Réfugiés : s'attaquer aux causes qui poussent les gens à fuir
Nous voulons briser le grand tabou du débat sur les réfugiés : le tabou des causes qui contraignent ces gens à fuir leur pays. Ce sont les guerres, la pauvreté et le réchauffement climatique qui les poussent à partir. Et tant que ces causes existeront, il y aura des réfugiés.
Aucun pays ne peut faire face seul à la crise des réfugiés. Tout comme le climat, la migration a besoin de solutions à échelle internationale. Les atteintes au droit d’asile et la limitation des droits fondamentaux des réfugiés constituent un danger pour tous. Parce que la violation des droits de certains est souvent le prélude à une attaque contre les droits de tous.
Un. S’attaquer aux causes qui poussent des gens à fuir leur pays
- Notre politique étrangère est axée sur le soutien aux négociations de paix régionales, pas sur les interventions militaires. Nous nous retirons d’alliances qui nous entraînent dans des aventures guerrières à l’étranger. (Voir chapitre 38. Une politique de paix active.)
- Nous soutenons une politique commerciale et d’investissements qui protège la santé publique, le droit à l’alimentation et à l’environnement, qui soit transparente et sous contrôle démocratique. (Voir chapitre 37. Inverser la politique du commerce extérieur.)
- Nous permettons des transferts de technologie et la suppression des droits de propriété intellectuelle pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique et ses effets. (Voir chapitre 40. Solidarité internationale.)
- Nous respectons l’engagement de consacrer 0,7 % du PIB pour la coopération au développement.
- Nous encourageons la coopération au niveau international, sous l’égide de l’ONU, combinant les réponses d’urgence, la répartition des réfugiés, le soutien aux pays d’accueil et l’anticipation des exils climatiques à venir dans le respect des droits humains.
Nous voulons briser le tabou dans le débat sur les réfugiés : celui des causes de la fuite de leur pays. Tant que les causes existent, il y aura des réfugiés. Or ce sont les guerres, la pauvreté et le réchauffement climatique qui poussent les gens sur la route de l’exil. Et tant les États-Unis que l’Union européenne portent, par leur politique, une grande responsabilité dans ces causes. Nous voulons changer radicalement d’orientation en la matière et attaquer à la racine les problèmes qui poussent les gens à fuir.
Les partis au pouvoir ont voté pour des guerres qui ont obligé des millions de gens à fuir leur pays. La Syrie, l’Afghanistan et l’Irak sont les premiers pays d’où proviennent les réfugiés ces trois dernières années. Le chaos en Libye a également provoqué l’arrivée de nouveaux réfugiés en Europe. Ce sont tous des pays que la Belgique a bombardés ces dernières années. Tous les partis traditionnels ont voté avec conviction pour ces bombardements. Or beaucoup de ces réfugiés n’auraient pas fui leurs pays s’ils n’avaient pas été bombardés. Nous sommes les seuls au Parlement à avoir voté constamment contre ces guerres.
Aussi, notre politique étrangère doit être axée non sur la déstabilisation de régions entières, mais sur la stabilité, par des négociations de paix régionales et non par des interventions militaires.
La politique commerciale de l’Union européenne et de la Belgique maintient les pays du Sud dans un état de sous-développement économique. En Afrique, la politique commerciale de l’Union européenne en faveur des multinationales européennes subventionne toute une série de produits qui sont déversés sur le marché africain. Cela tue l’agriculture et l’économie locales et jette des centaines de milliers de gens sur la route de l’exil. Par ailleurs, les matières premières présentes en Afrique sont souvent accaparées par des multinationales occidentales. Aussi, nous soutenons une politique commerciale et d’investissements qui protège la santé publique, le droit à l’alimentation et l’environnement, qui est transparente et sous contrôle démocratique. Nous respectons l’engagement de consacrer 0,7 % du PIB pour la coopération au développement.
L’absence d’ambition des États européens et de la Belgique pour mettre fin au réchauffement climatique entraîne déjà aujourd’hui sécheresses, typhons et inondations qui font fuir des centaines de milliers de réfugiés climatiques. Or, des responsables politiques comme Theo Francken remettent même en question le fait que le réchauffement climatique est lié à l’activité humaine.
Nous voulons permettre des transferts de technologie et la suppression des droits de propriété intellectuelle pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique et ses effets.
Deux. Europe : une répartition solidaire des réfugiés
- Nous créons des voies sûres et légales vers l’Europe. C’est la seule manière pour lutter efficacement contre le trafic d’êtres humains, mettre fin aux noyades et en même temps respecter le droit d’asile.
- Nous mettons fin aux accords migratoires avec les pays tiers qui ne respectent pas la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l’homme.
- Nous instaurons un système de répartition solidaire entre pays des demandeurs d’asile en Europe.
Aucun pays ne peut faire face seul à une crise des réfugiés ni aborder à lui seul la question des migrations.
Tout comme la question climatique, la question migratoire nécessite des solutions à l’échelle mondiale. Le Pacte de l’ONU pour des migrations sûres, ordonnées et régulières continue de garantir le droit à chaque État de définir sa propre politique migratoire. Mais il fait un pas dans le bon sens en ouvrant le débat sur les causes, en voulant encourager la coopération au niveau mondial et en réaffirmant l’importance des droits humains.
Aussi, nous voulons développer la coopération au niveau international sous l’égide de l’ONU, combinant les réponses d’urgence, la répartition des réfugiés, le soutien aux pays d’accueil et l’anticipation des exils climatiques à venir.
Nous défendons le respect de la Convention de Genève dans l’accueil des réfugiés. La Convention de Genève relative au statut des réfugiés est née en 1951 et découle du droit à l’asile contenu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Elle découle des leçons tirées par les peuples du monde après la Seconde Guerre mondiale et la victoire sur le nazisme. Dans les années 30 et 40, des millions de gens (dont de nombreux Belges) avaient dû fuir à l’étranger pour échapper à la guerre et au fascisme.
La Convention de Genève permet aux personnes fuyant les persécutions à cause de leur nationalité, de leur religion, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques à être reconnues comme réfugiés et à recevoir une protection. La Convention européenne des droits de l’homme de 1950 découle également de la Déclaration universelle des droits de l’homme et consacre notamment l’interdiction de soumettre une personne à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants (lors d’expulsions par exemple) et le droit à vivre en famille. Nous défendons cet important héritage contre les politiques qui tentent de le remettre en question aujourd’hui. Toute personne, y compris en Belgique comme l’histoire l’a montré, peut avoir besoin d’exercer un jour ce droit à l’asile pour fuir des persécutions.
Or, les réfugiés sont utilisés comme épouvantails, pour faire peur aux gens, dans le but de diviser pour régner. S’attaquer au droit d’asile, limiter les droits élémentaires des réfugiés est dangereux. Car s’attaquer aux droits humains des uns est souvent le prélude à une attaque contre les droits humains de tous.
Nous avons besoin d’une réponse internationale face à la crise actuelle des réfugiés. Seule une coopération internationale pour accueillir et répartir les réfugiés peut permettre qu’ils soient accueillis dignement et dans le respect des droits humains. Aussi, nous plaidons pour créer des voies sûres et légales vers l’Europe afin de permettre aux réfugiés de déposer une demande d’asile en Europe. C’est la seule manière d’en finir avec les trafics d’êtres humains et les milliers de noyades en Méditerranée, tout en respectant le droit à l’asile. Cela peut se faire par le mécanisme des réinstallations, qui consistent à transférer et répartir des réfugiés ayant demandé l’asile depuis un pays tiers (comme le Liban) vers les différents pays européens.
Les accords migratoires avec des pays comme la Turquie ou la Libye ne sont pas une solution. Les réfugiés y sont souvent entassés dans des camps surpeuplés et une grande partie des enfants ne vont pas à l’école. En Libye, de nombreux réfugiés sont même réduits à l’esclavage. Il s’agit en réalité d’une politique de pushback (refoulement) contraire aux droits humains. Nous nous opposons donc à de tels types d’accords.
Les règles européennes (règlement Dublin) qui imposent au premier pays par lequel un réfugié entre en Europe de l’accueillir (l’Italie, la Grèce et l’Espagne dans la plupart des cas) ont montré leur faillite. En Grèce, sous pression de l’Union européenne, plusieurs îles ont été transformées en prison à ciel ouvert pour y bloquer les réfugiés qui tentent de venir en Europe. Les camps sur ces îles, auxquels la presse n’a que difficilement accès, sont surpeuplés et les réfugiés entassés dans des conditions épouvantables : pas assez de places, trop peu de sanitaires et en mauvais état, pas d’eau courante, etc. En Italie non plus, les conditions d’accueil ne sont pas satisfaisantes.
Aussi, nous sommes pour la mise en place d’un système de répartition obligatoire des demandeurs d’asile à travers les États membres en Europe : ce n’est pas à la Grèce ou à l’Italie d’accueillir l’ensemble des réfugiés qui arrivent en Europe.
Trois. Un accueil humain qui favorise l’intégration
- Nous faisons en sorte que chaque demandeur d’asile ait le droit de voir sa demande d’asile évaluée sérieusement, dans le respect de la Convention de Genève.
- Nous favorisons l’accueil des demandeurs d’asile dans des petites structures (qui coûtent moins cher et facilitent l’intégration).
- Nous garantissons aux demandeurs d’asile un parcours d’accueil et d’intégration comprenant des cours de langues, des informations sur leurs droits, une aide pour les démarches administratives et de l’aide pour s’insérer professionnellement.
- Nous impliquons les associations reconnues de réfugiés, les associations de terrains et les organisations syndicales dans l’accueil et l’intégration des réfugiés dans les quartiers et au travail.
Nous faisons en sorte que chaque demandeur d’asile puisse déposer sa demande et que celle-ci soit examinée sérieusement, dans le respect de la Convention de Genève. Au contraire de la politique du gouvernement sortant et de son secrétaire d’État Theo Francken (en faisant appel, par exemple, à des fonctionnaires de la dictature soudanaise pour identifier et renvoyer des demandeurs d’asile de ce pays).
Lorsqu’une personne demande l’asile en Belgique, ses besoins sont pris en charge (logement, nourriture, soins médicaux) et elle reçoit 7,40 euros par semaine pour subvenir aux autres dépenses pendant la période que dure l’évaluation de sa demande. Si sa demande est acceptée et que cette personne obtient le statut de réfugié, elle doit quitter le centre d’accueil et se prendre en charge financièrement. Si elle ne parvient pas à trouver un emploi et à subvenir à ses besoins, elle peut être prise en charge par le CPAS (mais elle n’a pas droit au chômage). Nous nous opposons aux attaques visant à limiter ces droits élémentaires.
La politique du gouvernement favorise l’accueil dans de grands centres collectifs impersonnels. Pourtant, l’accueil dans de plus petites structures facilite l’intégration du demandeur d’asile dans le quartier et coûte moins cher. Il garantit une plus grande autonomie et intimité du demandeur d’asile ainsi qu’un cadre plus sûr pour des profils plus vulnérables tel que des femmes seules. Plusieurs études mettent en évidence qu’un trop long séjour dans de grands centres d’accueil collectifs conduit plus facilement à des dépressions, des problèmes médicaux, des difficultés à guérir de traumatismes, une baisse de l’estime de soi… Nous voulons favoriser l’accueil des demandeurs d’asile dans de plus petites structures, avec les associations et les Initiatives locales d’accueil (ILA) comme partenaires ayant l’expertise en la matière.
Les réfugiés demandent de pouvoir suivre des cours de langue et d’apprendre à connaître leur pays d’accueil afin de pouvoir s’intégrer, mais les moyens manquent. Au contraire, chaque demandeur d’asile doit pouvoir avoir accès à un parcours d’accueil et d’intégration comprenant des cours de langues, des informations sur ses droits, une aide pour les démarches administratives, une formation au fonctionnement de la Belgique et de l’aide pour s’insérer professionnellement.
Le droit au regroupement familial est aujourd’hui limité au partenaire et aux enfants (ou aux parents s’il s’agit de mineurs) mais plusieurs obstacles rendent sa réalisation parfois difficile. Or, garantir l’effectivité de ce droit à vivre en famille est essentiel pour faciliter l’intégration.
Nous voulons enfin impliquer au maximum les associations reconnues de réfugiés, les organisations syndicales et les associations de quartiers dans l’accueil et l’intégration des réfugiés. Ce sont elles qui connaissent le mieux la réalité de terrain et peuvent aider à résoudre les problèmes qui peuvent se poser.
Quatre. Pour la garantie des droits humains
- Nous défendons l’intérêt supérieur des enfants. Nous nous opposons à l’enfermement des enfants. L’accès à l’éducation pour les enfants, quel que soit leur statut, doit être garanti.
- L’accès à l’aide médicale urgente doit être maintenu pour tous, indépendamment du statut de séjour.
- Nous luttons contre le travail au noir en sanctionnant les employeurs qui exploitent des travailleurs sans papiers et en protégeant les travailleurs qui portent plainte.
- Nous évaluons par une commission indépendante les demandes de personnes sans papiers pour obtenir un titre de séjour sur base de critères clairs et objectifs.
- Nous soutenons le hub humanitaire mis en place à Bruxelles par les associations de terrain ainsi que la création d’un centre d’accueil et d’orientation pour accueillir et orienter les migrants.
- Nous soutenons les citoyens-hébergeurs contre les tentatives de criminalisation de l’aide humanitaire.
La majorité des personnes sans papiers sont des travailleurs (souvent depuis de nombreuses années) qui se lèvent chaque jour pour se rendre sur leur lieu de travail et qui voudraient contribuer à la sécurité sociale et s’insérer dans la société. Or, ces travailleurs ne bénéficient d’aucune protection et travaillent souvent pour le compte d’employeurs peu scrupuleux qui en profitent pour ne pas respecter les normes salariales, sociales, d’hygiène et de sécurité au travail. La présence d’une telle main-d’œuvre corvéable à merci et sans droits entraîne l’ensemble des conditions de travail et salariales vers le bas dans certains secteurs comme la construction, le nettoyage ou l’horeca.
Nous voulons également renforcer la lutte contre la surexploitation des travailleurs sans papiers en sanctionnant les employeurs qui les exploitent et en protégeant ceux qui portent plainte. C’est tout à fait possible en transposant intégralement la directive européenne Sanctions datant de 2009, qui a pour but de sanctionner les employeurs qui occupent des travailleurs en séjour irrégulier.
Les personnes qui sont ici depuis longtemps doivent aussi pouvoir sortir de la clandestinité. Aussi, nous demandons à une commission indépendante d’évaluer les demandes de personnes sans papiers pour obtenir un titre de séjour et de permis de travail sur base de critères clairs et objectifs.
Cette commission indépendante serait composée de fonctionnaires du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, mais aussi de gens issus du monde syndical et des associations reconnues de réfugiés. Ces demandes doivent répondre à des critères clairs, transparents et permanents :
- des « attaches durables » (travail, liens sociaux, connaissance de la langue)
- une trop longue procédure d’asile
- une situation humanitaire personnelle grave
- être un mineur d’âge non accompagné
En Belgique, les personnes sans papiers n’ont aucun droit sauf l’aide médicale urgente et la scolarisation de leurs enfants. Or ces droits humains élémentaires sont mis sous pression. Nous voulons garantir le respect, la protection et la réalisation de ces droits humains élémentaires. Un migrant est un être humain. Les personnes sans papiers ont droit à un accès aux soins même dans les situations d’urgence.
Conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une priorité dans toutes les situations où des enfants sont concernés.
Enfermer un enfant n’est jamais dans l’intérêt de l’enfant, mais c’est pourtant ce que le gouvernement a remis en place depuis l’été 2018. Dix ans auparavant, en 2008, la Belgique avait en effet mis fin à l’enfermement d’enfants en centres fermés suite à une longue campagne menée par les associations. En 2011 cependant, une proposition de loi soutenue par l’Open-Vld, le MR, la N-VA, le CD&V, mais aussi Défi et le CdH permet de rendre à nouveau possible l’enfermement des enfants dans des centres « adaptés ». C’est sur base de cette loi que le gouvernement Michel a rouvert un centre fermé pour des familles avec enfants. Or, de nombreuses études ont montré que la détention a un impact profond et durable sur la santé et le développement des enfants. Les enfants ayant été enfermés courent un plus grand risque de suicide, de tentatives de suicide, d’automutilations, de troubles mentaux. La détention a également souvent un impact négatif sur leur scolarité. On n’enferme pas un enfant. Point.
Une attention soutenue est également nécessaire pour les mineurs non accompagnés qui sont de plus en plus nombreux en Belgique. Lorsque les autorités entrent en contact avec un mineur non accompagné, l’enfant doit être pris en charge avec le Service des Tutelles. C’est indispensable, car le nombre de disparitions d’enfants non accompagnés a en effet explosé : de 277 en 2015 à 618 en 2017 — l’équivalent de toute une école.
Nous voulons garantir que l’aide humanitaire ne puisse pas être considérée comme un délit. Nous nous sommes opposés au projet de loi gouvernemental des visites domiciliaires, visant à permettre de perquisitionner chez les citoyens qui hébergent des réfugiés. Un projet de loi qui a heureusement dû être mis au frigo grâce à l’indignation et à la mobilisation de très nombreux citoyens.
Nous sommes pour la fermeture des centres fermés et contre les expulsions forcées. Celui qui séjourne ici sans papiers ne doit pas être traité comme un criminel. La politique de répression et de rapatriements forcés mène à des violations des droits de l’homme.
Pour faire les gros titres, la droite parle souvent d’expulsions dans la presse. Mais, en réalité, il est très difficile d’expulser une grande partie des personnes parce qu’elles ne sont pas identifiables, parce que leur pays d’origine refuse de les reprendre ou parce que les renvoyer les exposerait à des traitements inhumains ou dégradants, ou à la torture. Cette politique coûte par ailleurs très cher : enfermer un sans-papiers coûte plus de 200 euros par jour. Elle contraint également nos services de police à courir après des gens qui fuient la guerre ou la misère plutôt qu’à s’attaquer aux vrais criminels.