent cette limite. Chaque année, l'UE réduit l'offre de quotas, dans le but d'inciter les entreprises à investir pour devenir plus vertes. La diminution progressive de l'offre de quotas d'émission est également censée rendre ceux-ci plus coûteux, ceci pour inciter les entreprises à investir dans un processus de production plus vert. Pourtant le système ETS est un échec : dans l’industrie, les émissions de gaz à effet de serre n’ont que peu diminué. Moins de 2 % entre 2009 et 2019. Car le système ETS laisse l’initiative à la grande industrie en matière de choix d’investissements (ou de ne pas investir) et pousse à investir le strict nécessaire pour éviter que cela ne revienne plus cher que d’acheter des quotas sur le marché. Or, dans les industries les plus polluantes, cela ne suffit pas : c’est une transformation de la production qui est nécessaire. Mais celle-ci exige de plus gros investissements. D’autre part, en faisant du chantage à la délocalisation, les géants de l’industrie reçoivent depuis des années des quotas d’émissions gratuitement. Une enquête journalistique européenne récente a démontré que dans les secteurs de l’acier et du ciment, les quotas gratuits octroyés aux géants ArcelorMittal, Holcim ou Lafarge depuis 2005 ont toujours dépassé leurs émissions réelles. Des quotas excessifs qu’ils ont pu revendre, encaissant des centaines de millions de profits, mais qui ne les ont pas empêchés de fermer des usines.

Un autre axe de la politique européenne, fédérale et régionale est de mettre de l’argent public à la disposition des industriels privés quasi sans condition. C’est l’orientation du plan industriel européen et du Net Zero Industry Act de l’Union européenne qui veulent faciliter l’accès des industriels privés à un financement public au nom de la transition climatique et de l’autonomie stratégique de l’Europe. C’est également la politique du secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques, le socialiste Thomas Dermine, qui passe d’une réunion avec des organisations patronales à une autre pour mettre l’argent public au service des industriels privés. C’est enfin aussi l’orientation au niveau des Régions, où le gouvernement flamand promet par exemple 350 millions au géant de l’acier ArcelorMittal pour transformer son processus de production. Les choix sont alors guidés par la recherche de profit immédiat et la soif de dividendes des actionnaires, sans aucune garantie ni pour le climat ni pour nos emplois. Résultat : c’est “too little, too late” (trop peu, trop tard), dans le meilleur des cas, ou, pire, cela donne de nouveaux investissements dans des technologies fossiles.

L’industrie et ses travailleurs ne sont pas les ennemis du climat. Ce sont les choix des multinationales et de leurs grands actionnaires qu’il faut remettre en cause. Pour ne plus leur permettre d’hypothéquer l’avenir des travailleurs et du climat. Seule une politique industrielle avec un pilotage public et démocratique peut garantir un développement industriel durable et juste, assorti d’emplois de qualité et d’objectifs sociaux et environnementaux ambitieux. Une stratégie industrielle progressiste, pour permettre à la société de décider, de manière démocratique et souveraine que produire, où et dans quelles conditions. Pour la construire, nous nous appuyons sur les compétences des travailleurs de l’industrie. Nous impliquons les syndicats et les organisations environnementales, sur base d’une vision à long terme et d’une feuille de route ambitieuse.

Ce que nous voulons

Un. Piloter publiquement la transition industrielle

  • Chaque grande industrie doit remettre un plan de transition. Il est évalué par les autorités, les syndicats et les organisations environnementales.
  • Pour permettre la transition industrielle, nous garantissons les investissements nécessaires à placer dans l’énergie renouvelable en nationalisant le secteur de l’énergie.
  • Nous développons la filière de l’hydrogène vert, stratégique pour l’industrie, en mettant sa production et sa distribution sous contrôle public.
  • Nous supprimons les brevets sur les technologies vertes pour accélérer les investissements dans la transition climatique, en Belgique et dans le monde.
  • Nous revalorisons l’enseignement technique et professionnel pour former des experts de la transition et permettre à toutes et tous de se former aux métiers de demain.

La plus grande partie des émissions industrielles de gaz à effet de serre provient d’une poignée de grandes entreprises, actives dans l’industrie lourde. Or, dans de nombreux secteurs, il est d’ores et déjà techniquement possible de transformer le processus de production pour se baser sur des énergies vertes et de passer à une production neutre en carbone. Puisque ces secteurs sont à la base de nombreuses chaînes de production, leur transformation peut être un moteur de transition pour l’ensemble de l’industrie.

L’un des principaux obstacles pour opérer cette transformation est le volume d’énergie verte nécessaire pour remplacer le gaz, le pétrole ou le charbon. Dans ce domaine, un enjeu clé est celui de l’hydrogène vert. Que ce soit pour la production d’acier, dans la chimie ou l’industrie du béton, l’hydrogène est pour l’instant la meilleure alternative aux énergies fossiles. Car en le brûlant on peut atteindre les hautes températures nécessaires à ces processus de production. Si cet hydrogène est produit à partir d’électricité renouvelable, il permet alors de décarboner la production. Mais cela demande de très importants investissements. À l’échelle européenne, il faudrait plus que décupler la production d’hydrogène, le consacrer aux usages où il est vraiment utile et arrêter de le produire, comme c’est le cas aujourd’hui, avec du gaz ou pétrole. Donc développer la production d'énergie renouvelable. Officiellement, c’est la stratégie défendue par l’Union européenne et suivie par le gouvernement belge. Mais rien ne bouge vraiment. Pourquoi ? Car la main est laissée aux monopoles de l’énergie. Les patrons des Shell, TotalEnergies ou Engie ont été clairs : ils ne développeront l’énergie renouvelable que lorsque ça pourra leur rapporter plus que le gaz ou le pétrole. Cela veut dire que cette transition est bien trop lente et que malgré les beaux discours sur l’énergie verte, on continue à investir tant et plus dans les énergies fossiles. Pendant ce temps, les prix élevés de l’énergie poussent notre industrie à se délocaliser. En particulier vers les États-Unis qui y gagnent deux fois en nous vendant leur gaz de schiste très cher et en attirant chez eux notre production industrielle. En Europe, deux tiers des projets d’usines de batteries qui seraient nécessaires pour stocker l’énergie renouvelable ou faire rouler des bus et voitures électriques risquent de ne pas voir le jour. Même constat pour les emplois qui vont avec. Ces usines seront selon toute apparence construites aux États-Unis, en raison des aides publiques plus généreuses et des prix plus bas de l’énergie.

Pour rompre avec cette transition inefficace, très chère et qui détruit l’emploi, nous voulons mettre les géants de l’énergie hors jeu et nationaliser le secteur de l’énergie. Nous avons en main la production de l’énergie du futur, nous pouvons contrôler son prix et les choix technologiques adaptés. Cette reprise en main va de pair avec un plan d’investissements publics dans la production et la distribution d’énergie verte. Des investissements vecteurs de transformation de l’industrie, comme au Danemark. En conservant le contrôle public de son producteur historique d’électricité, et en investissant publiquement dans la production et la distribution d’énergie renouvelable, ce pays est devenu le champion de la transition verte. Le développement massif de l’énergie éolienne a permis l’essor d’un secteur industriel fort, employant directement plus de 30 000 travailleurs dans le pays. Les entreprises danoises installent par ailleurs des éoliennes dans le monde entier.

Piloter la transformation de l’industrie, c’est aussi contrôler leur chemin vers la neutralité en carbone. Pour l’instant, chaque industriel mène sa propre stratégie et les pouvoirs publics tentent de s’adapter à leur demande, en investissant dans les infrastructures d’hydrogène, d’électricité ou de transport. Cette politique est inefficace et coûteuse. Elle nous met à la merci de décisions d’entreprises dont la seule boussole est le profit immédiat, alors que les changements nécessaires pour relever le défi climatique impliquent une vision intégrée et à long terme. Comme premier pas vers une planification industrielle et climatique, nous exigeons de chacune des principales industries émettrices de gaz à effet de serre un plan de transition. Une feuille de route climatique qui intègre le maintien et le développement de l’emploi. Ce plan doit être évalué et approuvé par les autorités publiques. Cela nous permet ensuite de planifier les investissements nécessaires et d’identifier les besoins énergétiques et en matière d’infrastructures.

Il ne peut y avoir de transition industrielle sans travailleurs. Ils sont les meilleurs experts de leur production et de sa transformation. Au Pays-Bas, c’est le syndicat FNV qui, à la suite d’une longue lutte au côté du mouvement environnemental, a forcé le géant Tata Steel à investir dans un haut-fourneau fonctionnant à l’hydrogène, à Ijmuiden. En France, le syndicat CGT du groupe Renault a développé son propre plan de transition pour produire des voitures électriques recyclables, bon marché et qui garantissent l’emploi dans l’ensemble des usines. En Écosse, les syndicats du secteur des plates-formes pétrolières et l’ONG “les amis de la terre” ont développé ensemble un plan de transition juste garantissant l’emploi et la reconversion de l’activité vers l’installation d’éoliennes et la production et le stockage d’énergie verte. Prenant exemple sur ces modèles, les travailleurs et leur syndicat ont donc un droit de veto sur les plans de transition de leurs usines et un droit d’initiative pour proposer des alternatives. Ces plans de transition sont également évalués par les acteurs environnementaux.

Pour former les experts de la transition climatique et permettre à toutes et tous de s’orienter ou se réorienter vers les secteurs porteurs, nous voulons investir dans notre enseignement technique et professionnel. Loin de la situation actuelle où ces formations sont synonyme de relégation, elles deviendront une fierté et un droit pour les travailleurs. Avec les syndicats, nous veillerons à ce que tous les travailleurs puissent acquérir de nouvelles compétences tout en bénéficiant d’une protection sociale. Car cela va de pair avec la lutte pour l’amélioration des conditions de travail dans l’industrie.

Piloter publiquement la transition, c’est aussi défendre la coopération. Nous ne pourrons surmonter la crise climatique que si nous unissons nos forces. Comme nous l’avons fait au sujet des brevets sur les médicaments, nous luttons pour rendre l’accès public et universel aux technologies environnementales essentielles. Ceci afin de faciliter la transition écologique à l’échelle mondiale et de refuser les guerres technologiques. La mise en commun des technologies va de pair avec un renforcement de la recherche publique, à l’abri des logiques managériales, du lobbying privé et de l’accaparement des innovations par les grands monopoles.

Deux. Des normes contraignantes pour que l’industrie réalise les investissements nécessaires

  • Nous introduisons des normes climatiques et sociales contraignantes obligeant l’industrie à réaliser les investissements nécessaires.
  • Nous intégrons des normes sociales et environnementales au sein des marchés publics.
  • Fini les aides publiques inconditionnelles au privé. Désormais associées à des normes sociales et climatiques strictes, le non-respect de ces aides amènera à leur remboursement intégral et à des sanctions conséquentes.

Si le système ETS (le marché du carbone européen), soutenu par l’ensemble des partis traditionnels, a prouvé une chose, c’est son incapacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour obliger la grande industrie à réaliser les investissements nécessaires, l’UE veut supprimer les quotas d’émissions distribués gratuitement aux grands pollueurs d’ici… 2034. Pour finalement les remplacer par une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Avec cette taxe, les produits qui entreront en Europe verront leur coût augmenter de manière comparable aux produits européens soumis au système ETS. Une telle taxe carbone aux frontières comporte deux dangers. Premièrement, elle risque de nous mener tout droit vers une guerre commerciale. Nos partenaires pourraient introduire une taxe sur des produits que nous exportons, ce qui aurait des conséquences fâcheuses pour notre industrie et l’emploi. Deuxièmement, si jusqu’ici la grande industrie ne payait (presque) pas pour le CO₂ émis, grâce aux quotas d’émissions gratuits, rien ne l’empêchera, cette fois, de transférer le coût aux consommateurs.

C’est pourquoi nous allons sortir du marché ETS et introduire des normes climatiques contraignantes obligeant l’industrie à réaliser les investissements nécessaires à la transition verte. Toute aide d'État – par exemple sous forme de prêt avantageux pour réaliser de coûteux investissements de départ – doit aller aux entreprises qui en ont réellement besoin et être assortie de conditions strictes en matière d’emplois, de conditions de travail et environnementales. Les aides d’État ne peuvent en aucun cas servir pour rémunérer les actionnaires. Les entreprises investissant dans les paradis fiscaux ou ne respectant pas le droit international du travail sont à exclure. En cas de non-respect de ces conditions, les aides seront remboursées et une pénalité prévue.

Des normes sociales et climatiques contraignantes et des aides publiques encadrées, c’est l’inverse de la politique industrielle belge et européenne, à l’heure actuelle. Toutes deux se basent sur la poursuite des subsides publics inconditionnels aux industriels privés, au nom de la transition verte et de la réindustrialisation. Après plusieurs décennies de politiques identiques, il est temps d’en tirer le bilan : elles n’ont permis ni de protéger l’emploi, ni d’assurer la transformation écologique de l’industrie. De plans Marshall en zones franches avec exonérations de taxes, de quotas de CO₂ gratuits pour de grands pollueurs aux aides à l’installation de panneaux solaires… tous ces dispositifs ont surtout servi à gonfler les profits des grands patrons et des actionnaires. Mais ils ne les ont pas empêché de fermer des sites ou de licencier, sans même avoir à rembourser les aides reçues.

Autre levier de transformation de l’industrie privée : la commande publique. Les marchés publics, c’est-à-dire les commandes de produits ou services faites au privé par des administrations ou des services publics représentent entre 15 et 20 % de l’économie européenne. La transition écologique nécessitera des investissements publics massifs, par exemple dans l’éolien, en Mer du Nord, pour produire de l’énergie renouvelable, dans les transports en commun ou dans l’isolation des bâtiments et habitations. Or, pour l’instant, ce levier n’est absolument pas mobilisé. L’argent public sert à mettre les travailleurs en concurrence via des appels d’offres visant à faire produire le moins cher possible. Le faible contrôle sur ces marchés publics implique aussi de multiples scandales, avec pots de vin pour obtenir des marchés ou accords entre grands monopoles pour tirer les prix vers le haut. Nous mettons fin à cette course vers le bas. Nous allons intégrer des normes sociales et environnementales dans tous les marchés publics. Ces normes garantissent un débouché à l’industrie verte et des emplois de qualité. Ces normes sociales concernent l’ensemble de la chaîne de production, pour éviter la sous-traitance en cascade et la déresponsabilisation. Des conditions qui permettent aussi aux PME d’en bénéficier si elles remplissent les critères. Le non-respect de ceux-ci entraînera une exclusion de tout marché public pour une longue durée.

Trois. Une industrie circulaire qui répond à nos besoins et à ceux du climat

  • Nous développons l’économie circulaire. Elle permet d’économiser des matériaux et de l’énergie et de créer de l’emploi.
  • Pour lutter contre l’obsolescence programmée des appareils électriques, nous augmentons de manière significative les durées de garantie légale.
  • La réutilisation des matériaux ou leur recyclage devient la norme dans le secteur de la construction et nous développons la production de matériaux verts. 
  • Nous renforçons la régulation publique du secteur des déchets pour de meilleures conditions de travail et pour arrêter l’exportation de nos déchets ailleurs dans le monde.

L’impact environnemental de l’industrie dépend aussi du type de biens qu’elle produit et de la façon dont cette production est menée. Nous voulons rompre avec la logique du tout jetable et de l’obsolescence programmée. Cela coûte cher et mène notre environnement à la catastrophe. Nous voulons faire émerger l’industrie circulaire, qui crée de l’emploi, participe à une réindustrialisation de notre économie et diminue notre dépendance aux matières premières et à leur prix.

À l’heure actuelle, beaucoup d’appareils sont sciemment conçus pour ne pas durer. Car plus les consommateurs se rendent rapidement au magasin pour acheter une nouvelle imprimante, une machine à laver ou un smartphone, plus les caisses enregistreuses tournent. Le résultat ? Un gaspillage invraisemblable de matières premières et d’énergie. Nous portons aujourd’hui deux fois moins longtemps un T-shirt qu’il y a vingt ans, car ils sont moins solides. Selon une étude de l’agence française de l’environnement, 88 % des téléphones qui sont remplacés fonctionnent encore, mais ils sont rendus inutilisables par l’impossibilité de mettre à jour des logiciels, par la casse de composants qui ne peuvent être remplacés ou par l’absence de pièces de rechange. Jeter devient donc la seule solution et, au bout du compte, le consommateur paye la note. Qu’a fait la Vivaldi à ce sujet ? Rien ou pas grand chose. Le texte promis depuis le début de son mandat par la ministre de l’environnement Zakia Khattabi n’a toujours pas été discuté. Nous voulons rompre avec cet immobilisme et prolonger les périodes de garantie. Les entreprises sont mises face à leur responsabilité pour produire des biens plus durables, moins emballés et facilement recyclables, via des réglementations plus ambitieuses et qui s’appliquent à tous les produits vendus en Belgique. Dans tous les secteurs qui s’y prêtent, nous allons développer la consigne, pour rendre les producteurs responsables de la récupération des biens en fin d’usage.

En choisissant mieux ce que nous fabriquons, nous aurons déjà fait de grands pas en avant. Cependant, la manière à partir de laquelle nous produisons a aussi toute son importance. Actuellement, la production industrielle se déroule, en grande partie, de manière linéaire. Les entreprises utilisent des matières premières pour fabriquer des produits qui sont incinérés ou mis en décharge après leur utilisation. En produisant de la sorte, nous sommes en train de miner notre planète : nous prenons plus que ce que la terre est à même de renouveler, et nous générons plus de pollution qu’elle n’est capable d’absorber. C’est aussi un gaspillage de ressources stratégiques. Les métaux rares utilisés dans les smartphones ou les ordinateurs à courte durée de vie ne sont plus disponibles pour produire les batteries ou les éoliennes dont nous avons besoin pour réussir la transition. Et puisque nous dépendons de matières premières souvent produites en dehors de l’Europe, nous n’en maîtrisons pas le prix, ce qui peut mettre en danger des secteurs économiques entiers lorsque les prix fluctuent. Nous devons opérer la transition vers une économie circulaire. Les déchets disparaissent, ils sont utilisés comme matière première, encore et encore. On estime qu’une tonne de téléphones portables contient 300 fois plus d’or que le minerai d’or de la meilleure qualité. C’est la même chose pour de nombreuses ressources. Nous avons en Belgique les compétences pour mener à bien ce recyclage, par exemple parmi les travailleurs d’Umicore. Si ces matières ne sont pas récupérées, c’est parce que cela coûte moins cher pour les monopoles du secteur minier d’exploiter des matières premières et des travailleurs dans les pays du Sud. Nous voulons rompre avec ce modèle, en imposant le recyclage et en concevant des produits de façon modulaire pour pouvoir les réparer. Cette économie circulaire est un moyen de moderniser notre industrie, de réduire la consommation d’énergie et de ressources, et de transformer des secteurs industriels entiers et leurs chaînes de valeur. C’est aussi un vecteur d’emplois. On estime que jusqu’à 100 000 postes pourraient être créés dans le secteur en Belgique. Depuis les grands sites de transformation jusqu’aux ateliers dans les quartiers. C’est pourquoi nous soutenons aussi le concept des repair cafés où les produits sont réparés pour être réutilisés. Pour faire émerger cette économie circulaire, nous nous basons sur l’établissement de normes sociales et environnementales qui s’appliquent à tous de la même façon, producteurs et vendeurs de produits en Belgique.

Actuellement, le secteur de la construction est responsable à lui-seul de la consommation de 40 % des matières premières et de la production 30 % des déchets du pays. Au niveau mondial, il génère 40 % des émissions de gaz à effet de serre, soit 15 fois plus que l’aviation. Car, là aussi, il est piloté par la recherche du profit immédiat. Plutôt que de réutiliser les matériaux et de rénover les bâtiments, il est plus rentable et plus rapide pour les barons du béton de démolir et reconstruire continuellement. Nous voulons donc fixer une obligation, pour tous les chantiers importants (soumis à étude d’incidence environnementale) de démontrer que tout a été fait pour réutiliser les matériaux et structures existantes et pour assurer le réemploi ou le recyclage des éléments non récupérés. À l’heure actuelle, dans le secteur de la construction, nous dépendons fortement du béton. Or sa production émet énormément de gaz à effet de serre. Heureusement, le béton peut dans de nombreux cas être remplacé par le bois. Nous pouvons donc faire appel à une sylviculture durable et créer de l’activité dans les forêts du pays et les entreprises liées. Le bois fixe le carbone au lieu de le rejeter. Nous poussons donc à l’utilisation du bois dans la construction via l’adaptation des normes de construction.

Avec ces mesures, nous réduisons la montagne croissante des déchets classiques, électroniques et de construction. Pour mener à bien ce virage vers l’économie circulaire, nous devons aussi mettre fin à l’anarchie qui se développe dans le secteur de la récupération et du recyclage des déchets. En Belgique, cela se traduit par de mauvaises conditions de travail généralisées et la mise en danger de l’emploi dans les entreprises publiques de ramassage, soumises au dumping des géants privés du secteur. Au niveau mondial, cela veut dire qu’on préfère souvent exporter nos déchets hors de l’Europe pour s’en débarrasser plutôt que de les recycler sur place. Pour les gens, cette multiplication des acteurs et cette mainmise privée induit une augmentation du coût de la collecte et du recyclage des déchets. Nous voulons donc remettre le secteur au service de l’intérêt général, avec la garantie d’un maintien du contrôle public du ramassage et du tri des déchets ménagers et ceux des petits indépendants, contre la logique libérale européenne. De même avec un pilotage public de l’ensemble de la filière, par le biais de normes sociales et environnementales strictes qui excluent les entreprises contrevenantes.

Quatre. La Belgique sans amiante en 2030

  • D’ici 2025, nous dressons une cartographie de l’amiante dans les bâtiments publics et privés, les maisons, les décharges et les sols contaminés. D’ici 2030, nous éliminons cet amiante, avec la priorité aux écoles.
  • Nous adoptons les normes de protection les plus strictes pour les travailleurs exposés à l’amiante.
  • Nous revoyons le financement du Fonds amiante et augmentons la contribution de l’industrie de l’amiante. Le Fonds ne protège plus les responsables de la contamination de poursuites judiciaires.
  • Nous ratifions la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement. Elle servira de cadre pour d’autres pollutions, comme les PFOS du géant 3M à Anvers.

Durant des années, notre pays a été l’un des plus grands producteurs et consommateurs d’amiante au monde. On en retrouvait dans les célèbres plaques “Eternit” en amiante ciment, dans l’isolation des chaudières et tuyauteries, dans les produits anti-incendie et dans les tenues des pompiers, dans les plaquettes de frein des voitures et des trains. Or on sait depuis au moins 1930 que l’inhalation de fibres d’amiante peut entraîner la mort par cancer. En Belgique, elle est responsable de 350 décès par an au moins, parmi les ouvriers qui produisaient l’amiante et leur famille, mais aussi les voisins des sites de production, notamment à Kappel-Op-den-Bos, ainsi que les travailleurs du bâtiment ou les cheminots chargés de rénover les wagons.

Une véritable mafia de l’amiante a fait traîner autant que possible son interdiction pour protéger ses profits. Il a fallu attendre jusqu’à 1998 avant de voir apparaître une interdiction de l’incorporation de l’amiante dans les matériaux de construction en Belgique. Derrière cette mafia, une multinationale belge, Eternit, dont l’actionnaire principal est l’une des familles les plus riches de Belgique, les Emsens. Ils doivent leur fortune à ce matériau qui sème la mort. Un nouveau procès perdu en 2022 démontre qu’ils connaissaient la dangerosité de leur produit depuis les années 1970. Après l’interdiction en Belgique, ils ont continué leur business en Inde jusqu’en 2002. Leur activité y a créé la plus grande décharge d’amiante à ciel ouvert du monde. Ils continuent d’aller de procès en procès, en Belgique et dans le reste de l’Europe et du monde, pour défendre leur fortune.

Aujourd’hui, l’amiante continue à empoisonner le quotidien de nombreux travailleurs ou riverains d’anciennes usines ou de décharges, qui vivent dans la peur de contracter un redoutable cancer pouvant se déclarer 30, 40 voire 50 ans après l’exposition. Le pic des victimes est attendu pour 2030 ou 2035. Une étude récente estime que 40 % des maisons contiendraient de l’amiante en Flandre, au moins un millier de wagons et locomotives de la SNCB en abritent et en Wallonie 2900 kilomètres de conduite d’eau sont encore constituées d’amiante-ciment. La plupart des gens ne disposent pas des moyens nécessaires pour faire intervenir des entreprises spécialisées. Alors soit ils ne peuvent pas rénover leur logement, soit ils prennent le risque d’enlever eux-même l’amiante. Du côté des travailleurs chargés d’éliminer l’amiante, les experts alertent sur le fait que la réglementation actuelle n’est pas assez stricte. Mais rien ne bouge vraiment car il s’agit d’un marché très rentable.

Nous voulons que les pouvoirs publics cessent de détourner le regard et s’attellent sans plus tarder à faire de notre pays un pays sans amiante. La Flandre s’est munie d’un plan pour éliminer tout amiante à risque d’ici 2040. Aucune date butoir n’est fixée en Wallonie et à Bruxelles. Alors qu’aux Pays-Bas, l’élimination totale de l’amiante a été avancée à 2024… Nous aussi, nous devons pouvoir le faire ! C’est pourquoi, nous voulons d’ici 2025 recourir à une base de données centralisée sur l’amiante qui permet de dresser un inventaire de l’amiante dans l’ensemble des bâtiments et équipements publics et privés. Et viser une Belgique sans amiante à l’horizon 2030.

Pour protéger les travailleurs chargés d'éliminer l’amiante, nous introduisons au plus vite les normes défendues par les syndicats européens du secteur, 0.001 fibre par cm³. Un niveau d’exposition que nous avions défendu au parlement européen, qui avait été adopté par la majorité des parlementaires mais que la Commission européenne entend multiplier par dix, sous la pression des lobbyistes des entreprises de la construction. Nous fermons les décharges d’amiante actives à moins de 500 mètres des habitations, comme à la décharge SVK à Saint-Nicolas-Waes (en Flandre-Orientale). Suite à une campagne résolue d’un comité d’action et du PTB, la fermeture définitive de la décharge a été décidée. Il faut privilégier la vitrification des déchets d’amiante (les faire fondre pour les transformer en un résidu vitreux totalement inerte), la seule méthode qui soit vraiment sûre pour la santé.

Nous voulons que les coûts du désamiantage et des frais médicaux soient pris en charge par les responsables de la situation et qu’il ne serve pas de paravent pour les géants du secteur. Il existe un fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante en Belgique. Mais il faut une bataille acharnée des victimes et de leurs familles pour que l’ensemble des maladies que génère l’amiante soient reconnues. Nous voulons dès maintenant élargir le spectre des maladies couvertes en se basant sur une expertise médicale indépendante. Aujourd’hui, pour recevoir une indemnisation de ce fonds, les victimes doivent renoncer à toute poursuite judiciaire contre les responsables de leur contamination. Comme si une indemnité de quelques milliers d’euros suffisait à effacer la responsabilité d’Eternit ou des barons du béton qui exposent leurs ouvriers et familles à ce poison mortel. Nous retirons cette clause pour permettre aux victimes d’obtenir justice. Nous voulons aussi le rétablissement du principe du pollueur-payeur. Aujourd’hui, ce fonds est alimenté par l’État et par une cotisation des entreprises, égale pour toutes (qu’elles soient petites ou grandes) équivalant à 0,01 % de la masse salariale. Pour Eternit, cela fait 9 000 € par an. Un montant ridicule pour obtenir une immunité vis-à-vis des victimes ! Nous exigeons une augmentation de la contribution de l’industrie à ce fonds à hauteur de ses responsabilités. En outre, le Fonds amiante refinancé doit pouvoir intervenir dans l’élimination de l’amiante des bâtiments, en visant en priorité les écoles.

Enfin, nous ratifions la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, y compris en dehors de la Belgique. Nous militons activement pour une interdiction totale, à l’échelle mondiale, de l’extraction et de l’utilisation de l’amiante. Pour ainsi faire de l’amiante un cas d’école du principe du pollueur-payeur, servant de modèle pour d’autres cas. Pensons au PFOS répandu par la multinationale 3M à Anvers, par exemple, au nettoyage des friches industrielles ou encore au traitement des déchets nucléaires.