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4 mesures d’urgence du PTB pour soutenir les travailleurs et travailleuses de la culture

Concerts, cinémas, expositions, musées, tournages, spectacles, cours... Depuis trois semaines, tout est à l’arrêt dans le secteur culturel, aucun domaine n’est épargné. Les travailleuses et travailleurs de la culture, avec leurs associations et fédérations, multiplient les appels à l’aide auprès des autorités publiques (dont cette carte blanche parue le 31 mars dans Le Soir). Le PTB avance 4 propositions.

Jeudi 2 avril 2020

L’annulation des événements culturels est un mal nécessaire pour stopper l’expansion de cette pandémie, mais les répercussions sont et seront terribles pour les travailleurs et les travailleuses. Nombre d’entre eux et d’entre elles, qu’ils soient artistes, techniciens ou employés, sont contraints de vivre avec peu de revenus ou pas de revenus du tout. Cette crise touche doublement les secteurs et personnes déjà fragilisés. La culture, avec ses contrats précaires, temporaires, son soi-disant statut d’artiste, son grand nombre de freelances, fait sans nul doute partie des secteurs qui seront les plus impactés économiquement par cette crise sanitaire. Tandis que des mesures fortes ont déjà été prises dans d’autres pays, en Belgique, les réponses des différents gouvernements aux inquiétudes légitimes du monde culturel tardent à se faire entendre. Le silence est lourd et de plus en plus pesant. Des mesures doivent être prises de toute urgence :

Immuniser le statut d’artiste et faciliter son accès

Alice, jeune musicienne : « Actuellement, j'ai perdu tous mes contrats de travail pour les mois de mars et d'avril. Le mois de mai commence à être impacté et on craint déjà pour les festivals d'été… Là où j'ai la chance de pouvoir toucher une espèce de “chômage technique” via le statut d'artiste, mes colocs musiciens sans statut se retrouvent du jour au lendemain sans aucun revenu, dédommagement ou même accessibilité à un chômage technique. » Le chômage dont Alice parle, c’est ce qu’on appelle le statut d’artiste en Belgique (voir encadré). « J'ai réussi à obtenir le statut d'artiste en travaillant comme une acharnée, 70 heures/semaine pendant 1 an et demi. Je suis sortie de cette période complètement à bout, dégoutée de mon métier, en burn-out pendant plusieurs mois, sans vie sociale. J’y ai laissé une partie de ma santé, notamment auditive, tellement j’ai bossé », explique-t-elle.

Étendre le chômage temporaire pour force majeure à tous

Le statut d’artiste est très difficile à obtenir tant les conditions d’accès sont déconnectées de la réalité. Voilà pourquoi nombreux sont les travailleurs de ce secteur à ne bénéficier d’aucune sécurité d’emploi. C’est le cas de Lucas, jeune ingénieur du son : “Au mois de mars, j’ai perdu 70 % de mon salaire. Mon loyer est plus élevé que ce que j’ai gagné. Et pour le mois d’avril, ce sera pire. Je vais perdre 100 % de mes revenus.” Selon une récente étude de l’ATPS (Association de techniciens professionnels du spectacle), ils seraient plus de 1 technicien sur 3 à se retrouver dans la même situation, sans aucun revenu de remplacement. Un autre chiffre inquiétant : la grande majorité des techniciens ne toucheront même pas 1 000 euros par mois. Quand on a des enfants à charge, un emprunt à rembourser ou un loyer à payer, en plus des dépenses de base, impossible de s’en sortir financièrement.

Un système pour enregistrer les pertes économiques

Les autres fédérations professionnelles chargées de représenter les différents métiers de la culture n’ont pas non plus attendu les pouvoirs publics pour se mettre au travail. Beaucoup ont lancé des formulaires en ligne pour estimer, secteur par secteur, l’étendue des pertes économiques pour leurs travailleurs. Selon les données compilées par l’Union des artistes, les pertes sont actuellement estimées à 2 700 euros brut en moyenne par travailleur. Les 165 personnes qui ont participé à cette enquête ont perdu, au total, près de 450 000 euros pour la période du 13 mars au 4 avril. D’après Be Culture, 10 000 événements culturels ont déjà été annulés en Belgique. En Flandre, rien que pour le secteur musical, on estime la perte sur la vente de tickets à 75 millions si les salles restent fermées jusque fin avril, à 110 millions si la fermeture est prolongée jusqu'à l'été et à 180-200 millions si les festivals d'été sont annulés. Sans parler des recettes des ventes de boissons et autres. En plus, il y aura d'énormes pertes d'emploi. Savez-vous qu’en Europe, il y a plus de travailleurs dans la culture que dans l'automobile ?

Les autorités proposent de reporter un maximum de représentations au lieu de les annuler. Cette solution a ses limites puisque les représentations reportées s’ajoutent à celles déjà programmées. Les lieux culturels arrivent rapidement et inévitablement à saturation. Au moment d’écrire ces lignes, les mesures de confinement ne portent que jusqu’au 19 avril, et pourtant des événements prévus en mai, juin, juillet sont déjà annulés ou en passe de l’être. Les répétitions, les locations de salle et de matériel, les contrats des uns et des autres... on ne pourra pas simplement décaler tout cela de quelques mois. C’est toute la création actuelle et future qui est en péril. Au point qu’on anticipe des répercussions jusqu’en 2022, voire davantage.

Un fonds d’urgence à la hauteur

Du côté de nos voisins allemands, les autorités ont créé un fonds d’urgence de 50 milliards, en partie pour la culture. À l’échelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles, cela reviendrait à un fonds d’aide de 2,6 milliards d’euros, or le montant annoncé pour le moment s’élève à 50 millions. Les premiers chiffres dont nous disposons ne concernent que les pertes économiques de quelques centaines de travailleurs et sur une période de confinement de 2-3 semaines. En attendant qu’un système sérieux soit mis en place pour chiffrer précisément les pertes colossales des uns et des autres, il est évident qu’il faudra bien plus de moyens en faveur de la culture pour se remettre d’une crise aussi profonde. Si l’on souhaite que survivent financièrement les artistes, techniciens et petites structures qui font la richesse de notre culture, ce fonds doit permettre à ces travailleurs de percevoir un revenu équivalent à 100 % de leurs pertes de revenus.

En cette période de confinement, la musique, les films, les séries, les émissions de radio ou de télévision, les livres… nous permettent de tenir le coup, d’imaginer un autre monde à construire. Voilà des années que les travailleurs et travailleuses de la culture sont traités comme des chômeurs, des charges pour l’État. Il est plus que temps de reconnaître leur contribution, d’une valeur inestimable, à notre société et de leur donner les moyens de vivre dignement. Et ce n’est pas en privilégiant des « solutions » reposant sur l'initiative privée et les déductions fiscales, comme le crowdfunding ou le tax shelter, que l’on y parviendra. La crise actuelle met en lumière les failles de ce type de financement. Les pouvoirs publics vont devoir prendre leurs responsabilités, et ce, de toute urgence.

Le PTB propose 4 mesures d’urgence pour le secteur culturel :

  1. Toutes les prestations annulées doivent être prises en compte pour l’octroi et le renouvellement du statut d’artiste. Plus largement, il faut empêcher toutes les sanctions pour les demandeurs et demandeuses d’emploi durant la crise sanitaire ;
  2. Extension du chômage temporaire pour force majeure à tous les travailleurs et travailleuses, qu’ils soient employés ou freelances.
  3. Mise en place par les autorités publiques d’un système en ligne pour permettre aux artistes, aux techniciens et aux plus petites structures de déclarer leurs pertes économiques liées à la crise sanitaire.
  4. Création d’un fonds d’urgence qui permettra de couvrir les pertes économiques des individus et des organisations, à commencer par celles et ceux qui sont le plus en difficulté. Ce fonds doit être financé par un impôt sur les grandes fortunes du pays.

 

La précarité : le quotidien des travailleurs de la culture

Les artistes et techniciens sont très peu nombreux à bénéficier d’un CDI. La majorité alterne entre des périodes de chômage et des contrats de courte (voire très courte) durée.

Pour tenter de répondre à la réalité des travailleurs du secteur, un « statut d’artiste » a été mis en place. Cependant, ses conditions d’accès sont très difficiles à remplir. Il faut justifier 312 jours de travail sur une première période de 21 mois (au minimum, car cela augmente avec l’âge) et ensuite justifier 156 jours de travail sur une seconde période de 18 mois. C’est énorme pour ce type de métiers, puisque les temps de création, d’écriture, de sollicitation, de répétition, de montage ne sont pas pris en compte. Lorsqu’on obtient enfin ce « statut », on continue d’être considéré comme un chômeur par l’État, mais on n’a plus à craindre la diminution des allocations, à condition de prouver, chaque année, qu’on exerce bien des « activités artistiques ». Le statut d’artiste étant très difficile d’accès, la plupart des travailleurs de la culture vivent dans le stress de ne pas avoir assez de contrats pour boucler les fins de mois.