Pour une justice accessible, proche des gens et pour les gens
La justice à deux vitesses doit faire l’objet d’une réforme démocratique. Depuis longtemps, la justice en Belgique est lente, chère et incapable de protéger les intérêts des citoyens ordinaires. En revanche, elle arrive à toujours bien défendre ceux de l’establishment. L’homme ou la femme de la rue sont toujours punis plus sévèrement que les riches.
La justice est une tour d’ivoire et forme un monde à part, inaccessible au simple citoyen. Beaucoup de Belges le ressentent clairement : nous avons dans notre pays une justice de classe. Nous voulons réformer la justice pour la rendre plus juste et plus efficace.
Un. Une justice accessible
- Nous améliorons l’accès à la justice pour les citoyens ordinaires. Nous réduisons les droits de greffe et supprimons la TVA sur les prestations des avocats.
- Nous simplifions les procédures et imposons l’utilisation d’un langage simple.
- Nous étendons le droit à l’aide juridique et aux avocats pro deo et nous augmentons leur budget.
- Nous développons les tribunaux de première ligne et la justice de paix au lieu de la centralisation poussée actuelle.
- Nous réduisons le plus possible les tâches des huissiers afin d’éviter des frais excessifs et inutiles pour les citoyens.
- Nous encourageons l’informatisation de la justice dans l’intérêt des citoyens. Elle doit rester aux mains des autorités.
Avec des arguments comme « la justice est un bien de grande valeur » et au nom de la « lutte contre la surconsommation », le gouvernement a rendu la justice encore moins accessible au citoyen ordinaire qu’elle ne l’était. En 2016, il a réformé le système d’aide juridique et a introduit une contribution obligatoire pour les justiciables. Heureusement, la Cour constitutionnelle a rappelé le gouvernement à l’ordre et a estimé que ce ticket modérateur constituerait une « réduction considérable » du droit à l’aide juridique. Nous défendons un refinancement complet du système pro deo. Nous augmentons les limites de revenus afin que plus de personnes aient droit à un avocat pro deo. À terme, nous développons le système d’aide juridique comme composant de la sécurité sociale pour que tout le monde ait un accès abordable à la justice.
Le gouvernement a également augmenté les droits de mise au rôle et de greffe. Il s’agit de frais exigés à celui qui engage une procédure judiciaire. Cette mesure rend la justice encore plus inaccessible.
Nous défendons une justice de proximité pour permettre de résoudre un problème de manière accessible, rapide et bon marché. Aujourd’hui, les justices de paix qui sont les plus proches des citoyens sont sous pression. Le gouvernement a fermé 34 justices de paix. Alors qu’elles incarnent la justice de proximité, c’est à ce niveau qu’on fait des économies. Ainsi, la justice s’enferme encore davantage dans une tour d’ivoire. Nous demandons plus de moyens pour les justices de paix, car elles sont les plus proches de la population.
C’est un droit démocratique élémentaire de voir son affaire traitée dans une langue compréhensible. Chaque décision judiciaire doit être compréhensible et rédigée dans une langue claire et simple, avec une argumentation compréhensible et accessible à tous.
Nous voulons créer un service public reprenant autant que possible les tâches des huissiers de justice. En général, une signification – la remise d’une copie de l’acte par un huissier de justice – peut être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception, ce qui permet d’éviter des frais excessifs et inutiles pour les citoyens.
Nous nous opposons à une justice inaccessible qui n’est efficace que pour l’élite économique. Nous soutenons une justice indépendante à laquelle le simple citoyen peut également s’adresser pour résoudre ses problèmes.
Deux. Une justice efficace qui se concentre sur ce qui est vraiment important
- Nous supprimons la loi sur la transaction pénale, nous donnons la priorité à la poursuite effective des grands fraudeurs et délinquants financiers, et nous prévoyons plus de moyens à cette fin.
- Nous voulons que les infractions graves soient punies sérieusement et efficacement.
- Nous donnons plus d’importance aux intérêts de la victime dans le traitement d’une affaire par la police, le ministère public ou le tribunal.
- Nous nous opposons à la privatisation de la justice qui lèse les droits des États et des peuples au profit des multinationales.
Les grands fraudeurs ont encore trop souvent le champ libre. Il faut renforcer le personnel et les moyens des services compétents pour traiter la fraude de manière coordonnée, mais surtout pour l’éviter. Nous ne voulons pas d’arrangement avec les fraudeurs, nous voulons des sanctions. C’est pourquoi nous sommes opposés à la loi sur la transaction pénale qui profite aux grands fraudeurs fiscaux et à la grande criminalité financière. Les premiers bénéficiaires ont été l’entreprise diamantaire Omega-Diamonds, qui n’a dû payer que 160 millions d’euros pour une fraude estimée à 4,5 milliards d’euros, et le milliardaire belgo-kazakh Pathok Chodiev qui a été blanchi dans un vaste dossier de corruption pour 23 petits millions d’euros. Ce n’est pas possible.
Ceux qui menacent la sécurité, la dignité et la vie des gens méritent une peine. Nous devons protéger la société contre les criminels. Mais la société a surtout intérêt à ce que le nombre de crimes diminue et que les détenus soient réintégrés dans la société et qu’on empêche toute récidive. C’est pourquoi, la réintégration des détenus et la prévention des délits méritent une grande attention.
Ce gouvernement a obéi aux grandes fortunes et multinationales et leur a promis ce qu’il refuse au simple citoyen : une justice efficace. Un tribunal de commerce anglophone doit être créé à Bruxelles, le Brussels International Business Court. Taillé sur mesure pour les multinationales, son unique tâche consiste à régler les différends commerciaux internationaux. Des traités commerciaux comme le TTIP permettent aux multinationales de poursuivre des gouvernements devant un tribunal privé si elles estiment que leurs profits (futurs) sont menacés, par exemple en raison d’une législation du travail ou environnementale. C’est inadmissible pour le PTB.
Trois. La prison comme dernier recours
- Nous favorisons les sanctions réparatrices et éducatives dans l’intérêt des victimes au lieu de sanctions répressives en cas de criminalité de quartier.
- Pendant la détention, nous nous consacrons davantage à la réintégration afin que ceux qui sortent de prison ne soient plus une menace pour la société.
- Nous différencions le système pénitentiaire : plus de mesures de sécurité pour les criminels graves et de petites maisons d’arrêt de proximité pour les jeunes délinquants.
- Nous prévoyons des institutions psychiatriques spécialisées pour les internés et des institutions de désintoxication avec accompagnement pour les toxicomanes. Leur place n’est pas en prison.
Nous sommes en faveur de sanctions réparatrices et éducatives. Ainsi, l’accent repose sur la réparation du dommage subi par la victime (en cas de vol ou de coups et blessures, par exemple) et pas seulement sur la peine. Il peut s’agir d’une réparation en argent ou d’une mesure alternative, comme une peine de travail ou une prestation d’intérêt général. Les sanctions éducatives favorisent l’écoute de la victime et offrent également plus de garanties d’une réintégration future dans la société pour l’auteur. Il est essentiel que les citoyens soient impliqués dans la justice pour assurer son bon fonctionnement.
Les résultats de notre pays en matière de récidive sont mauvais. Plus qu’ailleurs, les prisonniers retombent dans la criminalité après leur libération. Les peines de prison ont un objectif, mais il ne faut pas oublier que les condamnés reviennent ensuite dans la société. Nous voulons que les prisonniers retrouvent une place dans la société après leur libération et non qu’ils remettent la société en danger. La prévention de la criminalité doit être une priorité et elle doit être menée en prison. C’est là qu’il faut préparer la réintégration le mieux possible. Cela permet également d’importantes économies. En effet, la criminalité entraîne des coûts pour la société : prisons, agents de police, services de suivi, etc.
Il faut diversifier notre système pénitentiaire, car les conditions de vie des détenus sont inquiétantes. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Belgique à plusieurs reprises en raison de conditions de détention inhumaines et dégradantes. Nous voulons plus de mesures de sécurité pour la détention des criminels dangereux. Pour les jeunes délinquants, nous voulons plus de petites maisons d’arrêt à proximité de leur domicile où les contacts avec leur famille et les gardiens occupent la place centrale. Nous voulons plus de petites structures de transition pour les personnes qui purgent la dernière année de leur peine, avec un accompagnement intensif en vue de leur réintégration dans la société.
Les prisons comptent également de nombreuses personnes souffrant de troubles mentaux ou d’un handicap mental. Il faut qu’elles bénéficient d’une thérapie et d’un accompagnement adéquat. Pour elles, la prison n’est pas un environnement propice au progrès.
Quatre. Une justice participative qui implique les citoyens
- Nous veillons à ce que les problèmes entre citoyens se règlent autant que que faire se peut par la médiation, grâce à des maisons de justice et à une bonne aide juridique de première ligne.
- Nous défendons la généralisation de l’intervention de juges sociaux, comme c’est déjà le cas dans les tribunaux du travail.
- Nous nous opposons à la réforme de la cour d’assises. Le système de jury populaire ne peut être remis en question.
La justice doit faire l’objet d’un contrôle démocratique. Nous pouvons plus impliquer la population dans la justice par le biais de juges non professionnels élus ou délégués. Pourquoi des organisations sociales n’ont-elles pas le droit d’aider la justice comme le font les syndicats devant le tribunal du travail ? Des assesseurs issus d’associations d’aide à la jeunesse, d’organisations de quartier, d’associations de locataires et d’autres organisations de la société civile peuvent siéger aux côtés d’un juge professionnel.
La médiation et l’information peuvent faire des miracles et éviter une procédure judiciaire coûteuse. Cela représente un avantage pour tous. Les problèmes entre citoyens peuvent souvent être résolus entre eux. Dans cette optique, des maisons de Justice et une bonne aide juridique de première ligne sont essentielles.
Nous nous opposons au démantèlement de la cour d’assises pour les crimes très graves en sorte que beaucoup moins d’affaires seraient renvoyées devant cette cour. Les assises sont un des tribunaux qui impliquent le plus le citoyen dans la justice. Nous sommes opposés à l’affaiblissement du droit constitutionnel à un jury populaire.
Cinq. Respect de l’État de droit
- Nous défendons le statut des juges d’instruction. Leurs compétences légales exclusives dans une enquête judiciaire doivent être préservées.
- Nous garantissons et restaurons les droits de la défense, tant dans la procédure civile que pénale.
- Nous veillons à ce que les juges disposent du temps et de la liberté nécessaires pour traiter une affaire à fond sans subir de pression liée à des contrats de performance ou à un financement basé sur les résultats.
- Nous demandons l’abrogation de la loi sur les sanctions administratives communales car elle viole le principe de séparation des pouvoirs.
- Nous voulons un refinancement pour permettre une justice démocratique.
Le cadre de pensée néolibéral réduit le pouvoir judiciaire à un prolongement du pouvoir exécutif de manière très subtile, mais non moins inquiétante. Ainsi, les chefs de corps sont sous l’autorité constante de fonctionnaires du ministère de la Justice et le rôle des juges d’instruction diminue. Le parquet et la police fédérale gagnent en puissance tandis que les droits de la défense reculent.
Certes, la justice peut et doit devenir plus efficace et plus moderne. Mais la justice n’est pas une entreprise privée et le rendement économique ne peut en être la base. Aux Pays-Bas, l’approche managériale a conduit à une érosion de la qualité des jugements car la loi de la quantité règne en maître, selon les conclusions de la Cour des comptes néerlandaise en 2016.
Une justice démocratique requiert du temps et des moyens. C’est un coût nécessaire pour la société. Avec 0,7 % du budget alloué à la Justice, la Belgique est loin en dessous de la moyenne européenne de 2,2 %. Et le justiciable en est la première victime. Les affaires sont reportées de manière exaspérante. Récemment, le palais de justice de Namur a attiré l’attention des médias en raison d’un plafond qui risque de s’écrouler. L’état de nombreuses justices de paix est lamentable. Il manque du personnel à tous les niveaux. Mais le gouvernement poursuit sa politique d’austérité avec des coupes budgétaires linéaires de 10 %. Nous voulons un refinancement pour permettre une justice démocratique.
La séparation des pouvoirs est un pilier de l’État de droit. Le pouvoir judiciaire doit constituer une protection contre l’arbitraire et un contrepoids au pouvoir exécutif. La justice doit rester indépendante. Nous nous opposons aux tentatives de la soumettre au gouvernement et aux services de police.
Les juges d’instruction sont garants de la transparence et du contrôle de la légalité des procédures d’enquête de la police, des services de sécurité et du ministère public. Ils doivent rester maîtres de l’enquête judiciaire.
Les droits de la défense doivent être garantis, tant dans une procédure civile que pénale. Les dossiers « secrets » auxquels seul le tribunal a accès ne sont donc pas acceptables, tout comme la réduction des possibilités de recours dans les procédures civiles. On peut parler de justice rapide, mais pas aux dépens des droits de la défense.
Il est question d’adopter la procédure de plaider-coupable des États-Unis, ce qui menace le droit à un procès équitable. En effet, cette procédure implique le danger que des personnes innocentes soient poussées à reconnaître une chose qu’elles n’ont pas commise pour éviter pire. En outre, elle implique également le danger que les enquêtes ne soient plus approfondies puisque le (non-)coupable a déjà avoué. Cette procédure rompt avec la tradition du droit pénal belge qui a toujours choisi les règles d’un procès pénal au débat contradictoire et respectant les droits de la défense.
La levée du secret professionnel pour les travailleurs sociaux menace également le respect de la vie privée. Le secret professionnel partagé n’est pas une permission de divulguer des informations obtenues. Le lanceur d’alerte Edward Snowden écrit : « Dire que le droit à la vie privée ne me préoccupe pas parce que je n’ai rien à cacher revient à dire que je me moque du droit à la liberté d’expression parce que je n’ai rien à dire. »
Une justice démocratique requiert du temps et des moyens, c’est un coût nécessaire pour la société. Les juges doivent avoir le temps et la liberté de traiter une affaire à fond, sans pression découlant de contrats de performance (nombre d’affaires à traiter dans un délai donné) ou de financement en fonction des résultats (imposant une limite budgétaire par affaire). La recherche de la vérité doit toujours avoir la priorité.